La responsabilité de l’État en cas de non-assistance de la force publique dans les délais légaux

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Me Schaeffer,avocat au barreau de Paris [1]
Août 2023

L’expulsion d’un locataire peut s’avérer être un processus coûteux, au point que de nombreux propriétaires préfèrent éviter de louer leur bien plutôt que de se confronter à d’éventuels problèmes.

Cependant, une fois qu’une décision d’expulsion est prononcée, sa mise en œuvre ne se réalise pas immédiatement. Pourtant, en suivant une procédure scrupuleuse, il est possible d’assurer l’exécution de l’expulsion conformément à la loi.

Cependant, même si toutes les étapes de la procédure ont été respectées, il peut arriver que l’assistance de la force publique pour procéder à l’expulsion ne soit pas accordée. Dans ce cas, l’État peut être tenu responsable de son manquement à fournir l’assistance requise.

Cette situation ouvre la voie à une possible indemnisation pour le propriétaire lésé.

Il est important de souligner que la responsabilité de l’État peut être engagée lorsque les conditions légales pour l’expulsion sont réunies et que le propriétaire a suivi toutes les démarches nécessaires.

Le délai décisif de 2 mois pour l’assistance publique

Pour procéder à l’expulsion d’un locataire en vertu d’une décision judiciaire, le propriétaire doit engager un huissier de justice. Ce dernier est chargé de remettre un commandement de quitter les lieux à l’occupant, conformément à l’article L. 411-1 du Code de Procédure Civile et d’Exécution.

Ce commandement accorde à l’occupant un délai de deux mois pour restituer les lieux. De plus, ce commandement doit également être notifié au préfet, qui est ainsi informé de la situation et des mesures prises.

Malgré le commandement de quitter les lieux, il arrive fréquemment que, à l’expiration du délai de 2 mois, l’occupant persiste à rester dans les lieux.

L’huissier de justice, n’ayant pas le pouvoir de contraindre l’occupant à partir, doit alors faire appel à l’assistance de la force publique pour procéder à l’exécution de l’expulsion.

Une fois que le recours à l’assistance de la force publique est requis, le préfet dispose d’un délai de deux mois pour décider d’accorder ou non cette assistance.

Cela signifie qu’en comptant à partir de la signification du commandement de quitter les lieux, le délai total s’élève à 4 mois.

Quelles conséquences en cas de dépassement du délai de 2 mois ?

Il peut arriver que l’État refuse explicitement ou implicitement son concours en ne répondant pas à l’huissier dans les deux mois suivant la remise du procès-verbal de réquisition de la force publique.

En cas de refus du concours de la force publique, le propriétaire peut engager un recours contre l’État pour demander une indemnisation du préjudice subi, conformément à l’article L. 153-1 du Code de Procédure Civile et d’Exécution.

Ce refus peut être motivé par des considérations sociales liées à la situation familiale ou à l’âge du locataire défaillant, ainsi que par des préoccupations liées au maintien de l’ordre public en cas d’expulsion.

Dans le cas du refus de l’assistance de la force publique, un avocat peut jouer un rôle essentiel en guidant les parties à travers le processus juridique et en veillant à la protection de leurs intérêts.

Quelle est la responsabilité de l’État en cas de dépassement du délai prescrit ?

En cas de refus de concours de la force publique, l’expulsion du locataire devient impossible.

Conformément à la jurisprudence Couitéas, l’État est dans l’obligation d’indemniser le bailleur pour le préjudice subi.

En l’espèce, la responsabilité de l’État est objective, ne nécessitant pas de preuve de faute. Le bailleur lésé peut obtenir une indemnisation pour le préjudice causé par le refus de concours de la force publique, qu’il soit exprès ou tacite.

Pour commencer, il est nécessaire d’adresser un recours gracieux à l’Administration qui a refusé d’accorder le concours de la force publique.

Dans ce recours, le bailleur doit présenter de manière chronologique les faits et formuler une demande d’indemnisation précise.

En pratique, cette demande vise à obtenir du paiement des loyers impayés par l’État. L’Administration dispose d’un délai de deux mois pour répondre, et en l’absence de toute réponse à l’expiration de ce délai, il est considéré que l’Administration a implicitement rejeté la demande.

