La procédure dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel déjudiciarisé

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Valentine Léger
Juriste au Centre de documentation du Barreau de Paris

Le 17 mars 2023



La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016[1] a mis en place le divorce par consentement mutuel sans juge en France. Ce divorce n’est donc prononcé ni par un juge ni par une autorité étatique. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2017.

Le divorce par consentement mutuel sans juge est codifié à l’article 229-1 du Code civil[2] et prévoit que « lorsque les époux s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l'article 1374[3] ». Cette convention doit être « déposée au rang des minutes d'un notaire, qui contrôle le respect des exigences formelles » et « que le projet de convention n'a pas été signé avant l'expiration du délai de réflexion » de 15 jours. « Ce dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ». Il en ressort que l’accord des époux est la seule condition pour divorcer par consentement mutuel sans juge.


Les cas d’impossibilité de recours au divorce par consentement mutuel déjudiciarisé

L’enfant

Dans les discussions avant l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, il avait été question de limiter ce divorce aux conjoints sans enfant ou sans enfant mineur. Cela n’a pas été retenu mais il existe une exception qui permet de fermer ce divorce pour des conjoints avec un enfant mineur. En effet, lors de la procédure de divorce, le mineur peut demander à être auditionné par le juge et s’il formule cette demande, l’article 229-2, 1° du Code civil[4] prévoit que les époux ne pourront pas demander ce divorce. En revanche, le divorce par consentement mutuel judiciaire leur sera possible.

Le majeur sous un régime de protection

Le nouvel article 229-2, 2° du Code civil[5] dispose que lorsque l’un des époux est placé sous tutelle, curatelle, sauvegarde de justice, mandat de protection future ou habilitation familiale, les époux ne pourront pas recourir au divorce par consentement mutuel sans juge. Cependant et à la différence du cas précédent avec l’audition de l’enfant, les époux ne pourront pas recourir au divorce par consentement mutuel judiciaire puisque l’article 249-4 du Code civil[6] dispose que lorsque l’un des époux se trouve placé sous un régime de protection, « aucune demande en divorce par consentement mutuel ne peut être présentée ».


L’application du droit commun : bonne ou mauvaise chose ?

La convention de divorce est soumise au droit commun des contrats. Autrement dit, le délai de 5 ans pour remettre en cause un contrat s’applique à la convention de divorce. Un contentieux risque de surgir après le divorce. D’ailleurs, Madame Bernard-Xémard Clara, maître de conférences à l’Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, pense que « si la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 tend à décharger le juge aux affaires familiales d’un certain nombre de dossiers simples sur le fond puisque tendant à l’homologation de la convention de divorce des époux, elle est, en réalité, une bombe à retardement pour les magistrats... ».

Dans le même sens, si le droit commun des contrats s’applique, cela signifie que la nullité de la convention est possible et si elle est possible, elle emporte aussi nullité du divorce avec rétroactivité. Quid de l’éventuel remariage si la nullité du divorce viendrait à être prononcée ?


Les suites du divorce

À la suite du divorce, il faudra procéder aux formalités de publicité du divorce à l’état civil afin que les effets entre époux et à l’égard des tiers aient lieu.

Ensuite, il faudra que le notaire procède à l’enregistrement s’il a authentifié l’état liquidatif et en présence d’un état liquidatif sous signature privée, ce sera à l’un des avocats « de procéder à l’enregistrement de la convention de divorce, postérieurement à l’acte de dépôt ».

Enfin, quand la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, l’état liquidatif doit être dressé par notaire en la forme authentique.


L’heure du bilan

Les objectifs affichés étaient de « gagner du temps, d’apporter de la simplicité aux époux dans le cadre de leur divorce par consentement mutuel et de désengorger les tribunaux qui avaient jusqu’à environ 60 000 dossiers par an ».

