Que change le nouvel article L.442-9 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi « ALUR » ? Rien…(fr)
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Mots clefs : Loi ALUR, colotis, droit de l'urbanisme, code de l'urbanisme
Auteur : Patrick E. DURAND, Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris, Cabinet FRÊCHE & Associés
Date : le 22 avril 2015, Jurisurba
Tribunal de Grande Instance de Grasse, 13 avril 2015, n°2015/117
S’il « est incontestable que la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, a eu notamment pour, objectif de favoriser la densification du tissu urbain existant et, à cet effet, en particulier, de s'attaquer aux documents de lotissements qui limitent les possibilités de construire sur les lots », il n’en demeure pas moins que « le nouvel article L 442-9 du Code de l'urbanisme ne permet pas de remettre en cause la jurisprudence antérieure selon laquelle, le cahier des charges, de nature contractuelle, engage les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues. »
Voici un jugement dont nous ne partageons pas l’analyse, et à tout le moins le fondement, mais qui malheureusement surprend à peine…
Dans cette affaire était en cause les stipulations d’un cahier des charges d’un lotissement autorisé en 1926, soit à une époque où ce document était à produire au dossier pour approbation, et plus précisément, celles de ses articles 2 et 15 dont il résulterait, pour le premier, que tous les acquéreurs avaient un droit de circulation sur les voies du lotissement et, pour le second, que la surface totale occupée par la construction principale ne pouvaient pas dépasser une superficie de 250 m² ; cette la seconde étant clairement une règle à portée urbanistique et de nature réglementaire, la première ayant trait plus à l’affectation d’une partie commune qu’à son mode de gestion et, en toute hypothèse, avait accédé au statut de norme réglementaire du seul chef de son approbation.
Et c’est en raison de la méconnaissance de ces règles qu’une partie des colotis devaient exercer une action civile en démolition à l’encontre notamment de constructions dont le propriétaire, en défense, devait toutefois invoquer la caducité en raison du nouvel article L.442-9 du Code de l’urbanisme.
Mais le TGI de Grasse devait donc rejeter cet argument en jugeant que :
« L'article 2 du cahier des charges du lotissement, approuvé par arrêté préfectoral du 14 juin. 1926, dispose que le sol des rues et places demeurera affecté perpétuellement à la circulation publique, que tous les acquéreurs de lots ou leurs représentants auront sur ces rues les droits de jour, vue et issue comme sur une voie publique régulièrement classée, qu'ils auront les droits de circulation sans distinction que leur lot ait ou non accès sur l’une de ces voies.
L'article 15 de ce même cahier des charges précise que la surface totale occupée par la construction principale ne pourra en aucun cas dépasser une superficie de 250 m²; que les constructions existantes à ce jour pourront être maintenues et aménagées quelles que soient leurs positions, qu'aucune construction ne devra couvrir plus du quart du terrain dans lequel elle sera implantée.
(…)
Il résulte de la jurisprudence actuelle que le cahier des charges, document unique, couvrant les lotissements autorisés entre 1924 et début juillet 1959, revêt un caractère contractuel, et ce, malgré son contenu mixte "réglementaire" et "contractuel".
La Cour de cassation a jugé de manière constante que les dispositions de L. 442- 9 du Code de l'urbanisme, issues de l'ordonnance du 8 décembre 2005, ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports des colotis entre eux contenus dans le cahier des charges et les clauses de ce document, quelle que soit sa date, approuvé ou non, qui revêt un caractère contractuel, et qui engage les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues.
L’article L.442-9 du Code de l’urbanisme a été modifié par la loi du 24 mars 2014 (loi ALUR) de la manière suivant : « (…) »
Il est incontestable que la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, a eu notamment pour, objectif de favoriser la densification du tissu urbain existant et, à cet effet, en particulier, de s'attaquer aux documents de lotissements qui limitent les possibilités de construire sur les lots, les dispositions de l'article L 442-9 modifié du Code de l'urbanisme.
Toutefois, d'une part, en ce qui concerne les lotissements autorisés entre 1924 et 1959, le nouvel article L. 442-9 du code de l'urbanisme reprend le principe déjà contenu dans la précédente version de l'article L. 442-9, résultant de l’ordonnance du 8 décembre 2005, qui disposait que Les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
Par ailleurs, l'alinéa 3 du nouvelle article L 442-9 dispose que ses dispositions ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.
