Droit pénal : les réductions de peine
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Agnès Secretan, Juriste, Responsable de La GBD
Octobre 2023
Lorsqu’une juridiction prononce une peine de prison, son exécution est souvent sujette à fantasme et désinformations.
Un vieux fantasme qui consiste à [faire] croire que le détenu effectuera à peine la moitié de sa peine. Quand on ne compare pas la prison au Club Med parce-qu’une vieille console de jeu aurait réussi à être branchée.
Pourquoi ? La GBD décrypte cela pour vous .
Tout d’abord, quelles juridictions peuvent prononcer des peines de prisons ?
· Les cours d'assises
Il s’agit d’une juridiction départementale.
Elle est la seule compétente pour juger les crimes les plus graves (viol, meurtre, vol à main armée, ...) commis par les majeurs et les mineurs de plus de 16 ans et pour les procès en appel.
Elle connaît des crimes punis de plus de 20 ans de réclusion et est composée de 3 juges (1 président et 2 assesseurs) et de 6 jurés, citoyens sélectionnés après tirage au sort.
Celles-ci ont à connaître des crimes punis de 15 à 20 ans de prison.
Elle est composée uniquement de juges professionnels : 5 juges professionnels (1 président et 4 assesseurs, juges qui assiste le président d'une juridiction).
· Les tribunaux correctionnels
Le tribunal correctionnel est compétent pour juger une personne soupçonnée d'avoir commis un délit : acte interdit par la loi et puni d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement inférieure à 10 ans.
Durée des peines en chiffres[1] :
Une part importante des détenus le sont pour l’exécution d’une courte peine de prison. Les personnes condamnées pour les crimes les plus graves sont minoritaires dans les prisons françaises.
Au 1er janvier 2020, parmi les 49 7576 personnes condamnées en détention :
- 9,9% sont détenues pour l’exécution d’une peine ou plusieurs peines dont le total n’excède pas 6 mois (4 916)
- 16 % pour une peine ou plusieurs peines d’un total entre 6 mois et un an inclus (7 920)
- 21,2 % entre 1 et 2 ans inclus (10 520)
- 24,1 % pour une peine entre 2 ans et 5 ans inclus (11 928)
- 12,4 % pour une peine entre 5 ans et 10 ans (6 133)
- 12,2 % pour une peine entre 10 ans et 20 ans inclus (6 063)
- 3,3 % pour une peine entre 20 ans et 30 ans inclus (1 613)
- 1 % en exécution d’une réclusion criminelle à perpétuité (483)
Comment une peine de prison est-elle exécutée ?
Il y a la durée de la peine prononcée par la juridiction de jugement et le temps qui sera effectivement passé en prison. Ce quantum peut varier.
En effet, il est possible d’obtenir des réductions et aménagements (libération conditionnelle, semi-liberté, port du bracelet électronique) de peine.
Rien n’est automatique, tout est le fruit d’efforts et investissement du condamné, ou a minima ce dernier doit fournir des garanties, lesquels seront examinés par un juge qui pourra refuser le bénéfice de ces mesures.
Zoom sur le mécanisme des réductions de peine, substantiellement modifié par la loi du 22 décembre 2021 et entré en vigueur le 1er janvier 2023.
De quoi s’agit-il ?
La réduction de peine est une baisse de la durée d'emprisonnement prononcée par le juge pénal.
Cette réduction était accordée automatiquement en fonction de la durée de détention, mais la situation a changé depuis le 1er janvier 2023.
Désormais, pour bénéficier d'une réduction de peine, le détenu doit remplir certaines conditions notamment avoir un bon comportement en prison et faire des efforts de réinsertion. C'est le juge de l'application des peines qui peut accorder la réduction de peine après examen de la situation du détenu.
Avant le 1er janvier cohabitaient deux types de crédit de remise de peine : l’un automatique (crédit de réduction de peine) l’autre optionnel (réduction de peine supplémentaire).
