Le devoir de conseil impose au professionnel de se renseigner sur les besoins de l'acheteur

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

15 septembre


11 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-22.210 [1]

Un récent arrêt rappelle que, pour bien conseiller son acheteur, un vendeur professionnel doit se renseigner sur les besoins de ce dernier.

Au cas d’espèce, une famille envisage un « road-trip » américain de longue durée. Pour ce faire, elle acquiert auprès d’un vendeur un camping-car fabriqué par une autre société.

Postérieurement à livraison, l’acheteur fait installer par le vendeur des équipements supplémentaires.

Le rêve américain tourne court lorsque notre famille découvre « un fléchissement de l’essieu arrière ». Une expertise postérieure impute ce fléchissement à une surcharge pondérale.

L’acheteur assigne alors le vendeur et le fabricant en résolution de la vente et responsabilité, leur reprochant un manquement à leur devoir d’information et de conseil.

Il est débouté en appel, la cour relevant la mise en garde « attention au poids / chaque accessoire diminue la charge utile » indiquée sur la facture de livraison. Pour les juges du fond, le véhicule livré conformément à la commande initiale était apte à l’usage prévu, la surcharge de poids étant la conséquence de l’installation à sa demande d’éléments optionnels postérieurement à la livraison.

Quand bien même la mention n’indiquait pas le poids des équipements déjà installés, elle était selon la cour suffisante pour attirer l’attention de l’acheteur sur la charge du véhicule et sur l’installation d’autres équipements.

Cassation au visa de l’article 1147 ancien du Code civil. Pour la Haute juridiction, « le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d'une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation entre le bien qui est proposé et l'usage qui en est prévu ».

La cour d’appel se voit reprocher d’avoir violé ce texte en écartant la responsabilité du vendeur « sans constater qu’il s’était informé sur les besoins de l’acheteur, et en particulier de la charge utile qui lui était nécessaire pour mener à bien son projet de voyage ».

La solution, qui n’a rien de novateur, impose au vendeur professionnel de s’informer sur les besoins spécifiques de son client (« la charge utile qui lui était nécessaire pour mener à bien son projet de voyage) pour mieux le conseiller. Imposer une telle obligation dans le cadre d’une vente d’une chose standardisée, par opposition à une solution sur mesure (topique d’un contrat d’entreprise) peut sembler fort exigeant.

Voir également L. Thibierge, « Surcharge pondérale et obligation de conseil : quand le road-trip fait long feu », RDC 2022, n° 3, à paraître.