Prescription de l'action en revendication du statut des baux commerciaux du locataire ou ancien locataire d'un bail dérogatoire

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France  > Droit privé > Droit civil > Droit commercial > Baux commerciaux


Johanne Zakine, avocate au barreau de Paris
Zakine Avocats [1]


L’article L. 145-60 du Code de commerce énonce que :

« Toutes actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans. »

Par deux arrêts du 25 mai 2023 la Cour de cassation a tranché de la question de la prescription de l’action en constatation de la transformation de plein droit d’un bail dérogatoire en bail statutaire suite au maintien dans les locaux loués (n° 21-23.007 [2]) et de celle de l’action en requalification d’un bail dérogatoire en bail statutaire (n° 22-15.946 [3]).

Imprescriptibilité de l’action en constatation de la transformation de plein droit

L’article L. 145-5 du Code de commerce prévoit que si le locataire reste et est laissé en possession des locaux à l’expiration du bail dérogatoire, alors il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.

Dans un arrêt du 1er octobre 2014, la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait rejeté l’application de la prescription biennale à la demande fondée sur cet article sans pour autant préciser le délai de prescription applicable.

L’arrêt du 25 mai 2023 précise désormais que la demande tendant à faire constater l’existence d’un bail commercial statutaire, né du maintien en possession du preneur à l’issu d’un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l’article L. 145-5 du Code de commerce, n’est pas soumis à prescription.

Cette action est imprescriptible !

Prescription biennale de l’action en requalification à compter du dernier contrat

La jurisprudence a depuis plusieurs années consacré l’application de la prescription biennale à la demande tendant à la reconnaissance du statut des baux commerciaux et que le délai courait de la conclusion du contrat (Cass. 3èmr civ., 22 janvier 2013, n°11-22.984 [4]).

Toutefois, elle considérait jusqu’au revirement de jurisprudence du 25 mai 2023 que le point de départ de ce délai était la date de conclusion du contrat d’origine (Cass. 3ème civ., 23 novembre 2011, n°10-24.163 [5]).

Par un arrêt du 16 juin 2013 elle appliquait cette solution au contrat tacitement reconduit (n°12-16.103).

Plus contestable était la solution apportée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation qui jugeait que la prescription courrait à compter de la date de conclusion du contrat d’origine même si ce contrat avait été renouvelé suivant des avenants successifs (Cass. 3ème civ., 3 décembre 2015, n°14-19.146 [6]). Cet arrêt était cependant relatif à un contrat conclu avant la réforme du droit des obligations.

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, le renouvellement d’un contrat donne naissance à un nouveau contrat (Article 1214 du Code civil).

Cette jurisprudence ne pouvait donc pas se maintenir sous l’empire du droit nouveau.

L’arrêt du 25 mai 2023 opère donc un revirement de jurisprudence en faisant désormais courir le délai de prescription biennale de l’action en requalification à compter de la date de conclusion de la dernière convention.

Les conseils devront bien faire attention à distinguer les deux actions dont le régime est différent.