La jurimétrie, réponse aux nouvelles attentes des clients (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Louis B. Buchman, avocat aux barreaux de Paris et de New York Médiateur près la Cour d'Appel de Paris
Novembre 2021




De plus en plus souvent, nos clients nous posent, à nous avocats, avec une insistance qui parfois nous dérange, la question de l’opportunité d’un appel contre une décision de justice qui leur a été défavorable, et sur leurs chances de prévaloir en appel.


Cette question est parfaitement légitime, et une réponse est nécessaire au client pour prendre une option en connaissance de cause.


Jusqu’il y a peu, les avocats n’étaient équipés pour y répondre que de leur plus ou moins grande expérience et de leur capacité à consacrer du temps à une recension plus ou moins exhaustive de la jurisprudence publiée, en particulier celle de la cour d’appel devant laquelle l’affaire pourrait venir.


Cette subjectivité dans la réponse apportée, voire le flou entretenu par l’avocat sur les critères retenus parlui pour émettre son évaluation, ne sont plus de mise aujourd’hui car de moins en moins acceptés par les clients, dont le niveau d’exigence a nettement augmenté ces dernières années, au fur et à mesure que les sources d’information devenaient directement accessibles en ligne, et n’étaient plus réservées aux seuls praticiens.


Que faire pour être plus précis, et objectiver la réponse apportée au client ? Utiliser la jurimétrie, et pouvoir ainsi justifier la méthodologie ayant concouru à l’élaboration de la réponse.


De même que la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux (seuls) militaires, la jurimétrie est une discipline trop complexe pour être développée par les seuls avocats.

Le Conseil National des Barreaux a consacré un long rapport [1] aux acteurs de cette discipline nouvelle, lequel a été adopté lors de son assemblée générale du 9 octobre 2020.


Ces acteurs, tous des legaltechs, sont des agrégateurs de jurisprudence qui utilisent des algorithmes qu’ils développent en propre soit pour produire un traitement statistique de cas similaires, soit pour une modélisation du process par lequel un juge placé devant des faits similaires arriverait à une décision.


Cette dernière approche est celle choisie par Case Law Analytics, qui a été la première legaltech à avoir signé la charte éthique proposée par le rapport du Conseil National des Barreaux.


L’avantage de l’approche de Case Law Analytics est de produire une quasi-décision de justice d’une grande fiabilité pour anticiper ce que pourrait être la décision finale dans la même affaire.


La précision des résultats produits par cette solution permet d’évaluer l’impact de tel ou tel argument dans un dossier et donc de construire la meilleure stratégie possible.


Mais la création d'un module de simulation fondé sur la modélisation mathématique prend plus de temps que celle d’un outil purement statistique car elle nécessite une étude et une analyse approfondie de chaque domaine contentieux : c’est une approche sur mesure, alors que le traitement statistique est lié à la quantité et à l’intégrité des données.


De fait, la couverture des domaines du droit et les résultats produits par telle ou telle solution ne sont pas les mêmes.


Dans les deux cas, le gain de temps est considérable et l’on sait que particulièrement pour le client entreprise, le temps est de l’argent et une réponse rapide de son conseil est souvent essentielle pour sa prise de décision (go/no go), par exemple lorsque le délai d’appel court ou surtout lorsqu'il est proche d’expirer ou encore dans l’hypothèse de l’introduction d’une demande en première instance.


Quelle que soit l’approche retenue, il est clair que les précisions permises par la jurimétrie sont la solution au casse-tête antérieur, où il arrivait que l’avocat réponde à l’interrogation de son client “au doigt mouillé” plutôt que de façon scientifique, tout simplement parce que la rigueur mathématique n’avait pas encore pénétré le droit.

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