L'exploitation des attributs de la personnalité dans les contrats d'artiste

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France > Droit privé > Droit des contrats 

Ronn Hacman, avocat au barreau de Paris [1]
Juillet 2022



Depuis 20 ans, les annonceurs associent l'image et les valeurs véhiculées par les artistes afin de promouvoir leurs produits et services. L'exploitation commerciale des droits dérivés est devenu un élément substantiel du contrat d'artiste.

Avant que les annonceurs ne s’intéressent aux artistes de la musique comme vecteurs de promotion de leurs marques autrement que par l’utilisation de la musique en fond sonore de leurs spots de pub, l’exploitation commerciale des attributs de la personnalité des artistes (nom de l’artiste ou du groupe, pseudo, image, logos, signature, ... .) était quasiment cantonnée aux activités de merchandising.

Au début des années 2000, ces annonceurs ont souhaité associer l’image et les valeurs supposées véhiculées par certains artistes afin de promouvoir leurs produits et services. Une nouvelle façon d’exploiter commercialement ces attributs de la personnalité s’est alors développée.

L’exploitation commerciale des droits dérivés, qui n’était jusqu’alors que très accessoire au contrat d’artiste, est devenu chez de nombreux producteurs un élément substantiel du contrat.

Cette exploitation commerciale des attributs de la personnalité de l’artiste peut se faire via le merchandising, l’endorsement et le sponsoring.

Le « merchandising » désigne l’exploitation commerciale du nom, de l’image et/ou du logo de l’interprète ou du groupe, par exemple sur des supports papiers (affiches, posters, autocollants, …), des vêtements (tee-shirt, casquettes, ...) ou tout autre objet (sac, briquet, porte-clefs, …).

Le « sponsoring » désigne les opérations associant des produits à l’activité de l’artiste. Par exemple, un artiste s’engage à ne porter que des chaussures d’une certaine marque durant ses concerts.

L’« endorsement » désigne les opérations dans lesquelles l’artiste associe son image à des produits ou à une marque. Par exemple, l’artiste devient l’ambassadeur en France d’une marque de vêtements pour une période déterminée.

Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) prend implicitement en compte cette pratique de l’industrie phonographique .

En effet, le dernier alinéa de l’article L212-11 du CPI dispose:

« La cession au producteur de phonogrammes de droits de l’artiste-interprète autres que ceux mentionnés au présent code est subordonnée à la condition que chacun de droits cédés fasse l’objet d’une mention expresse distincte dans le contrat ».

Ce regain d'intérêt a conduit les producteurs phonographiques à compléter les clauses de cession des droits dérivés par des clauses dédiées à l’endorsement / sponsoring en vertu desquelles les producteurs se fond concéder à titre exclusif le droit d’accorder à des annonceurs le droit d’utiliser les attributs de la personnalité de l’artiste en association avec leurs produits ou services.

Le taux de redevances prévu au profit de l’artiste oscille généralement entre 40 % et 70 % des recettes encaissées par le producteur pour l’opération considérée.

À ce titre, l’on rappellera utilement les dispositions du Code du travail relatives à l’activité de mannequinat.

L’article L7123-2 du Code du travail donne une définition large du « mannequin » :« toute personne qui est chargée […] de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ; […] », et

Par ailleurs, l’article L7123-12 du Code du travail définit l’exploitant d’une agence de mannequin :

« toute personne physique ou morale dont l’activité consiste à mettre à la disposition provisoire d’utilisateurs, à titre onéreux, des mannequins qu’elle embauche et rémunère à cet effet » .

Partant, si le producteur phonographique souhaite se voir concéder par l’artiste les droits d’exploitation des attributs de sa personnalité afin de réaliser des opérations d’endorsement, il est conseillé d’obtenir une licence d’agence de mannequin.

Les clauses des contrats d’artiste sont quasi identiques à celles définissant l’activité de mannequin donnée par l’article L7123-2 du Code du travail. On notera toutefois que cet article n’évoque que la reproduction de l’ « image » et non du nom ou d’autres attributs de la personnalité (la voix, la signature, …).

Dans ces conditions, toute opération visant tout autre élément que l’image de l’artiste ne devrait pas être considérée comme une opération de mannequinat, et devrait donc échapper à la réglementation des agences de mannequins.

Mais dans le cas contraire, l’exercice de cette activité en l’absence de licence d’agence de mannequins ou sans avoir déclaré préalablement son activité est puni d’un emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 75.000,00 € (article L7123-26 du Code du travail). Il a également déjà pu être prononcé la nullité du contrat conclu avec l’artiste / mannequin et le remboursement à ce dernier de l’ensemble des commissions perçues.

Dans le cas d’une opération de promotion envisagée mettant en jeu l’image de l’artiste, en vertu de la réglementation applicable aux agences de mannequins, le taux maximal pouvant revenir au producteur en vertu de la Convention collective sur les redevances liées à l’exploitation de l’image de l’artiste devrait être de 40 % maximum (et donc la redevance de l’artiste de 60 % des recettes facturées à l’annonceur a minima), et d’approximativement de 55 % sur les salaires de tournage.

Par ailleurs, ces sommes devraient être réglées dans les 15 jours de leur encaissement par le producteur, et non semestriellement comme usuellement prévu dans les contrats d’artiste.

La qualification sociale et fiscale de ces redevances à revenir à l’artiste se trouve également affectée par cette réglementation. En effet, les redevances dues au titre de l’exploitation des droits de la personnalité devraient en principe être considérées comme des bénéfices non commerciaux (BNC) soumis à une TVA de 20 %.

Or, la Cour de cassation a adopté une interprétation large de la présomption de salariat posée par les dispositions de l’article L.7123-3 du Code du travail qui dispose :

« Tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un mannequin est présumé être un contrat de travail. »

Pour la Haute juridiction, les 'sommes forfaitaires dues à l’artiste au titre de l’exploitation de son image sont systématiquement considérées comme des « salaires ».

Par exception, conformément à l’article L. 7123-6 du Code du travail, lorsque la redevance est « fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement », elle sera qualifiée de « BNC ».

Il est peut être pertinent d'assoir la rémunération versée à l'artiste sur le produit de la vente pour éviter de payer des cotisations sociales.

La rédaction et la négociation de ces clauses du contrat d'artiste implique une connaissance de la technique contractuelle et du secteur.