Harcèlement moral et non-paiement des heures sup’ (forfait jours privé d’effet) = résiliation judiciaire du contrat d’une responsable d’agence d’un bailleur social (CPH Bobigny 22 sept 2022)

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Frédéric CHHUM, avocat au barreau de Paris [1]
Ocotre 2022


Suite à un licenciement pour faute grave, une responsable d’agence de SEMISO obtient la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement moral (CPH Bobigny 22/09/22).

Elle obtient une indemnité pour licenciement nul, son préavis et son indemnité légale de licenciement.

Outre ses indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement nul, elle obtient le paiement de 44 000 euros d’heures supplémentaires.

Au total, la salariée obtient 93 000 euros bruts.

Rappel des faits et procédure

Madame X a été embauchée le 1er février 2016 par la société d’économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (ci-après SEMISO) au statut d’agent de maîtrise en qualité de technicien.

Au 1er décembre 2016, Madame X a été promue cadre et en dernier lieu depuis le 1er juin 2017, elle occupait les fonctions de responsable de l’agence Rives-de-Seine au sein de la Direction de la gestion locative et satisfaction locataire (DGLSL).

L’activité de la SEMISO est la gestion et la réhabilitation du patrimoine locatif ainsi que l’aménagement et la construction de logements.

La convention collective applicable est la convention collective nationale de l’immobilier.

L’effectif de la société est supérieur à 10 salariés.

Depuis 2017, Madame X était membre du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail.

Depuis le 1er juin 2018, Madame X est soumise à une convention de forfait annuel de 218 jours de travail.

Le salarie de référence, à savoir sa rémunération moyenne mensuelle brute sur 12 mois de mars 20198 à février 2020 et non contestée à l’audience était de 4019,56 euros. Sa rémunération se composait d’un fixe annuel sur 13 mois et d’une prime potentielle annuelle brute de 5000 euros sur objectifs quantitatifs et qualitatifs.

Madame X a saisi le Conseil de Prud’hommes de céans le 8 juin 2020 afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur en raison notamment de faits de harcèlement moral.

Le 17 septembre 2020, Madame X a été placée en arrêt maladie pour accident de travail.

Le 25 novembre 2020, elle a été convoquée en entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour faute grave fixé au 9 décembre 2020 et n’a pas pu s’y rendre en raison de son état de santé.

Elle a ensuite été licenciée pour faute grave à la date du 22 décembre 2020 en raison de son comportement autoritaire et inapproprié à l’encontre de plusieurs interlocuteurs et collaborateurs.

Madame X a saisi le Conseil de Prud’hommes de Bobigny le 8 juin 2020 et demande au Conseil notamment de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de SEMISO et de dire que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul en raison de faits de harcèlement moral. Elle demande ainsi que diverses sommes au titre de l’exécution du contrat.

Le Bureau de jugement a entendu les parties lors de son audience du 17 décembre 2021.

L’intégralité des demandes est rappelée ci-dessus.

Jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny du 22 septembre 2022

Dans son jugement du 22 septembre 2022, le Conseil statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort :

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame X aux torts exclusifs de la SA SEMISO, à compter du prononcé du jugement ;

DIT que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul ;

CONDAMNE la SA SEMISO à lui verser les sommes suivants :

  • 12058,67 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
  • 1205,86 euros au titre de congés payés afférents ;
  • 4270,78 euros u titre d’indemnité légale de licenciement ;
  • 25000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ;
  • 44880,74 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
  • 4489 euros au titre des congés payés afférents ;


RAPPELLE que ces sommes portent intérêts au taux légal :

  • Pour les créances salariales, à compter du 27/07/2020, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation ;
  • Pour les créances indemnitaires, à compter du prononcé du présent jugement ;


JUGE que la demande de paiement des heures supplémentaires pour la période antérieure au 11 juin 2017 est prescrite ;

ORDONNE le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des allocations chômages versées à la salariée licenciée, dans la limite d’1 mois d’indemnités perçues ;

ORDONNE la remise à Madame X des bulletins de paie et des documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision ;

CONDAMNE la SA SEMISO à la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

DEBOUTE Madame X du surplus de ses demandes ;

DEBOUTE la société SEMISO de sa demande relative à l’article 700 du Code précité ;

CONDAMNE la partie défenderesse et qui succombe aux entiers dépens.