Par la suite, le bailleur engage une action devant le Tribunal administratif pour réclamer son indemnisation. En général, le Tribunal prend favorablement en compte la demande d’indemnisation du bailleur lésé.

Cela s’explique par le fait que la responsabilité de l’État dans ce cas est objective, ne requérant pas la démonstration d’une faute.

Il est courant que l’État propose la conclusion d’un protocole dans lequel il indemnise le bailleur et se substitue ensuite à ses droits pour poursuivre le locataire afin de recouvrer les montants versés.

Quels sont les recours disponibles pour les propriétaires lésés ?

Lorsque les propriétaires se trouvent lésés, différents recours juridiques peuvent être envisagés. Parmi les possibilités, on retrouve le recours gracieux contre l’État, le recours contentieux contre l’État, ainsi que le référé liberté contre l’État.

Recours gracieux contre l’État : préserver vos droits et intérêts

Avant d’engager une action devant la juridiction administrative, le propriétaire bailleur qui estime avoir subi un préjudice doit effectuer un recours gracieux auprès du préfet.

Le processus peut être engagé soit après un refus explicite de l’Administration, soit à l’expiration du délai de 2 mois suivant le dépôt de la réquisition.

Pour contester le refus de concours, le propriétaire doit rédiger une requête adressée au ministre de l’Intérieur ou au préfet.

Cette requête peut être envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception à la préfecture ou être notifiée par un huissier de justice.

Son objectif est d’obtenir l’annulation de la décision de refus et de quantifier le préjudice subi. Il est important d’inclure toutes les pièces pertinentes de la procédure, une évaluation initiale du préjudice ainsi que les justificatifs nécessaires à l’appui de la demande.

La décision de l’Administration doit être rendu dans un délai de 4 mois. Le silence de l’Administration après ce délai est assimilé à un refus.

Recours contentieux contre l’État

Si l’Administration refuse de manière implicite ou explicite, le propriétaire bailleur a un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif compétent dans la région où se situe le bien immobilier loué.

Il est obligatoire de recourir aux services d’un avocat pour cette procédure.

La décision du Tribunal Administratif sera notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception et pourra faire l’objet d’un appel devant la Cour administrative d’appel.

Le référé liberté contre l’État

Le refus de l’Administration d’accorder le concours de la force publique, peut constituer une violation grave et manifestement illégale des droits du bailleur. Dans de tels cas, il est possible d’engager une procédure d’urgence appelée référé-liberté, dans laquelle le juge doit se prononcer dans les 48 heures suivant la demande (Article L. 521-2 du Code de justice administrative).

Cependant, il est nécessaire de démontrer spécifiquement la gravité de la violation et son caractère manifestement illégal.

Par exemple, la présence d’un danger pour la sécurité des occupants de l’immeuble peut être considérée comme une telle situation.

Il convient de noter que la perte de revenus locatifs et l’occupation sans droit ni titre d’une partie de l’immeuble ne sont pas considérées comme des situations d’urgence selon une décision du Conseil d’État en date du 30 octobre 2003 (réf. 261353, Sté Kentucky).

Le recours contre cette décision devra être porté devant le Conseil d’État, qui se prononcera dans les mêmes délais.

L’indemnisations des préjudices subis

Le propriétaire subit un préjudice équivalent au montant de l’indemnité d’occupation à laquelle l’occupant est redevable.

Par conséquent, les montants dus en termes de loyers et d’indemnités d’occupation impayés avant le refus du concours de la force publique ne sont pas inclus dans le périmètre de l’indemnisation.

Ainsi, le bailleur ne peut pas récupérer intégralement sa créance locative grâce aux ressources publiques.

Ces dernières années, les délais d’attente pour obtenir une indemnisation de la part de l’État ont été significativement raccourcis.

Cela est dû principalement grâce aux négociations acceptées par la Préfecture dans la majorité des situations.

Cela permet au bailleur de recevoir une compensation sans devoir entamer une procédure devant le tribunal administratif.