Quelle est la consistance de l’obligation d’information de l’exploitant d’une résidence de tourisme ? (fr)

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Date : 5 avril 2021

Auteur : Johanne ZAKINE, Avocat au barreau de Paris, CABINET ZAKINE AVOCATS 


La Cour d’Appel de Rennes s’est prononcée pour la première fois dans un arrêt interprétatif du 27 janvier 2021 obtenu par le Cabinet de Maître Johanne ZAKINE, Avocate au Barreau de Paris.

« Dit qu’un compte d’exploitation qui (…) comporte de manière ventilée, au titre des charges variables : les postes de commissions, linge, ménage, énergie et, au titre des charges fixes : les postes de frais de personnel, maintenance, location, taxes est conforme aux prescriptions de l’article L. 312-2 du code du tourisme ».


Rappel de l’obligation légale

L’article L. 321-2 du Code du tourisme, issu de la loi de développement et de modernisation des services touristiques dites « loi Novelli » du 22 juillet 2009 énonce :

« L’exploitant d’une résidence de tourisme classée doit tenir des comptes d’exploitation distincts pour chaque résidence. Il est tenu de les communiquer aux propriétaires qui en font la demande.

Une fois par an, il est tenu de communiquer à l’ensemble des propriétaires un bilan de l'année écoulée, précisant les taux de remplissage obtenus, les évènements significatifs de l’année ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépenses et de recettes de la résidence. »

En application de ce texte, un exploitant d’une résidence de tourisme classée doit donc d’une part, adresser spontanément à tous les propriétaires chaque année un bilan précis de l’année écoulée et, d’autre part, fournir un compte d’exploitation aux propriétaires qui le lui demandent expressément.


Vide juridique : La consistance de l’obligation de communication des comptes d’exploitation a longtemps été débattue en l’absence de définition légale et jurisprudentielle.

L’article L. 321-2 du Code du tourisme ne précise pas quelles informations doivent figurer dans le compte d’exploitation.

Aucun décret, ni instruction ministérielle ne sont venus apporter de précisions sur la consistance de cette obligation.

Cette situation a été source de plusieurs contentieux et des divergences d’interprétation sont apparues dans le silence des textes.


Certes, dans un arrêt prononcé le 19 octobre 2017, la Cour de Cassation avait amorcé une réponse en jugeant que le compte d’exploitation « ne peut être constitué d’un simple extrait de bilan (…) et doit comporter un détail des charges variables et des charges fixes ».

Si l’arrêt de la Cour de Cassation avait ainsi posé l’obligation de fournir des comptes ventilés, elle n’avait pourtant toujours pas précisé le niveau de détail attendu.

Rappel de la disposition de l’Arrêt de la Cour d’appel de RENNES du 27 avril 2016, objet de la requête en interprétation

« La société A ne peut soutenir que le compte d’exploitation qu’il a communiqué aux propriétaires satisfait aux obligations légales, puisqu’il reproduit seulement les quelques éléments comptables figurant au bilan annuel obligatoire envoyé à ces derniers, en reprenant très exactement 8 chiffres par année (total du chiffre d’affaires, total des charges variables, total des charges fixes, total des charges fixes et variables, loyer propriétaires, taux d’effort, excédent brut d’exploitation, excédent brut d’exploitation en pourcentage).

(…) Le compte d’exploitation prévu au code du tourisme doit correspondre au compte d’exploitation dans son acception usuelle. Celui fourni par la société A, au titre de l’année 2014 suggère les détails qu’il devrait comporter à savoir au titre des charges variables, « commissions, linge, ménages et énergie » et au titre des charges fixes, « frais de personnel, maintenance, location et taxes ».

L’exploitant faisait valoir que les huit postes qui devaient figurer sur les comptes d’exploitation étaient suffisants, à savoir ;

Au titre des charges variables :
- commissions
- linge
- ménage
- énergie.

Au titre des charges fixes :
- frais de personnel
- maintenance
- location
- taxes.

A l’inverse, les bailleurs soutenaient que « l’acception usuelle » des comptes d’exploitation était celle de l’article R 123- 193 du Code de Commerce. Autrement dit, ils estimaient qu’un compte d’exploitation d’une résidence de tourisme devait avoir le même niveau de détail que celui présenté par les sociétés commerciales lors du dépôt de leurs comptes annuels.


Sur ce fondement, ils sollicitaient la liquidation d’une astreinte définitive et la fixation d’une nouvelle astreinte provisoire jusqu’à la communication des comptes « financier ». L’enjeu financier était donc de taille.

Il est désormais clairement établi par cet arrêt que le compte d’exploitation d’une résidence de tourisme classée ne peut être assimilé au compte de résultat d’une société commerciale

Nous soutenions qu’il ne pouvait être réaliste de soumettre l’exploitant à une contrainte administrative aussi lourde surtout s’agissant d’exploitants détenant de très nombreux établissements, non dotés de la personnalité morale et qui n’ont donc pas vocation à déposer des comptes sociaux.

Les bailleurs justifiaient leur position en faisant valoir que l’esprit de la loi était d’obliger le preneur à transmettre une information complète aux bailleurs leur permettant de négocier le loyer de renouvellement dans des conditions équitables.

Rappelons que le législateur a souhaité protéger les bailleurs du risque lié à la mutualisation des résidences. L’information donnée doit donc avant tout être suffisamment claire et lisible pour un non professionnel.

Sur le fondement de l’arrêt interprétatif du 27 janvier 2021, par un arrêt du 12 février 2021, la Cour d’Appel de Rennes a débouté les bailleurs de leurs demandes de liquidation d’astreinte et de fixation d’une nouvelle astreinte, rappelant que « l’acception usuelle du compte d’exploitation » ne peut viser « les dispositions de l’article R 123-193 du Code de Commerce.