Monopole bancaire : nature et sanction
France > Droit privé > Droit civil > Droit bancaire
Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
14 septembre 2022
Ce que l’on appelle communément « monopole bancaire » est l’interdiction faite à toute personne autre que certaines catégories d’entités régulées d’effectuer des opérations de banque à titre habituel.
L’article L. 511-5 du Code monétaire financier interdit à ce titre « à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel ».
L’arrêt offert au commentaire (Cass. com., 15 juin 2022, n° 20-22160 [1] ) répond à deux questions afférentes à ce texte.
D’une part, qu’est-ce qu’une « opération de crédit » ?
Au cas d’espèce, une société Back to Bike conclut en 2012 un contrat avec une société Fuchs Lubrifiants, au terme duquel Back to Bike s’engageait à lui acheter une certaine quantité de lubrifiants chaque année durant 5 ans.
En échange de cet engagement de commandes, la société Fuchs Lubrifiants lui offrait des remises et, nœud gordien, lui consentait une avance sur ces remises, à hauteur de 30.000 euros, amortissables en cinq annuités.
Question : cette « avance sur remises » constituait-elle une opération de crédit ?
Pour la Cour de cassation, une réponse affirmative s’impose. La Cour qualifie expressis verbis l’avance sur remises de « prêt […] à intérêts ». Elle approuve les juges du fond d’avoir « exactement déduit » que les parties avaient conclu une opération de crédit, peu important que, dans leur esprit, le prêt litigieux était conçu comme « un complément indissociable de l'engagement d'approvisionnement exclusif souscrit par la société Back to Bike envers la société Fuchs ».
D’autre part, quelle est la sanction de l’opération de crédit accordée en violation du monopole bancaire ?
La cour d’appel avait conclu à la nullité de l’opération de prêt, sans doute pour contrariété à l’ordre public.
Elle est sur ce point censurée par la Cour de cassation. Pour la chambre commerciale, la sanction de la prohibition est pénale et disciplinaire, mais pas civile : « le seul fait qu'une opération de crédit ait été conclue en méconnaissance de cette interdiction n'est pas de nature à en entraîner l'annulation ».
A retenir : la pratique de l’avance sur remise constitue une violation du monopole bancaire, mais ne peut être sanctionnée par la nullité du prêt.