Tutelle ou curatelle, un choix en fonction de l’altération des facultés mentales et corporelles du majeur protégé
France > Droit privé > Droit civil
Par Valentine Léger
Juriste au Centre de documentation du Barreau de Paris
Le 1er février 2023

La tutelle : Pour qui ? Comment ? Par qui ?
Qu’est-ce qu’une tutelle ?
Elle doit être mise en place quand le majeur a une altération, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles. Elle est destinée à protéger une personne majeure et/ou tout ou partie de son patrimoine si elle n’est plus en état de veiller sur ses propres intérêts.
Quel est le degré d’autonomie du majeur sous tutelle ?
D’abord, le tuteur représente le majeur dans tous les actes de la vie civile. Mais, le juge peut énumérer des actes que le majeur peut faire seul ou avec l’assistance du tuteur.
Puis, le majeur sous tutelle agit seul pour les actes strictement personnels tels que la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant.
Enfin, les actes conservatoires (sauvegarde du patrimoine du majeur) et les actes d’administration (gestion courante) doivent être accomplis par le tuteur, à la différence de la curatelle où le majeur les accomplit seul. En revanche, les actes de disposition (modifiant le patrimoine) doivent être effectués avec l’assistance ou la représentation du tuteur qui a lui-même besoin de l’autorisation du juge ou du conseil de famille alors qu’en curatelle, il suffira d’une simple assistance du curateur.
Quelles sont les obligations et responsabilités du tuteur ?
Le tuteur doit dresser un inventaire dans les 3 mois de l’ouverture de la mesure et le juge peut désigner un professionnel pour y procéder. Il doit également établir annuellement un compte de gestion soumis à vérification. A la fin de la tutelle, il doit remettre une copie des cinq derniers comptes. Sa responsabilité est engagée en cas de faute dans sa gestion et le tuteur ne peut pas prétendre à l’immunité pénale.
La curatelle, seulement en cas de besoin pour les actes importants
Qu’est-ce qu’une curatelle ?
Elle doit être mise en place quand le majeur a une altération, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles. Il existe 3 types de curatelle : la curatelle simple, la curatelle renforcée et la curatelle aménagée (celle qui est adaptée à chaque situation). C’est une mesure qui permet de conseiller et/ou d’accompagner le majeur pour les actes importants (comportant un engagement comme un emprunt). Il reste autonome pour accomplir des actes simples.
Quel est le degré d’autonomie du majeur sous curatelle ?
Le majeur sous curatelle agit seul pour les actes strictement personnels, comme sous la tutelle. Le curateur l’assistera pour les autres actes ou en cas de danger (cas d’une personne qui a des troubles addictifs).
Quel est le degré d’autonomie du majeur sous curatelle simple ?
Sous curatelle simple, le majeur devra être assisté de son curateur pour les actes qui nécessiteraient une autorisation sous le régime de la tutelle ou pour agir ou se défendre en justice. S’agissant des actes écrits, le curateur devra apposer sa signature à côté de celle du majeur et les significations doivent être faites au curateur. Le juge peut énumérer des actes que le majeur peut faire seul et au contraire, il peut aussi énumérer des actes que le majeur doit faire avec l’assistance de son curateur. On comprend par ces dispositions que les mesures de protection sont adoptées au cas par cas. Si le curateur venait à refuser d’assister le majeur protégé, ce dernier pourrait demander au juge l’autorisation d’accomplir seul l’acte en question.
Quel est le degré d’autonomie du majeur sous curatelle renforcée ?
Contrairement à la curatelle simple, ici, le curateur perçoit seul les revenus de la personne protégée sur un compte ouvert au nom de celle-ci.
Quelles sont les obligations et responsabilités du curateur ?
Sauf en cas de curatelle renforcée, le curateur n’a pas l’obligation d’inventaire ni d’établissement du compte de gestion, contrairement au tuteur. Le curateur n’engage sa responsabilité que pour les actes accomplis avec son assistance en cas de dol ou de faute lourde.
Tutelle versus curatelle
Qu’elle est la différence entre la tutelle et la curatelle ?
La tutelle est la mesure de protection la plus forte. Elle consiste en une représentation alors que la curatelle consiste en une assistance. Quand la curatelle limite quelque peu la liberté d’action de la personne protégée, la tutelle a de plus lourdes conséquences sur ce que le majeur protégé peut faire seul.
Que peut faire concrètement la personne sous tutelle et la personne sous curatelle ?
Sur la donation : En curatelle, le majeur sous curatelle devra être assisté du curateur pour faire une donation alors qu’en tutelle, il devra être assisté ou représenté par son tuteur et avoir une autorisation (du conseil de famille ou du juge).
Sur le testament : La personne sous curatelle pourra faire seule un testament alors que la personne sous tutelle pourra également le faire seule mais en ayant une autorisation.
Sur le droit de vote : les majeurs protégés, que ce soit en curatelle ou en tutelle, ne sont plus privées de leurs droits civiques. Ils peuvent voter librement sans être représenté ou assisté.
Sur le mariage ou le PACS : la personne sous curatelle doit simplement informer en amont son curateur alors que sous la tutelle, le tuteur doit en être informée mais il doit y avoir l’autorisation du conseil de famille ou du juge, sauf exceptions.
Sur les informations sur l’état de santé du majeur protégé : le majeur sous curatelle reçoit seul les informations concernant son état de santé alors que sous tutelle, le majeur les reçoit avec son tuteur.