Selon l’article 5 du Code de Procédure Civile : « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé ».

Selon l’article 6 du Code de Procédure Civile : « à l’appui de leurs présentations, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder » ;

Selon l’article 9 du Code de Procédure Civile : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi ou les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Au total, la salariée, responsable d’agence obtient 93000 euros bruts.

Sur la demande avant-dire droit soulevée par SEMISO :

Le conseil de la société SEMISO dit que doivent être jugées prescrites les demandes antérieures au 11 juin 2017 relativement aux heures supplémentaires et congés payés y afférents.

En droit,

Aux termes de l’article L.1245-1 du code du travail : « L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ».

En l’espèce,

Madame X a saisi le Conseil de Prud’hommes le 8 juin 2020 et le greffe a enregistré la saisine le 11 juin 2020.

La partie en défense fait valoir que les demandes antérieures au 11 juin 2017 sont prescrites, soit 6013,77 euros bruts pour des rappels d’heures supplémentaires du 1er janvier 2017 au 11 juin 2017, outre 601,37 euros à titre de congés payés y afférant

La demanderesse fait valoir qu’elle n’a eu connaissance de l’absence de régularisation de ses heures supplémentaires sur l’année 2017 qu’à la fin de l’année 2017, qu’il n’y a eu aucune régularisation depuis le 1er janvier 2017 et que trois années complètes d’heures supplémentaires sont dues.

En conséquence,

Lors de l’audience, le Conseil a joint l’incident au fond.

Après délibéré et examen des pièces, le Conseil fait remarquer que les éventuelles heures supplémentaires sont payées mensuellement et non en fin d’année et que le point de départ de la prescription est la date de saisine, soit le 8 juin 2020.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat :

Madame X demande au Conseil de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de SEMISO à compter du prononcé du jugement.

En droit,

Il résulte des dispositions des articles 1224 et 1228 du Code civil qu’un contrat de travail peut être résilié aux torts de l’employeur en ca de manquement suffisamment grave de sa part à se obligations contractuelles.

Aux termes de l’article 1217 du Code civil : « La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut : (…) provoquer la résolution du contrat ».

Lorsqu’elle survient dans un contexte de harcèlement moral, la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul.

En l’espèce,

Madame X demande en premier lieu la résiliation judiciaire de con contrat de travail aux torts de l’employeur en raison des faits de harcèlement et demande que cette résolution judiciaire produise les effets d’un licenciement nul.

Au soutien de sa demande, Madame X reproche à son employeur :

  • Le versement partiel de sa prime de performance au titre de l’année 2019 (et en demande le paiement intégral)
  • Le comportement agressif et dénigrant de sa nouvelle responsable, sa mise à l’écart pendant son arrêt maladie, des faits de harcèlement moral à son encontre et le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité
  • L’illicéité de sa convention de forfait en jours, le non-paiement de ses heures supplémentaires et travail dissimulé.

Sur la prime de performance pour l’année 2019

Le contrat de travail prévoit : « Le collaborateur pourra prétendre à une rémunération variable pouvant atteindre jusqu’à 5000 euros bruts annuels, selon les conditions et modalités définies par un plan de rémunération variable établi périodiquement par la Direction en fonction des objectifs de la société ».

En l’espèce,

Madame X fait valoir que d’après l’entretien d’évaluation mené par Monsieur Y , son responsable hiérarchique pour 2019, elle avait atteint la totalité de ses objectifs (pièces de la salariée n° 7.1 et 7.2). Elle ajoute qu’elle a contesté l’entretien mené par la nouvelle responsable hiérarchique le 29 janvier 2020.

« SEMISO » fait valoir que seuls 3 des 6 objectifs ont été atteints et que Madame Z a mené un entretien le 29 janvier 2020, au retour de l’arrêt maladie de la demanderesse (pièces 19 et 4 de l’employeur).

En conséquence,

Le Conseil juge, après avoir entendu les avocats à la barre lors du bureau de jugement, et examiné pièces lors de son délibéré,

Que les objectifs ont été partiellement atteints, que les informations ont été communiquées à Madame X et que c’est à l’employeur qu’il appartient, en vertu de son pouvoir de direction, de déterminer le montant de la partie variable de la rémunération en fonction de l’atteinte des objectifs.

Le Conseil ne fait pas droit à la demande de rappel de prime et que l’employeur n’a pas commis de manquement en procédant au paiement d’une partie de la prime pour 2019.

Dès lors ce grief ne peut être retenu pour justifier la résiliation judiciaire du contrat.

Sur le harcèlement moral et la demande de dommages-intérêts à ce titre :

En droit,

Aux termes des articles L.1152-2 et L.1154-1 du Code du Travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-2 (…), le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

En l’espèce,

Madame X soutient qu’elle a subi un comportement dénigrant, humiliant et agressif de la part de Madame Y. Ces affirmations sont attestées (pièces 16 et 31) et elle les a dénoncées auprès de la DRH (pièce 17).

10 collaborateurs ont dénoncé les difficultés qu’ils rencontraient avec cette manager dans une pétition le 30 janvier 2020. Ils ont également saisi l’inspection du travail qui écrit : « la récurrence et la concordance de 11 témoignages (…) nous permet de considérer qu’elle a bien été auteur de faits pouvant être qualifiés de harcèlement moral. » (pièce 24)

Madame X fait valoir que ce harcèlement a eu des répercussions sur sa santé et qu’elle a été arrêtée en maladie pour syndrome anxiodépressif à compter du 4 mars 2020 (pièce 10).

La demanderesse dénonce également sa mise à l’écart pendant son arrêt maladie, arguant que la SEMISO a publié des annonces de recrutement en CDI pour son poste sur l’emploi de responsable territorial (pièces 11 et 13).

« SEMISO » explique qu’un climat social difficile s’est instauré au sein de la société sans un contexte de conduite du changement et que sont apparues des tensions entre les équipes auxquelles la demanderesse a contribué elle-même en raison de difficultés relationnelles avec sa nouvelle responsable, Madame Y.

Elle ajoute que Madame X n’apporte pas la preuve d’un lien de causalité entre la dégradation de son état de santé et un harcèlement moral, le médecin traitant ne faisant que reprendre ses dires.

De plus, « SEMISO » précise que Madame Y ne fait plus partie des effectifs de la société depuis le 22 décembre 2020 et que donc tout prétendu harcèlement de sa part a cessé.

« SEMISO fait valoir que la réorganisation prévue fin 2019 prévoyait le recrutement d’un directeur territorial en appui par les deux agences, que le Directeur général l’a confirmé par courriel le 27 décembre 2019 et que Madame X a retrouvé son poste et ses responsabilités à son retour d’arrêt maladie.

En conséquence,

Le Conseil après délibéré,

Juge que la partie en demande produit des pièces qui laissent présumer un harcèlement et que l’employeur échoue à prouver que le harcèlement n’est pas constitué.

Le harcèlement moral est reconnu et le grief est suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société SEMISO.

Le Conseil juge toutefois que la mise à l’écart n’est pas prouvée et que l’employeur n’a pas commis de manquement de ce fait.

Sur l’obligation de sécurité de résultat et les dommages et intérêts afférents :

En droit,

L’employeur doit veiller à la santé et la sécurité de ses salariés en mettant en place des actions de prévention, d’informations et de formation.

Aux termes des articles L.1152-4 et L.1153-3 du Code du travail : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ».

Aux termes des articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

  1. Des actions de prévention des risques professionnels (…)
  2. Des actions d’information et de formation ;
  3. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.


L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir en compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. (…) »

Lorsqu’il est mis en cause, c’est à l’employeur de prouver qu’il a respecté son obligation de sécurité de résultat.

Elle fait valoir que son médecin l’a placée en arrêt maladie à compter du 4 mars 2020 pour syndrome anxiodépressif (pièce 10).

SEMISO fait valoir que dans un contexte difficile de réorganisation, elle a accompagné les équipes, mise en place un baromètre social et des actions concrètes de prévention des risques psycho-sociaux associant le Comité social et économique dont Madame X était membre.

La société fait valoir qu’elle a mis en œuvre immédiatement, lorsqu’elle a eu connaissance de situations de souffrance ou de mal être au travail, des enquêtes internes en concertation avec la médecine du travail et l’inspection du travail et qu’en cas d’événement externe grave pouvant porter atteinte à la sécurité des personnels, elle a mis en place des mesures d’accompagnement psychologiquement et de sécurité en liaison avec les forces de sécurité.

En conséquence,

Le Conseil juge, au vu des pièces produite, que « SEMISO » justifie avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés et que la demanderesse ne peut justifier ainsi sa demande de résiliation judiciaire.

Le Conseil ne fait pas droit à la demande de dommages et intérêts afférente.

Sur les heures supplémentaires et la demande au titre du travail dissimulé :

Madame X fait valoir que sa clause de forfaits-jours est illicite et inopposable.

En droit,

Aux termes des articles L.3121-43 et L.3121-46 du Code du travail :

Le recours à la convention de forfait jours doit être autorisé par un accord collectif d’entreprise ou de branche et implique qu’il fasse l’objet d’un avenant au contrat de travail, prévoyant le nombre de jours travaillés sur l’année.

Un entretien annuel individuel portant sur la charge de travail doit être organisé par l’employeur pour faire le point sur la charge de travail, l’organisation du travail, l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle. A défaut, le forfait-jours est privé d’effet.

En l’espèce,

Madame X a été soumise à une convention de forfaits en jours sur l’année de 218 jours mais n’a jamais bénéficié d’entretien spécifique ni d’un suivi de sa charge de travail.

« SEMISO » fait valoir que la convention de forfaits en jours a été valablement conclue sur la base des dispositions de la convention collective nationale de l’immobilier et des notes de services relatives au suivi.

La société ajoute que Madame X n’a jamais fait part de difficultés sur sa charge de travail et produit de nombreuses pièces au débat montrant les échanges sur le convention et le droit à la déconnexion.

En conséquence,

Le Conseil juge que le forfait-jours est privé d’effet en l’absence de preuve d’entretien et de suivi de a charge de travail de Madame X par l’employeur.

Ceci constitue un manquement de l’employeur mais n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail et ne pourra pas dès lors être retenu comme grief suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat.

En conséquence sur la résiliation judiciaire du contrat :

Le Conseil, après en avoir délibéré et au vu des pièces produites au débat par les parties, juge que le harcèlement moral est constitué et que ce manquement est suffisamment grave pour justifier la résolution judiciaire du contrat aux torts de SEMISO à la date de prononcé de ce jugement.

Dès lors, la résiliation judiciaire prononcée en raison de harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul.

Le licenciement intervenu le 22 décembre 2020 pour faute grave est dès lors nul et nul d’effet.

Le Conseil fait droit en conséquence :

  • A l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents soit trois mois de salaire brut


Du fait de la résiliation judiciaire du contrat, le licenciement pour faute intervenu le 22 décembre 2020 est annulé et le Conseil décide de faire droit à l’indemnité légale de licenciement sollicitée au titre de l’annulation de la faute grave, soit 4 913, 91 euros nets (calculée sur 4.89 ans d’ancienneté).

Le Conseil juge qu’aucun élément du dossier ne permet de justifier le montant du préjudice que Madame X aurait subi du fait du harcèlement moral et que les sommes allouées au titre de la résiliation judiciaire et de l’annulation du licenciement réparent l’entier préjudice. Le Conseil rejette la demande de dommages-intérêts sollicitée en réparation du harcèlement moral.

Sur la demande de paiement des heures supplémentaires :

En droit,

Aux termes des articles L.3121-10 et L.3121-22 du Code du travail : « les heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures par semaine donnent lieu à majoration de 25% pour les 8 premières puis de 50% ».

« Il appartient au salarié de produire des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail effectuées pour permettre à l’employeur de répondre avec ses propres éléments ».

Le Conseil a reconnu supra que la convention de forfait-jours était privée d’effet et par conséquent fera droit au paiement des heures supplémentaires au-delà de 35 heures par semaine si elles sont prouvées.

Le Conseil a jugé que la demande de paiement d’heures supplémentaires antérieures au 11 juin 2017 était prescrite.

En l’espèce,

Madame X verse au débat un décompte quotidien et hebdomadaire reprenant l’heure de début et de fin de sa journée de travail et le nombre d’heures supplémentaires majorées à 25% et 50% en pièce 13, ainsi qu’une attestation en pièce 37.

L’employeur ne fournit pas d’éléments permettant à démontrer le temps de travail effectif de la demanderesse. Il rappelle qu’elle pouvait organiser son temps de travail avec une grande liberté.

En conséquence, le Conseil fait droit au rappel de salaire au titre des heures supplémentaires du 12 juin 2017 au 31 décembre 2019, soit 44 880.74 euros outre 4488 de congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé :

En droit,

Pour caractériser le délit de dissimulation d’emploi constitué par une sous-évaluation du bulletin de paie, l’élément intentionnel est nécessairement requis.

En l’espèce, Madame X affirme que compte tenu du grand volume d’heures supplémentaires qui ont selon elle été réalisées et non payées ni déclarées, la société ne pouvait les ignorer et s’est rendue coupable de travail dissimulé.

La société SEMISO fait valoir que Madame X était soumise à un forfait de 218 jours de travail, qu’elle n’avait jamais réclamé d’heures supplémentaires avant cette procédure et surtout qu’elle ne rapporte pas la preuve d’une intention frauduleuse de la société.

En conséquence,

Le Conseil juge que l’élément intentionnel de dissimulation d’emploi salarié n’est pas établi et rejette cette demande.

Sur la demande de bulletins de paie rectifiés, de documents de fin de contrat et attestation Pôle emploi conforme au jugement sous astreinte :

Le Conseil a jugé que le contrat de travail était rompu à la date de prononcé du présent jugement et a fait droit à des rappels de salaire et à des indemnités.

Le Conseil ordonne en conséquence à la société SEMISO d’établir et de remettre à Madame X les bulletins de salaire, documents de fin de contrat et attestation Pôle Emploi rectifiés conformément au présent jugement.

Le Conseil juge qu’il n’est pas nécessaire d’assortir cette demande d’une astreinte.

Sur les autres demandes :

Selon l’article 515 du Code de Procédure Civile : « Hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation. »

L’exécution provisoire d’une décision de justice est l’exception, le principe étant que les parties bénéficient du double degré de juridiction.

Dans le présent cas d’espèce, le Conseil, après délibéré, ne juge pas nécessaire de prononcer l’exécution provisoire en application de cet article.

Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile aux termes duquel, « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagé pour assurer sa défense, de condamner la SEMISO à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La société SEMISO a formé une demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Le Conseil décide que la société SEMISO, ayant succombé à l’audience, sera condamnée aux entiers dépens et sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ne peut prospérer.