Mention manuscrite : il est temps que le contentieux se tarisse.

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

20 septembre 2022


A la lecture d'un récent arrêt (Cass. com., 21 avril 2022, n° 20-23.300 [1]), on ne peut qu'espérer le tarissement prochain du contentieux de la mention manuscrite. Au cas d'espèce, une caution personne physique avait, en recopiant la mention manuscrite, ajouté trois mots. Commissions. Frais. Accessoires.

Au lieu d'écrire que le montant de son engagement couvrait "le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard", comme le prescrit l'article L. 341-2 ancien du Code de la consommation, elle avait écrit que le montant couvrait "le paiement du principal, des intérêts, commissions, frais et accessoires et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard".

A première vue, la différence paraît picrocholine. L'adjonction de ces précisions (commissions, frais et accessoires) n'est pas de nature à faire douter de la parfaite compréhension par la caution du sens et du quantum de son engagement.

Pourtant, la caution concluait à la nullité de son engagement, au grand dam du créancier, arguant que le référence aux commissions, frais et accessoires "modifiaient le sens et la portée de la mention", comme le soutenait le pourvoi.

L'argument est, fort logiquement, repoussé par la Cour, au motif que "cet ajout n'est pas de nature à modifier le sens ou la portée de son engagement, mais conduit seulement à préciser la nature des sommes couvertes par le cautionnement, sans en modifier la limite, fixée à un certain montant".

Il n'en demeure pas moins que cette interprétation téléologique de l'article L. 341-2, qui conduit à distinguer le bon grain de l'ivraie, en opposant les différences formelles susceptibles de révéler une mauvaise compréhension du sens et de la portée de l'engagement de caution de celles qui ne sont qu'autant de prétextes formalistes pour renier, de mauvaise foi, son engagement, peut être jugée contra legem.

En effet, le texte fulmine sa nullité sans distinction aucune, de manière mécanique et parfois aveugle. Seul le garde-fou prétorien, peut-être contraire à la lettre de la loi mais conforme à son esprit, évite l'annulation absurde de cautionnements dans lesquels une simple coquille ou précision s'est glissée.

On se réjouira donc du changement de paradigme qu'emporte l'ordonnance du 15 septembre 2021. Le nouvel article 2297 C. civ. n'exige plus de formule sacramentelle mais une mention qui révèle que la caution a bien saisi qu'elle s'engageait "à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres".

On verra peu à peu se tarir ce contentieux artificieux, et l'on s'en réjouit.