Dès lors, si les règles d'urbanisme propres à un lotissement sont toutes frappées de caducité du point de vue du droit de l'urbanisme et cessent de produire effet à l'égard de l'administration qui n'a plus à en tenir compte pour délivrer des autorisations, elles subsistent néanmoins à titre contractuel dans les rapports des colotis entre eux, lorsqu'elles procèdent du cahier des charges.
Le nouvel article L 442-9 du Code de l'urbanisme ne permet donc pas de remettre en cause la jurisprudence antérieure selon laquelle, le cahier des charges, de nature contractuelle, engage les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues ».
En effet, quelle que soit l’ambition du nouvel article L.442-9 (dont la lettre finale est toutefois relativement éloignée de ce que pouvait induire l’examen des premiers travaux préparatoires), la principale difficulté tient à au maintien de la place et de la rédaction de son alinéa 3 sur lequel s’est effectivement toujours appuyer la Cour de cassation pour considérer, en substance, que les règles fixées par le cahier des charges perduraient sur le plan contractuel entre les colotis, nonobstant leur éventuelle caducité sur le plan réglementaire.
Pour autant, quelques soient les griefs que l’on peut légitiment opposer à la rédaction du nouvel article L.442-9 (dont il presque est légitime de se demander s’il ne s’agit pas d’un fait exprès), il n’en demeure pas moins qu’une telle analyse n’apparait pas satisfaisante compte tenu de son caractère peut-être un peu simple, pour ne pas dire simpliste.
Tout d’abord, et d’une façon générale, force est de rappeler qu’en la matière, la principale ambition et l’objectif de la loi « ALUR » n’est pas tant de clarifier le régime de la caducité réglementaire telle qu’elle était précédemment organisée que, plus généralement, de permettre la mobilisation de terrains sis au sein d’anciens lotissements mais dont la constructibilité éventuelle se trouvaient éventuellement restreinte par des clauses des documents propres à ces lotissements qui, pour être le cas échéant caduques sur le plan réglementaire, et n’être ainsi plus opposables aux autorisations d’urbanisme, demeuraient néanmoins sur le plan contractuel et restaient donc opposables dans cette mesure aux constructions.
Ensuite, et plus spécifiquement, l’article L.442-9 constitue un article dont l’ensemble des dispositions sont indissociables ; ce dont il résulte que, malgré la non-modification formelle de l’un de ses alinéas, en l’occurrence l’alinéa 3, sa portée sur le fond peut néanmoins être modifiée par le jeu des modifications apportées à un ou plusieurs autre alinéas de ce même article.
Sur ce point, il faut rappeler qu’aux termes de l’article L.442-9 (al.1) du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi « ALUR » : « les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ».
Contrairement à ce qu’a jugé le TGI de Grasse, cet alinéa n’est donc identique à son prédécesseur puisque comparé à ce dernier sa singularité est de viser, tout en les distinguant, non plus seulement les « documents approuvés » du lotissement, mais :
• d’une part, les règles d’urbanisme issues des cahiers des charges approuvés, c’est-à-dire celles revêtant un caractère réglementaire du seul fait de cette approbation par l’autorité administrative ;
• d’autre part, les clauses des cahiers des charges n’ayant pas été approuvées mais qui revêtent cependant un caractère réglementaire en raison de leur nature même.
Il est vrai toutefois que l’alinéa 1er de l’article L.442-9 précité ne précise pas expressément la portée (règlementaire et/ou contractuelle) de la caducité qu’il organise alors que celle-ci a donc effectivement toujours été conçue par la jurisprudence comme purement réglementaire, et donc en elle-même sans incidence sur la valeur contractuelle éventuelle des documents du lotissement.
Cela étant, l’alinéa 1er de l’ancien article L.442-9 précité ne visait que donc les « documents approuvés » alors qu’en revanche, l’alinéa 1er du nouvel article L.442-9 vise également « les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé ».
Il faut ainsi rappeler que même dans le cas d’une clause par nature réglementaire, celle-ci n’est opposable sur le plan réglementaire que pour autant qu’elle ait été approuvée ; à défaut de quoi elle n’est susceptible le cas échéant que de revêtir le cas échéant une valeur contractuelle.
Par voie de conséquence, « les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé » sont des clauses qui – malgré leur nature intrinsèque – n’ont donc en toute hypothèse jamais accédé aux statuts de normes opposables sur le plan réglementaire et n’ont donc jamais eu aucune autre valeur éventuelle qu’une valeur contractuelle.
