Loyers impayés : quels recours? (fr)
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Louise Bargibant, avocat au barreau de Lille [1]
Février 2021
Le statut des baux commerciaux a pour objectif de protéger le locataire dans son activité notamment par sa durée minimale et la reconnaissance d’un droit au renouvellement à son expiration.
Le locataire à bail commercial dispose donc de nombreux droits.
Mais, il a également des obligations et son obligation principale est de payer le loyer et les charges du bail commercial.
Vous avez donné à bail commercial des locaux et votre locataire ne paie pas son loyer et/ou ses charges ? Votre locataire refuse de vous payer le loyer du bail ?
Bailleurs, des solutions existent et il convient de respecter des étapes précises afin de faire valoir vos droits lorsque vous êtes confrontés à des impayés de loyers et charges.
Résumé des étapes à respecter à travers cet article.
La première étape : envisager une saisie conservatoire
Si vous craignez une procédure collective de votre locataire (notamment sa liquidation judiciaire) ou son organisation d’insolvabilité, il peut être opportun de réfléchir à la mise en œuvre d’une mesure conservatoire et notamment à des saisies conservatoires au titre des loyers impayés via un huissier de justice.
La saisie conservatoire des créances (saisie sur les comptes bancaires par exemple) commence par un acte d'huissier qui, à peine de nullité, doit contenir des mentions obligatoires s’agissant de l'énonciation des nom et domicile du débiteur, de l'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie conservatoire est pratiquée ou encore le décompte des sommes pour lesquelles la saisie conservatoire est pratiquée.
L’acte de saisie sera ensuite signifié au tiers saisi lequel sera le plus souvent une banque et lequel devra renseigner sur-le-champ l'huissier de justice sur l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur saisi ainsi que sur les modalités qui pourraient les affecter.
Ensuite, la conversion de la saisie conservatoire des créances en saisie vous permettra, lorsque vous aurez obtenu entre-temps un titre exécutoire (notamment une décision de Justice) constatant l'existence d'une créance liquide et exigible, d'obtenir votre dû.
Attention, le débiteur pourra contester l'acte de conversion dans un délai de quinze jours, devant le juge de l'exécution du lieu où il demeure.
Sur la présentation d'un certificat attestant qu'aucune contestation n'a été formée par le débiteur dans le délai imparti, le tiers saisi devra procéder au paiement des sommes saisies.
En principe, vous devez vous faire autoriser par le Juge la pratique d’une saisie conservatoire.
Néanmoins, dans certains cas, une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire.
La deuxième étape : faire délivrer un commandement de payer
Si, comme dans la majorité des cas, votre bail comporte une clause résolutoire, il sera opportun de la mettre en œuvre en commençant par la délivrance d’un commandement de payer par huissier visant la clause résolutoire.
En effet, conformément à l’article L. 145-41 du Code de commerce, toute clause d'un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.
Pour rappel, cet article est applicable à toutes les infractions au bail et notamment au défaut de paiement du loyer.
Par ce commandement impérativement délivré par huissier, vous allez faire connaître au locataire les infractions qui lui sont reprochées (les impayés de loyers) et l'informer que vous entendez user du bénéfice de la clause résolutoire en cas de défaillance dans le délai imparti.
Le commandement doit mentionner un délai d' un mois minimum pour que le locataire puisse remédier au manquement invoqué.
Ainsi, s’agissant des impayés, votre locataire a un mois pour payer les loyers et charges dont il est fait état dans le commandement.
Si votre locataire régularise les impayés dans le délai du mois, la clause résolutoire ne joue plus.
Au contraire, s’il ne régularise pas les impayés, vous pourrez alors saisir le Tribunal judiciaire afin qu’il constate l’acquisition de la clause résolutoire et donc la résiliation du bail intervenue automatiquement un mois après le commandement infructueux.
La troisième étape : le référé-expulsion
La procédure de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire se fait en général devant le juge des référés (procédure en principe plus « rapide » qu’une procédure devant le juge du fond).
Le juge des référés a à ce titre le pouvoir de constater le jeu d'une clause résolutoire sauf s'il y a lieu de trancher une contestation sérieuse (il se déclare dans ce cas incompétent au profit du juge du fond).
En principe, le juge constate la résiliation du bail.
Néanmoins, il est possible que le locataire sollicite des délais et une suspension de la clause résolutoire.
Pour cela, votre locataire doit avoir présenté une demande de délai dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil puisque les juges ne peuvent pas suspendre d'office les effets de la clause résolutoire.
Attention, il y a en tout état de cause des formalités à respecter notamment le bailleur qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions
Si le juge constate l’acquisition de la clause résolutoire, il ordonnera l’expulsion de votre locataire et le condamnera au paiement de l’arriéré locatif ainsi qu’à une indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle.
La quatrième étape : l’expulsion
Une fois en possession de votre décision de Justice ordonnant l’expulsion du locataire et sa condamnation aux arriérés de loyers et charges, il conviendra de la transmettre à l’huissier.
Celui-ci devra la signifier à votre locataire et lui délivrer un commandement d’avoir à quitter les lieux lequel lui précise qu'à défaut de libération des lieux, il y sera procédé avec le concours de la force publique en cas de besoin.
Si le locataire n’a pas libéré spontanément les lieux, l’huissier va alors se rendre sur place en présence de témoins pour faire une tentative d'expulsion.
Si le locataire s’exécute, il procédera à l'expulsion et aboutira à un procès-verbal qui en prend acte.
Si le locataire refuse de quitter les locaux, il dressera un procès-verbal de tentative d'expulsion qui relatera la démarche infructueuse.
Il devra alors requérir le concours de la force publique, ce qu'il fera en adressant au préfet un procès-verbal de réquisition de la force publique.
S'il est fait droit à la réquisition, l'huissier pourra alors se présenter sur les lieux accompagné d'un serrurier et assisté des forces de police ou de gendarmerie. Il y sera éventuellement procédé de force.
L'expulsion sera alors constatée dans un procès-verbal d'expulsion qui relatera les démarches effectuées.
En tout état de cause, face aux impayés de votre locataire, il ne faut pas tarder à réagir avant l’organisation de son insolvabilité ou encore le dépôt de bilan lequel interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers.