L’erreur médicale, responsabilité du professionnel de santé (fr)
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Auteur : Patrick Lingibé, avocat, ancien bâtonnier de Guyane, membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers, ancien membre du Conseil National des Barreaux, spécialiste en droit public, médiateur Professionnel EPMN, membre du réseau international d’avocats GESICA
Date : novembre 2018
Les personnes victimes d’erreur médicale, mais aussi leurs proches, peuvent être indemnisés sous certaines conditions. Attention toutefois, toute erreur médicale n’engage pas nécessairement la responsabilité du professionnel de santé. Une expertise doit être menée afin de déterminer si l’erreur du médecin constitue ou non une faute médicale. Il est donc important de comprendre le dispositif qui s’applique dans ce cas.
Qu’est-ce que la faute médicale ?
Le régime de la responsabilité médicale a été établi par la Jurisprudence. C’est le célèbre arrêt Mercier de la Cour de cassation en date du 20 mai 1936 qui a reconnu la nature contractuelle de la responsabilité du médecin, reposant sur la démonstration d’une faute de sa part, d’un dommage subi par le patient et d’un lien de causalité entre les deux. Cette décision énonce que l’obligation de soins découlant du contrat médical à la charge du médecin est une obligation de moyens. A ce titre, le médecin doit tout mettre en œuvre pour soigner son patient. Cette obligation se distingue de l’obligation de résultat, qui impliquerait que le médecin s’engage à guérir le patient.
Extrait de l’arrêt Mercier rendu le 20 mai 1936 par la Cour de cassation :
« Mais attendu qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l’engagement, sinon, bien évidemment, de guérir le malade, (…) , du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, (…), mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; que la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle, est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle ; (…) » Une loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, est venue encadrer le régime de la responsabilité du médecin. Cette loi fixe dorénavant la matière, instituant un principe légal de responsabilité pour faute médicale. Le code de la santé publique reprend ce principe à l’article L. 1142-1.
La responsabilité du médecin peut être engagée en cas de faute. En droit, on entend par faute médicale : tout acte, émanant du soignant, ayant entraîné un dommage anormal au regard de l’évolution prévisible de l’état de santé du patient
Article L. 1142-1 du code de la santé publique modifié par l’article 112 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures :
« I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.
II. Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »
Les différents types d’erreurs médicales
La responsabilité du médecin ou de l’établissement privé de soins peut être engagée pour toute faute commise. On distingue habituellement deux types de faute : la faute technique et la faute contre l’humanisme.
La faute technique est l’erreur commise par le professionnel de santé par méconnaissance des usages et règles scientifiques gouvernant la profession. Il peut être question d’une faute de diagnostic, dans la réalisation de l’acte, ou dans le choix du traitement, par exemple.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-14.020, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a retenu la faute caractérisée de deux médecins dans le diagnostic anténatal, à la suite d’échographies sans relever aucune anomalie d’une fille présentant une agénésie (née sans avant-bras).
La faute contre l’humanisme est la mauvaise appréciation de la relation soignant-patient en vertu des règles déontologiques de la profession. Dans la faute contre l’humanisme, il peut s’agir d’un acte médical pratiqué sans le consentement du patient.
Ainsi, la Cour de cassation a retenu à ce titre la responsabilité d’un médecin qui a procédé à une ligature des trompes de la patiente sans avoir obtenu son consentement préalable [1].
A ces deux cas s’ajoute la faute d’information. Il s’agit d’un manquement du médecin à son obligation d’information et de conseil. Par exemple : engage sa responsabilité, le médecin n’informant pas son patient des risques graves liés à une opération.
A titre d’exemple, dans une décision rendue le 10 octobre 2012, le Conseil d’État a retenu la responsabilité d’un établissement public de santé pour défaut d’information de son praticien envers un patient à une opération chirurgicale en précisant « qu’indépendamment de la perte d’une chance de refuser l’intervention, le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques courus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles » [2].
Le médecin a donc une obligation d’information loyale et claire. Sans ces informations, le consentement du patient ne peut être considéré comme étant libre et éclairé. Ces principes sont édictés aux articles 16-3 du code civil ; L. 1111-2 et suivants, et R. 4127-35 et suivants du code de la santé publique.
Toute personne n’est pas en mesure de démontrer elle-même l’erreur médicale commise par le professionnel. Il est donc recommandé d’avoir recours à l’expertise d’un autre médecin, par la voie judiciaire ou la voie amiable.
Le recours judiciaire tendant à faire reconnaître la responsabilité médicale d’un praticien ou d’un établissement de santé n’est pas la seule voie envisageable pour obtenir la réparation du préjudice subi. En effet, la loi du 4 mars 2002 a instauré une procédure spécifique d’indemnisation des victimes de fautes médicales, prévue par les articles L. 1142-5 et suivants du code de la santé publique. Cette procédure n’est pas obligatoire et la victime peut toujours décider de saisir les juridictions de droit commun.
Texte de l’article 16-3 du code civil modifié par l’article 9 de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique :
« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir. »
Texte de l’article L. 1111-2 du code de la santé modifié par les articles 7 et 175 de loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé :
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu’elle relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l’une de ces formes de prise en charge.
Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.
La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l’information prévue par le présent article, sous réserve des articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1.
Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle.
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
L’établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie. » Texte de l’article R. 4127-35 du code de la santé :
« Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.
Toutefois, sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-7, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic graves, sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.
Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite. »
Quels sont les recours et indemnisations possibles en cas d’erreur médicale ?
Toute personne victime de faute médicale doit être informée par le professionnel, l’établissement de santé, les services de santé ou l’organisme concerné des circonstances et des causes ayant entraîné le dommage, et ce, dans les 15 jours suivant sa découverte. L’action contentieuse dépendra de la nature de la structure de l’établissement public ou privé de santé qui sera en cause : elle sera faite devant le tribunal de grande instance si l’erreur médical relève de cliniques, d’établissement de soins privés et de médecins relevant du secteur libéral privé. En revanche, elle sera faite devant le tribunal administratif si l’erreur médical trouve sa source dans un hôpital public ou un médecin relevant du secteur public.
La personne qui a subi une erreur médicale dispose d’un délai de dix ans pour agir en justice [3]. C’est à la personne victime de rapporter la preuve du dommage subi du fait de la faute du médecin ou de l’établissement de soins. Le préjudice réparable peut être de différentes natures : moral, corporel, etc.
Le patient concerné devra constituer et réunir toutes les pièces médicales qui permettront d’établir les dommages subis afin d’être évalué par un expert.
Texte de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique créé par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé :
« Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. »