Formalisme et confirmation

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris


Le 8 septembre 2022


Il est des fois où le consumérisme confine à l’abscons. Un consommateur, pourtant parfaitement informé, recherche l’échappatoire. Flour, son temps, avait dénoncé cette dérive (« Quelques remarques sur l’évolution du formalisme », Études offertes à Georges Ripert, 1950).

En voici un nouvel exemple, opportunément mis en échec par la Cour de cassation (Cass. Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-12968 [1]).

Un consommateur, sans doute en suite d’un démarchage à domicile, conclut hors établissement avec une société Eco Environnement un contrat de fourniture et installation de panneaux photovoltaïques. Simultanément, il conclut avec Cofidis un autre contrat, par lequel il emprunte pour financer lesdits panneaux.

Les conditions générales d’Eco Environnement comportaient une irrégularité formelle relative à la décomposition du prix des biens et services.

Le consommateur, tirant profit de cette irrégularité au sujet d’un prix dont il ne contestait pas avoir compris le montant, tentait d’obtenir la nullité des deux contrats.

Il se heurtait néanmoins à un obstacle significatif : la confirmation. Ce mécanisme, issu de l’article 1338 ancien, permet de réparer le vice affectant un acte mal né.

Cette volonté peut être expresse, lorsque la victime d’une erreur confirme par courrier la validité de l’acte, nonobstant son erreur.

Elle peut encore être tacite, il suffit, dit le texte, « que l’exécution soit exécutée volontairement ».

L’exécution du contrat en connaissance de cause (i.e. du vice) emporte confirmation.

Reste à démontrer la connaissance du vice, car c’est elle qui est au départ de la confirmation.

Au cas d’espèce, le bon de commande des panneaux photovoltaïques comportait, au verso, en caractères lisibles, une reproduction intégrale des textes du Code de la consommation, de sorte que le consommateur était capable de connaître ses droits, et de réaliser de ce fait que le bon de commande était irrégulier.

Résumons, au risque de simplifier : au recto, le bon de commande ne remplit pas toutes les conditions de forme du Code de la consommation. Au verso, le bon de commande reproduit les textes du Code. Le consommateur ne peut-il, en comparant recto et verso, se convaincre de l’éventuelle irrégularité ?

Assurément, pour la Cour de cassation, qui conclut à l’existence d’une confirmation, au motif que « la reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions ».

Dès lors que le verso « révèle au souscripteur les vices affectant ce bon », celui-ci connaissait les vices.

Partant, son exécution nonobstant lesdits vices emporte confirmation.

A retenir : lorsque l’irrégularité formelle est patente, la porte de sortie est étroite.

De non vigilantibus non curat praetor.