Pour autant, l’alinéa 1er du nouvel article L.442-9 organise donc bien la caducité de ces normes n’ayant jamais accédé au statut de normes opposables sur le plan réglementaire.
Partant, cette caducité n’a d’objet, de sens et d’utilité que sur le plan contractuel puisque, précisément, elle vise des clauses qui malgré leur nature n’ont jamais revêtu un caractère opposable que sur le plan contractuel.
Au demeurant, l’alinéa 1er précité réserve cette caducité aux seules clauses de type règlementaire (par approbation et/ou par nature), c’est-à-dire à celle qui en substance sont réputées poursuivre une préoccupation d’urbanisme de portée générale dépassant le seul cercle d’intérêts des « colotis ».
Il s’agit donc de clauses dont le seul objet n’est pas ou à tout le moins n’est pas uniquement de définir « les droits et obligations régissant les rapports entre colotis » au sens du troisième alinéa précisé.
Enfin, mais dans le même sens, il faut rappeler que la loi « ALUR » a également ajouté à l’article L.442-9 précité un l’alinéa 5 précisant que « toute disposition non réglementaire ayant pour objet ou pour effet d'interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d'affecter l'usage ou la destination de l'immeuble, contenue dans un cahier des charges non approuvé d'un lotissement, cesse de produire ses effets dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi (…) ».
Cet alinéa vise donc spécifiquement les dispositions qui pour restreindre les possibilités de construction ne sont pourtant pas concernées par les alinéas 1er et 2 de ce même article puisque n’étant ni règlementaires par nature, ni fixées par un cahier des charges dont l’approbation leur a conféré un caractère réglementaire.
De ce fait, cet alinéa 5 organise donc nécessairement la caducité de ces dispositions sur le seul plan sur lequel ces dispositions sont opposables, à savoir sur le plan contractuel : caducité civile que la loi « ALUR » a donc bien entendu prévoir.
Partant, et au regard de l’objectif d'ordre général poursuivi par la loi « ALUR », force est d’admettre qu’il est difficilement concevable que :
• des dispositions ayant pour objet ou pour effet d'interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d'affecter l'usage ou la destination de l'immeuble deviennent caduques sur le plan civil au titre de l’alinéa 5 susvisé et ce, au seul motif qu’elles ne sont pas réglementaires et issues d’un cahier des charges non-approuvé ;
• mais qu’en revanche, d’autres règles d’urbanisme subsistent sur le plan contractuel et ce, au motif que pour leur part elles sont par nature réglementaires et/ou issues d’un cahier des charges approuvé.
Surtout, si l’alinéa 3 précité qui au demeurant ne concerne pas spécifiquement et seulement les deux précédents alinéas mais l’ensemble des « dispositions du présent article » devait encore assurer à lui seul la survie contractuelle de l’ensemble des dispositions du cahier des charges une telle conclusion priverait de quasiment toute utilité l’alinéa 5 susvisé puisque, par nature, celui ne peut valoir que sur le plan civil dès lors qu’il vise les clauses non-réglementaires des cahiers des charges non-approuvés.
De ce fait, et malgré ce jugement, il nous apparaît donc néanmoins plus cohérent et raisonnable de considérer globalement que :
• les alinéas 1er et 2 de l’article L.442-9 organisent la caducité des règles d’urbanisme réglementaires (par nature et/ou pour approbation) tant sur le plan réglementaire que civil ;
• l’alinéa 5 de ce même article organise la caducité des dispositions qui pour restreindre les possibilités de construction ne sont règlementaires ni par nature, ni par approbation et ce, sur le seul plan sur lequel ces dispositions sont opposables, à savoir sur le plan contractuel ;
• l’alinéa 3 vise à s’opposer à ces caducités s’agissant des règles qui ne sont ni d’urbanisme, ni réglementaire et n’ont aucun impact sur les possibilités de construction, à savoir celles ayant exclusivement trait aux « droits et obligations régissant les rapports entre colotis (et) le mode de gestion des parties communes ».
Il n’en demeure pas moins que le jugement commenté ce jour illustre la principale problématique de cette analyse qui procède d’une démarche de « pur droit public » n’ayant clairement pas vocation à être naturellement suivie par le juge civil….
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