Le premier système accordait 3 mois pour la première année de détention, puis 2 mois pour les années suivantes, et 7 jours par mois pour les peines inférieurs à 1 an de manière automatique mais susceptible d’être supprimé par le juge d’application des peines en cas d’incident, procédure disciplinaire, etc…
Le second, pouvait être alloué au détenu en récompense de son bon comportement. 3 mois maximum par année de détention.
Sur un souhait du garde des Sceaux les remises de peine ne sont plus automatiques en revanche le quantum de peine susceptible de faire l’objet de l’aménagement augmente.
On ne parle plus de CRP ou RPS mais simplement de réductions de peine.
« Je souhaite conditionner les réductions de peine à l’effort », a notamment déclaré le ministre de la Justice.
Désormais, le juge de l’application des peines pourra accorder des réductions allant jusqu’à 6 mois par année de détention (ou deux semaines par mois pour les peines inférieures à un an) pour les condamnés ayant « donné des preuves suffisantes de bonne conduite » ou manifestant des « efforts sérieux de réinsertion ».
L’article 721 du code de procédure pénale est rédigé en ses termes :
« Une réduction de peine peut être accordée par le juge de l'application des peines, après avis de la commission de l'application des peines, aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion.
Cette réduction ne peut excéder six mois par année d'incarcération et quatorze jours par mois pour une durée d'incarcération inférieure à un an… »
Seront donc pris en compte différents éléments dont :
- L’attitude : vis-à-vis des autres détenus, du personnel pénitentiaire,
- Les efforts de réinsertion : le détenu suit-il avec assiduité une formation scolaire, universitaire ou professionnelle ?
- Au sein de la prison : travaille-t-il, participe-t-il à des activités ?
- L’indemnisation des éventuelles victimes de façon volontaire
- Le suivi de soins, etc.
Oui, il est donc possible que le détenu voie le quantum de sa peine de prison ferme réduite de moitié mais, cela n’est pas [plus] automatique et même lorsque cela l’était, les crédits de réduction de peine pouvaient être retirés.
À noter que cette procédure concerne tous les condamnés écroués, qu’ils soient détenus ou non (semi-liberté, bracelet électronique…).
Cette réforme, largement commentée et critiquée par la doctrine signifie que désormais, il n’existe plus de présomption de bon comportement de la personne détenue, celui-ci doit activement s’impliquer s’il souhaite réduire son temps passé, privé de liberté et avoir ainsi l’espoir de sortir avant le terme fixé lors de sa condamnation.
Car c’est bien d’espoir qu’il s’agit. Une peine sur laquelle un détenu n’aurait aucune prise quel que soit son comportement n’aurait aucune vertu notamment en termes de réinsertion, mais aussi d’attitude en prison, et les dérapages seraient possibles, voire inévitables.
Même privé de liberté un système de bonus-malus doit exister.
Comme l’indique très justement Me Quentin Lebas, avocat au barreau de Lille[2]: « Si on enlève au détenu la possibilité de voir sa peine transformée, ça va dégénérer. Si on lui retire tout espoir, ça va être une véritable poudrière… », c’est bien là la philosophie du régime de la peine de privation de liberté, garder en ligne de mire permanente : bon comportement, éducation et réinsertion, 3 termes qui ne riment en rien avec laxisme.
Il convient également de préciser que les réductions de peine peuvent continuer à avoir un effet même après la sortie de détention.
En effet, le juge de l'application des peines peut décider d’imposer certaines obligations après la sortie, pendant une durée correspondant au total des réductions de peine dont le détenu a bénéficié.
Ces obligations ont trois objectifs : favoriser la réinsertion, toujours, empêcher la récidive, préserver les intérêts de la victime
Lire aussi
Section 4 : Des réductions de peines (Articles 721 à 721-4) - Légifrance (Code de procédure pénale)
Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire (voir pages 36,37,38)
Aller plus loin
Dalloz actualité
- "Non-rétroactivité du nouveau régime de réductions de peine : refus de transmission QPC" – Margaux Dominati, ATER, Aix-Marseille Université – 3 juillet 2023
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- "La CJUE et la prise en compte des condamnations antérieurement prononcées par d'autres États membres" – Margaux Dominati, ATER, Aix-Marseille Université – 20 janvier 2023