Sort des stock-options suite à un partage de la communauté après divorce
France > Droit privé > Droit civil > Droit des régimes matrimoniaux
Laurence Mayer, avocate au barreau de Paris [1]
Décembre 2023
La communauté des époux est constituée de tous les biens acquis par l'un ou l'autre au cours du mariage. Les stock-options obtenus par l'un des époux constituent-ils des biens propres ou des biens communs à partager lors du divorce?
Liquidation et partage de la communauté suite à un divorce : cas des stock-options
Lorsque des époux mariés sous le régime de la communauté de biens divorce, il est nécessaire de liquider puis de partager la communauté, c’est-à-dire l’ensemble de leurs biens communs.
Comme le prévoit l’article 1401 du code civil, la communauté se compose activement « des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ».
Toutefois, la nature et le sort de certains biens posent parfois difficultés lors du divorce. C’est notamment le cas des stock-options. La 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 octobre 2023 est venue rappeler les règles en la matière.
Cass. Civ. 1e, 25 octobre 2023, pourvoi n° 21-23.139 [2]
En l’espèce, des époux mariés sont mariés sous le régime de la communauté de biens. L’époux, pilote de ligne, s’est vu remettre tout au long de sa carrière des stock-options Air-France de la part de son employeur.
Les stock-options sont des droits attribués à un salarié lui permettant d’acheter des actions de son entreprise à un prix fixé à l’avance et dans un délai déterminé. Il s’agit donc d’un simple droit d’option. Lorsque le salarié décide de lever son option, il achète les actions au prix déterminé préalablement et en devient alors propriétaire.
Dans cette affaire, les époux décident de divorcer. Au jour de l’ordonnance de non-conciliation, seules certaines actions Air-France avaient été levées par l’époux. Celui-ci détenait encore de nombreuses options non levées.
La Cour d’appel d’Aix en Provence, par un arrêt du 30 juin 2021 souligne que seules les actions levées au jour de l’ordonnance de non-conciliation peuvent être intégrées à l’actif de la communauté. En effet, les stock-options non encore levées au jour de l’ordonnance de non-conciliation constituent des biens propres de l’époux qui ne peuvent intégrer la communauté.
L’épouse se pourvoit en cassation. Après avoir rappelé que les gains et salaires trouvant leur cause dans l’activité professionnelle d’un des époux durant le mariage sont des biens communs, la demanderesse souligne que les stock-options étaient une contrepartie de l’activité professionnelle de son époux. Elle en conclu alors que, quand bien même son mari était le seul à même d’exercer le droit d’option, leur valeur lors de la dissolution de la communauté doit être pris en compte comme un élément d’actif de celle-ci.
La Cour de cassation, par un arrêt du 25 octobre 2023, est venue réaffirmée sa position, constante depuis 2014 (pourvoi n°13-15.948). Elle rappelle alors que la nature des stock-options diffère selon que l’option ait été levée ou non. Ainsi, les stock-options attribuées à un époux, marié sous le régime de la communauté de biens, sont des biens propres par nature tant que l’option n’a pas été levée.
Cette solution s’explique notamment par la définition des biens propres par nature de l’article 1404 du code civil. Selon ce dernier, « les créances et pensions incessibles et plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne ». Or, les stock-options, au-delà du fait qu’elles soient incessibles, sont attachées exclusivement à l’époux détenteur, seul en droit de lever l’option.
Au contraire, dès que le détenteur de ce droit décide de lever l’option, celui-ci devient propriétaire des actions de la société. Ces dernières entrent alors dans la communauté et doivent faire l’objet d’un partage en cas de divorce.