Cour européenne des Droits de l'Homme / Arrêt Isenc c/ France du 4 février 2016: les autorités françaises ont manqué à leur obligation positive de protéger le droit à la vie d’un détenu qui s’est pendu en prison (eu)
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Auteur: Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris
Date: le 4 février 2016
Dans son arrêt rendu le 4 février 2016 dans l’affaire Isenc c. France (requête n°58828/13), la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a une nouvelle fois condamné la France, en précisant que les autorités françaises avaient manqué à leur obligation positive de protéger le droit à la vie d’un détenu qui s’est pendu en prison.
L’affaire concernait le suicide en prison du fils du requérant douze jours après son incarcération.
En vue du placement en détention, le juge d’instruction avait indiqué dans la notice individuelle du prévenu à destination du chef d’établissement pénitentiaire qu’il convenait de le surveiller car il semblait fragile et c’était sa première incarcération.
Or, le lendemain de son placement en détention à la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan, le détenu fut incarcéré dans le quartier «arrivants ». Le 5 décembre 2008, à l’issue de la phase d’accueil, Il fut placé dans une cellule avec deux autres détenus. Dans l’après-midi du 6 décembre 2008, resté seul pendant que ses deux codétenus étaient allés prendre leur douche, le malheureux se pendit avec un drap aux barreaux de la fenêtre de sa cellule.
La CEDH a jugé en particulier qu’un contrôle médical lors de l'admission du détenu constituait une mesure de précaution minimale.
Le Gouvernement français avait soutenu que le prisonnier aurait bénéficié d’une consultation médicale, mais n’avait fourni aucune pièce permettant de corroborer le fait.
En l’absence de toute preuve d’un rendez-vous avec le service médical de la prison, la Cour estime que les autorités ont manqué à leur obligation positive de protéger le droit à la vie du fils du requérant.
La CEDH n'a en revanche pas retenu à charge le fait que le service médical appelé à intervenir auprès des détenus, le SMPR entre autres, ne soit pas placé sous l’autorité de l’administration pénitentiaire.
La Cour a déjà relevé que la collaboration des personnels de surveillance et médicaux relevait de la responsabilité des autorités internes (voir par exemple récemment Helhal c. France, n°0401/12, § 58, 19 février 2015)
La CEDH a enfin et surtout constaté que le dispositif de collaboration entre les services pénitentiaires et médicaux dans la surveillance des détenus et la prévention des suicides, bien que prévu par le droit interne, n’a pas fonctionné.
La Cour a donc dit, à l’unanimité, qu’il y avait eu une violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’homme et la France doit en conséquence verser au requérant 20 000 euros pour dommage moral, et 6 588 EUR pour frais et dépens, confirmant notamment sa jurisprudence en la matière issue de l'arrêt Ketreb c. France, n°38447/09 du 19 juillet 2012.
Retrouvez la décision Isenc c/ france du 4 février 2016 en fichier Pdf