Accidents de la circulation - Du domaine de la loi de 1985

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

27 septembre


La loi "Badinter" du 5 juillet 1985 est à n'en pas douter expansionniste. On sait en effet la notion d' "implication" d'un véhicule entendue très largement. Le véhicule immobile, mal garé, ayant fait des appels de phare ou klaxonné est impliqué.

Cette expansion n'est toutefois pas illimitée. En témoigne l'arrêt rendu hier par la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 31 mars 2021, n° 20-15.448 [1]).

Au cas d'espèce, la société Colas confie à un transporteur, T2L, le transport d'une grue. Alors que celle-ci est manœuvrée pour descendre de la remorque, l'engin bascule et tombe sur le sol.

D'où une question simple : sommes-nous confrontés à un accident de la circulation ?

Oui, répond la cour d'appel (Angers, 11 février 2020), pour qui compétence devait être donnée au TGI, comme le prévoit la loi Badinter, abstraction faite de la qualité de commerçants des parties.

Cassation : la loi Badinter "qui tend à assurer une meilleure protection des victimes d'accidents de la circulation par l'amélioration et l'accélération de leur indemnisation, dès lors qu'est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'a pas pour objet de régir l'indemnisation des propriétaires de marchandises endommagées à la suite d'un tel accident, survenu au cours de leur transport par le professionnel auquel elles ont été remises à cette fin, en exécution d'un contrat de transport".

La loi Badinter n'étant pas applicable à la réparation de dommages matériels occasionnés à la marchandise transportée, survenus lors des opérations de déchargement de celle-ci, effectuées en exécution du contrat de transport liant les parties au litige, dont la qualité de commerçant n'était pas contestée, compétence devait revenir aux tribunaux de commerce. Où l'on voit que la motivation enrichie et l'interprétation téléologique contribuent - parfois - à l'intelligibilité des solutions.

La loi Badinter, destinée à protéger les victimes d'accidents de la circulation, n'a pas pour ambition de régir des dommages purement matériels, survenus en exécution d'un contrat de transport entre commerçants.

Cessante ratione legis cessat ipsa lex !