Droit pénal : le délit de corruption de mineur

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Agnès Secretan, Juriste, Responsable de La GBD
Le 7 décembre 2022


Définition

Infraction pénale, de niveau délictuel, définit à l’article 227-22 du Code pénal.

Le fait de favoriser, ou de tenter de favoriser, la corruption d'un mineur en se livrant à des actes immoraux soit devant des personnes mineures, soit sur le mineur ou par le fait du mineur qui y aura été incité.

L’article vise aussi le fait, pour un majeur, d’organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe ou d'assister en connaissance de cause à de telles réunions.

Bien que la presse se fasse l’écho de personnes majeures et significativement plus âgées que leur victime, l’auteur de l’infraction peut également être un mineur.

Remarque : infraction qui a fait l’objet de nombreuses controverses du fait du manque de clarté dans sa définition dans le Code pénal. Il est reproché au législateur l’absence de véritable définition de l’acte de corruption ; flou textuel qui tendrait à s'aggraver au fur et à mesure des réformes successives,[1]. et qui a même fait l'objet d'une QPC en 2013 [2]

La sanction : une peine principale et des peines plus lourdes en cas de circonstances aggravantes

La peine est de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Peine qui peut être portée à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communications électroniques ou que les faits sont commis dans les établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux.

Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende lorsque les faits ont été commis à l'encontre d'un mineur de quinze ans. Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à un million d'euros d'amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée.

La victime corrompue est nécessairement un mineur et, il importe peu qu’elle soit ou non consentante. Cependant la minorité de 15 ans ou moins constitue une circonstance aggravante qui alourdira la peine. La victime peut avoir jouer un rôle plus ou moins actif dans la commission de l’infraction : par exemple avoir été spectateur d’image à caractère pornographique ou au contraire avoir été l’auteur de telles images.

Si une jeune femme ou un jeune homme (peu importe le sexe de la victime) envoie de son plein gré (sans être victime de chantage par exemple) des photos ou vidéos d’elle/lui nu(e), elle n’en est pas moins victime de corruption de mineur si une personne en face a provoqué cette situation, l’a mise en situation de souhaiter faire ça.

En revanche de simples propos obscènes n’entre pas dans le champ de l’infraction.

Le but de cette incrimination est de préserver le sentiment de pudeur des mineurs en le protégeant contre certains actes tendant à éveiller leurs pulsions sexuelles. Il s’agit d’incriminer les agissements, qui par leur nature, traduisent de la part de leur auteur, la volonté de pervertir la sexualité d'un mineur, actes qu’il appartient au juge d’apprécier[3]

La tentative est également punissable, cela signifie qu’il n'est pas nécessaire que le mineur ait été effectivement corrompu ou ait effectivement participé à des scènes à caractère sexuel pour que la responsabilité de l’auteur de fait susceptible de caractériser l’infraction soit recherchée.

La prescription

Conformément aux articles 8 alinéa 2 et 706-47 alinéa 1 8° du code de procédure pénale, le délai de prescription est de 10 ans.
Il commence à courir à partir de la majorité du mineur ce qui signifie que la victime a jusqu'à l'âge de 28 ans pour agir.

La jurisprudence

Tout au long du XIXe et XXe siècle, la jurisprudence est venue préciser les contours de cette infraction sexuelle.

Il semble désormais acquis que le délit de corruption de mineur suppose que le prévenu est agit dans le but, non pas d'assouvir ses propres passions, mais d'éveiller les pulsions sexuelles d'un mineur. Le délit de corruption de mineurs remplace le délit d’excitation de mineur dans l’ancien Code pénal.

La jurisprudence a retenu que le fait d’adresser à un(e) mineur(e) « des correspondances érotiques et des dessins pornographiques qui l’incitaient à une sexualité perverse » relevait de la corruption de mineur. Cour de Cassation, Chambre criminelle, 25 janvier 1983, 81-91.203, Publié au bulletin

De même, constitue le délit de corruption de mineur de plus de 15 ans l'incitation, en vue de prendre des clichés photographiques, d'un mineur à poser dans des attitudes érotiques, par un prévenu investi d'un devoir éducatif, en l’espèce, il s’agissait du beau-père de la victime, le second mari de sa mère. Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 mai 2011, 10-80.951, Inédit

A également été retenue la qualification de corruption de mineur le fait pour une adulte d'avoir montrer à un mineur un film pornographique : Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 mars 2018, 17-81.729, Inédit[4]

La différence entre le délit de corruption de mineur et celui de propositions sexuelles d'un majeur à un mineur de quinze ans par un moyen de communication électronique : des actes immoraux dans le but de corrompre

Le délit de corruption de mineur, pour être caractérisé, en plus de l’accomplissement volontaire des actes immoraux accomplis volontairement, requiert la volonté d'associer le mineur à ces actes immoraux afin de le corrompre.

Ainsi, le délit n'est pénalement punissable que si l'auteur des faits a eu en vue la perversion de la jeune victime et non pas seulement la satisfaction de ses propres passions, telle est la solution de la Cour de cassation dans un arrêt de 2017 : Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 février 2017, 16-80.102, Publié au bulletin.

En l’espèce, il s’agissait d’un moniteur d’équitation ayant multiplié les SMS à caractère pornographique à destination d’une élève de 15 ans. La cour a estimé que ces agissements étaient plus susceptibles de relever de la qualification de propositions sexuelles d'un majeur à une mineure de quinze ans par un moyen de communication électronique, délit prévu et réprimé par l'article 227-22-1 du code pénal. (Pour une solution similaire : Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 septembre 2005, 05-84.480).

À noter : Le délit de corruption de mineur définit à l’article 227-22 du code pénal protège tous les mineurs et créé une circonstance aggravante dans le cas des mineurs âgés de 15 ans ou moins, protection supplémentaire liée au jeune âge de la victime que l’on ne retrouve pas à l'article 227-22-1 du même code qui ne protège que les mineurs de quinze ans ou moins. (« Le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Ces peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque les propositions ont été suivies d'une rencontre »).

Voir aussi

Infractions sexuelles sur mineur, Service-Public.fr

Références

  1. L'affaire « Julie » devant la Cour de cassation : un arrêt entre deux réformes par Guillaume Beaussonie, Professeur à l'Université Toulouse 1-Capitole, IEJUC (EA 1919), Codirecteur de l'Institut de criminologie et de sciences pénales Roger Merle
  2. Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 février 2013, 12-90.074, Inédit
  3. Sur l’office du juge en matière de corruption de mineur, lire : Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 février 2013, 12-90.074
  4. Lire le commentaire de la décision : "Corruption de mineur : instrument de police des comportements dans la sphère familiale ?" par Emmanuel Dreyer, Professeur à l'École de droit de la Sorbonne