L’intérêt de l’assignation en vente forcée

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Schaeffer, avocat au barreau de Paris [1]
Juin 2022



Les litiges en matière de promesse de vente et vente immobilière sont courants entre acquéreurs et vendeurs. La vente est régie par les dispositions des articles 1582 à 1701 du Code civil. Le contrat de vente a un caractère consensuel, consacré par l’article 1583, en vertu duquel, la vente est formée « dès accord sur la chose et le prix ».

Lorsque le vendeur cherche à se soustraire à la vente, l’acquéreur qui se prévaut d’un accord sur la chose et le prix a la possibilité d’agir devant le Tribunal en vente forcée, en faisant publier son assignation à la conservation des hypothèques du lieu de situation de l’immeuble, ce qui a pour effet d’informer les tiers de sa revendication en tant qu’acheteur et de « geler » toute vente du bien à un tiers.

Cette pratique est technique et peut rapidement être constitutive d’un abus.

Les conditions pour bénéficier de l’action en vente forcée

Plusieurs conditions doivent être réunies pour bénéficier de l’action en vente forcée :

  • Un accord sur la chose et le prix ayant été donné : en effet, le contrat de vente a un caractère consensuel en vertu de l’article 1583 du Code Civil, la vente est donc formée « dès accord sur la chose et le prix ». Ceci signifie qu’un compromis de vente n’a pas besoin d’avoir été signé pour que la vente soit valide, l’accord peut, dès lors, simplement être oral, un simple « oui » suffisant.
  • À noter : Le compromis de vente est à différencier d’une promesse unilatérale de vente [2] qui n’engage que le seul vendeur. A contrario, dans cette dernière hypothèse, les parties sont libres
  • Une situation dans laquelle le vendeur cherche à se soustraire à la vente : il ne souhaite plus vendre son bien pour le conserver ou souhaite le vendre à quelqu’un d’autre

Comment agir en vente forcée devant le Tribunal ?

Lorsque les conditions précitées sont réunies, l’acquéreur aura la possibilité d’agir devant le Tribunal en exécution forcée de la vente. De ce fait, il devra respecter les règles de procédure civile de droit commun pour assigner son adversaire, le vendeur.

En cas de succès, le jugement obtenu vaut vente. L’acquéreur [3] fera alors publier son assignation à la conservation des hypothèques du lieu de situation de l’immeuble.

Les conséquences de l’assignation en vente forcée

La publication de l’assignation à la conservation des hypothèques a pour effet d’informer les tiers de la revendication du bien par l’acheteur et de neutraliser toute vente du bien à un tiers pendant une durée de 6 mois.

En effet, un notaire pourra difficilement accepter de régulariser une vente au profit d’un tiers avec le risque d’insécurité juridique que représente le contentieux en cours sur le bien.

De ce fait, ce gel du bien conduira le vendeur à se décider à tout-de-même vendre ou au moins, à revenir sur la table des négociations.

À noter : si un compromis a été rédigé et signé, le vendeur pourra réclamer des dommages-intérêts pouvant atteindre jusqu’à 20% du prix en présence d’une clause pénale. Ainsi, l’accompagnement par un professionnel en la matière est fortement recommandé, afin de vérifier dès le début, si les termes du compromis sont en la faveur de l’acquéreur.

Le risque d’abus

Le recours à cette assignation en exécution forcée de la vente peut facilement basculer et devenir constitutive d’un abus.

Exemple : il a été jugé par la 3e chambre civile de la Cour de cassation le 28 janvier 2021 (28-1-2021 n° 19-24.962 F-D), qu’est constitutif d’un abus de droit le fait pour un promoteur immobilier engagé dans des pourparlers d’agir en justice en exécution forcée de signature d’une promesse de vente et de publier l’assignation pour empêcher la vente des biens au profit d’un tiers.