De février à novembre 2017, il y a eu 163 demandes de divorce par consentement mutuel judiciaire par mois. « En 2021, plus de 71 000 conventions de divorces par consentement mutuel ont été déposées au rang des minutes des offices. Dans le même temps, selon les données du ministère de la Justice, le nombre de jugements de divorce par consentement mutuel rendus par le JAF a fortement chuté, passant de 72 000 décisions en 2016 à 65 en 2020 ».

Il est légitime de s’intéresser à l’intérêt de l’enfant à l’heure du bilan. En effet, la loi prévoit que l’enfant peut demander son audition. On peut émettre une réserve car les parents doivent apprécier le discernement de l’enfant, l’informer de son droit s’il est en âge de comprendre alors qu’une période délicate s’impose pour les parents, parents qui sont souvent en conflit d’intérêts. Convenons-en que les parents peuvent faire pression sur l’enfant ou simplement, l’enfant n’ose pas demander à ses parents d’être entendu. De plus, les avocats ne sont pas tenus de vérifier que la convention est conforme à l’intérêt de l’enfant. Comme le fait remarquer Madame de Saint-Pern Laure, maître de conférences à l’Université Paris-Descartes, « dans la mesure où la saisine du juge est conditionnée à la demande de l’enfant, l’enfant est en quelque sorte présenté comme un obstacle à la déjudiciarisation ».

Par ailleurs, il convient de dresser le bilan sur la responsabilité des professionnels du droit. Il faut le dire : les avocats et les notaires voient leur responsabilité s’accroître. Ils doivent « répondre in solidum en cas d’irrégularité formelle ou d’illicéité matérielle de la convention ». En ce qui concerne les vices du consentement des époux ou l’inopportunité de la convention, seul l’avocat en est responsable dans le sens où il a un devoir d’information vis-à-vis de son client. Le notaire aura une responsabilité plus large comme celle de recevoir un acte authentique. Le client devra apporter la preuve que la faute commise par le professionnel du droit lui a causé le préjudice dont il se plaint.

Enfin, le bilan reste très mitigé pour le droit international privé puisque les consuls français à l’étranger ne peuvent pas enregistrer la convention et ne relève donc pas du champ matériel du règlement Bruxelles II bis. Cela a pour autre conséquence que des époux étrangers pourront avoir accès à ce divorce en ayant pourtant aucun lien avec la France. Ce qui pose un problème, c’est que des époux ayant signé cette convention en France et qui demandent une révision de la prestation compensatoire ensuite, n’auront pas la possibilité de le faire puisque cela doit passer par le juge judiciaire et qu’aucun chef de compétence n’est prévu par le règlement. C’est aussi l’hypothèse dans laquelle l’enfant manifeste son désir d’être entendu et alors, le divorce deviendra judiciaire mais le juge aux affaires familiales n’est pas internationalement compétent. Dans tous les cas, il n’est pas certain que leur divorce soit reconnu à l’étranger.


Sources :

Brenner Claude et Combret Jacques, Fasc. 45 : Divorce par consentement mutuel déjudiciarisé – Aspects pratiques, Lexis 360 Intelligence, 5 octobre 2018 – MAJ 28 septembre 2022[7]

Hammje Petra, Divorce et séparation de corps - La compétence internationale des juridictions françaises, Dalloz, Répertoire de droit international, novembre 2018 – mis à jour en février 2022[8]

Viaut Laura, Promesses et faiblesses du divorce sans juge… Aspects historiques et juridiques, LaBaseLextenso, 26 mars 2020[9]

Fenouillet Dominique, Le divorce sans juge, Lexis 360 Intelligence, septembre 2018[10]

Revue Juridique Personnes et Famille, La prise en compte de l’intérêt de l’enfant dans le divorce sans juge, Lamyline, 1er juillet 2018[11]

Revue Juridique Personnes et Famille, La responsabilité des professionnels dans le divorce sans juge, Lamyline, 1er juillet 2018[12]

Site du ministère de la justice, Divorce par consentement mutuel sans juge, 28 février 2018[13]

Revue Lamy Droit civil, La Justice du XXIe siècle pour les personnes et la famille : une justice sans juge ?, 1er février 2017[14]