Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme : Détention, Communications avec l’avocat, Mesures de surveillance, Détenu vulnérable, Droit au respect de la vie privée et familiale (eu)
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Date: Février 2016
Mots clés : CEDH, Article 8, Convention Européenne des droits de l'Homme, avocat, mesures de surveillance
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Arrêt du 27 octobre 2015, R.E. c. Royaume-Uni, requête no 62498/11
Saisie d’une requête dirigée contre le Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après « la Cour EDH ») a interprété l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après « la Convention ») relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.
Le requérant, un ressortissant irlandais, a été arrêté et placé en détention dans le cadre d’investigations concernant le meurtre d’un policier. Il a été considéré comme étant une personne vulnérable et ne pouvait donc être interrogé qu’en présence d’un « adulte approprié ». Lors de sa détention, les services de police ont refusé de lui garantir que ses conversations avec son avocat ou son accompagnant ne feraient pas l’objet de mesures de surveillance. Le requérant a alors demandé que ce refus fasse l’objet d’un contrôle juridictionnel, mais cette demande a été rejetée après qu’il ait été libéré sans avoir été inculpé.
Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant estimait que les dispositions nationales encadrant la surveillance des consultations entre un détenu et son avocat, d’une part, et entre un détenu vulnérable et un « adulte approprié », d’autre part, portaient atteinte au droit au respect de sa vie privée. Il invoquait, notamment, le manque de clarté de la loi et son caractère disproportionné.
● Après avoir constaté l’existence d’une interférence prévue par la loi dans le droit du requérant au respect de sa vie privée, la Cour EDH rappelle que les dispositions nationales encadrant la surveillance des communications doivent être suffisamment claires et précises pour décrire dans quelles circonstances et sous quelles conditions une telle surveillance peut être mise en place.
Elle précise que, dans le contexte de mesures de surveillance, la condition de prévisibilité de la loi requiert que celle-ci soit suffisamment claire, permettant ainsi aux citoyens de connaître les circonstances dans lesquelles les autorités sont autorisées à avoir recours à de telles mesures. Elle relève que l’importance de l’intrusion dans la vie privée de l’intéressé doit déterminer le degré de précision quant à la description des mesures de surveillance.
● Concernant, d’une part, les entretiens entre un détenu et son avocat, la Cour EDH assimile le cas d’écoute des consultations juridiques ayant lieu dans un commissariat de police aux écoutes des conversations téléphoniques entre un avocat et son client.
A ce titre, elle rappelle que les conversations entre un avocat et son client doivent bénéficier d’une protection renforcée dans la mesure où les avocats seraient dans l’impossibilité de défendre leurs clients s’ils étaient incapables de garantir que leurs échanges restent confidentiels. Elle considère, dès lors, que l’écoute des consultations juridiques constitue une intrusion d’un degré extrêmement important dans le droit de la personne au respect de sa vie privée et de ses correspondances.
La Cour EDH constate que les dispositions nationales encadrant la durée, le renouvellement et l’annulation des mesures de surveillance sont suffisamment claires et précises. Elle observe, cependant, que les procédures relatives à l’examen, la conservation, la communication et la suppression des données obtenues n’étaient pas suffisamment détaillées à l’époque de la détention du requérant.
Dès lors, la Cour EDH conclut à la violation de l’article 8 de la Convention en ce qui concerne les mesures de surveillance susceptibles d’avoir été mises en place lors des consultations avec l’avocat.
● Concernant, d’autre part, les entretiens entre un détenu vulnérable et un « adulte approprié », le requérant soutenait que, malgré le fait que ces entretiens ne soient pas couverts par un quelconque secret professionnel, la vulnérabilité du détenu bénéficiaire exigeait que de tels entretiens soient aussi sincères que possible.
La Cour EDH constate que les conversations entre un détenu vulnérable et un « adulte approprié » ne bénéficient pas du secret professionnel et, dès lors, ne peuvent prétendre à la protection renforcée dont jouissent les conversations entre l’avocat et son client. Elle estime que le détenu ne peut avoir les mêmes attentes quant au respect de leur caractère privé. Elle considère, en l’espèce, que les dispositions nationales encadrant ces entretiens comportaient des garanties suffisantes, notamment s’agissant des autorisations, du contrôle et de la tenue des archives.
Dès lors, la Cour EDH conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention en ce qui concerne les mesures de surveillance susceptibles d’avoir été mises en place lors des consultations avec un « adulte approprié ».