Loyers commerciaux et Covid 19 : bis repetita placent !
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
La Cour de cassation a réitéré hier une solution remarquée, et parfois critiquée (voir notamment O. Deshayes, Th. Genicon et Y-M. Laithier, JCP E 2022, n° 46, 1376) datant du 30 juin dernier (voir notamment Cass. civ. 3, 30 juin 2022, n° 21-20.127).
Hier, 23 novembre, la troisième chambre civile a réaffirmé que les loyers commerciaux étaient toujours dus, nonobstant la fermeture administrative du local pendant la période dite de confinement.
Au cas d'espèce, un preneur louait différents locaux dans une résidence de tourisme. En raison des mesures gouvernementales, son activité a été interrompue durant le premier confinement (mars-juin 2020). Notre preneur informe le bailleur qu'il n'entend pas payer de loyer durant cette période, faisant ainsi porter au bailleur le poids de l'imprévu.
Le bailleur résiste et assigne en référé provision. Provision que lui accorde le juge, celui-ci retenant que l'obligation de payer n'était pas rendue "sérieusement contestable".
Cette position reçoit l'approbation de la Haute juridiction (la cour d'appel "n'a pu qu'en déduire"), au motif que la seule impossibilité pour l'exploitant de recevoir sa clientèle, qui tenait à des raisons étrangères aux locaux loués qui n'ont subi aucun changement, n'était ni le fait, ni la faute du bailleur.
La Cour en déduit que la fermeture administrative ne constitue pas "une circonstance affectant le bien, emportant perte de la chose louée".
Même si l'arrêt (de rejet) ne vise pas l'article 1722 C. civ., on retrouve en filigrane l'idée que le local n'a en soi subi aucune perte, fût-elle partielle. Il n'a pas été détruit, fût-ce partiellement.
La solution nous semble fondée. Si le législateur avait voulu dispenser les preneurs de leur obligation de loyer, il l'aurait fait. Or, la législation d'exception de 2020 ne visait qu'à les dispenser de sanction en cas de paiement tardif. Dispenser les preneurs de leur obligation de loyer pour une cause qui n'est pas imputable aux bailleurs revenait à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
A ce jour, tous les moyens soulevés pour échapper à l'obligation de paiement ont fait long feu, que l'on songe à la force majeure, à l'obligation de délivrance, à la bonne foi ou à la perte de la chose. Reste un point sur lequel la Cour ne s'est pas encore prononcée : l'imprévision.
A suivre !