Sur le consentement aux actes médicaux : sous curatelle, le majeur protégé consent seul mais peut demander conseil à son curateur alors qu’en tutelle, tout dépendra de l’état de la personne protégée (elle prendra soit la décision seule si son état le permet, soit le juge décidera si le tuteur doit l’assister ou le représenter).
Sur la conclusion ou la rupture d’un contrat de travail : en curatelle, le majeur protégé peut conclure seul un contrat de travail et le rompre seul alors qu’en tutelle, le majeur protégé doit être représenté par son tuteur.
Mais que se passe-t-il pour les actes accomplis avant l’ouverture de la tutelle ou de la curatelle ?
Les actes faits par le majeur avant son placement sous tutelle ou sous curatelle sont valables. Cependant, les actes faits deux ans (ce qu’on appelle la période suspecte) avant la publicité du jugement d’ouverture peuvent être contestés si l’altération des facultés était connue du contractant ou notoire et s’il est démontré que le majeur a commis un préjudice. Dans ce cas, l’acte passé pourra être annulé ou réduit et l’action devra être exercée dans un délai de 5 ans à compter de l’ouverture de la mesure.
Combien de temps dure une mesure de tutelle et une mesure de curatelle ?
Par principe, la tutelle et la curatelle sont mises en place pour une durée maximum de 5 ans. Toutefois, pour la mesure de tutelle, le délai peut être augmenté jusqu’à 10 ans maximum par décision spécialement motivée du juge et sur avis conforme du médecin qui constate l’altération des facultés du majeur n’étant pas susceptibles de s’améliorer.
Comment se passe le renouvellement d’une mesure de tutelle et d’une mesure de curatelle ?
Le nombre de renouvellement n’est pas limité. Le juge ne doit pas se baser sur un ancien certificat médical circonstancié. La durée du renouvellement est celle de la mesure initiale. Par exception et décision spécialement motivée, le juge peut renouveler la mesure pour une période n’excédant pas 20 ans si l’état du majeur protégé n’est pas susceptible d’amélioration et qu’il y a un avis conforme du médecin.
Attention : les mesures de curatelle et de tutelle renouvelées pour une durée supérieure à 10 ans avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 février 2015 doivent faire l’objet d’un renouvellement avant le 17 février 2025.
Le déroulement de la procédure
Qui peut demander la mise sous tutelle ou sous curatelle d’une personne ?
Elle peut être demandée par la personne qui doit être protégée ; par son conjoint, partenaire de PACS ou concubin, sauf si la vie commune a cessé ; un parent ou allié ; une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables ; la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique (par exemple, un curateur pourra demander la mise en place d’une tutelle ou vice-versa) ; le procureur de la République, d’office ou à la demande d’un tiers. Les personnes ne figurant pas dans cette liste ne sont pas autorisées à demander l’ouverture d’une mesure de protection auprès du procureur de la République.
En quoi consiste la procédure de placement sous tutelle et sous curatelle ?
C’est une procédure commune qui consiste en la remise d’une requête au greffe du Tribunal Judiciaire de la résidence habituelle de la personne à protéger. Par exemple, si le futur majeur à protéger réside à Paris, il faudra adresser ou remettre la requête au greffe du Tribunal Judiciaire de Paris. La requête est le modèle CERFA 15891*03 [1].
Que doit contenir la requête demandant une mesure de protection (tutelle ou curatelle) ?
Sous peine d’irrecevabilité, la requête doit contenir ce qu’on appelle un certificat médical circonstancié qui constate l’altération des facultés personnelles du majeur et décrit les conséquences sur sa vie civile. Ce certificat doit obligatoirement émaner d’un médecin inscrit sur une liste particulière établie par le procureur de la République. En pratique, cette liste est accessible auprès du Tribunal Judiciaire, ce qui vous permettra de choisir l’un des médecins de cette liste.
La requête doit aussi contenir l’identité de la personne à protéger et l’énoncé des faits qui appellent la protection.
La requête doit contenir autant que possible un maximum d’informations comme les coordonnées de l’entourage de la personne à protéger, le nom du médecin traitant, les éléments concernant sa situation familiale, sociale, financière et patrimoniale.
La durée moyenne de la procédure est de six mois.
Que se passe-t-il pendant l’instruction de la demande par le juge ?
En attendant, le juge peut prendre des mesures provisoires comme la nomination d’un mandataire spécial. Il peut également ordonner des mesures d’instruction comme une enquête sociale. Il doit entendre la personne à protéger avant de prendre sa décision sur la mesure de protection et c’est seulement sur décision motivée et avis du médecin qu’il ne l’entendra pas, c’est-à-dire lorsque l’audition risque de porter atteinte à sa santé ou lorsqu’il est hors d’état d’exprimer sa volonté. Enfin, le majeur doit être informé de sa possibilité d’être assisté d’un avocat.
Comment se passe l’audience ?
L’audience se tient à huis clos, c’est-à-dire sans public. Le juge va entendre celui qui a demandé la mesure de protection, la personne à protéger si son état le lui permet, les avocats s’il y en a et le procureur de la République.
Que se passe-t-il après l’audience ? Comment serai-je informé(e) de la décision du juge ?
Le jugement sera notifié par lettre recommandée avec accusé de réception à la personne qui a demandé l’ouverture de la mesure, à celle qui est chargée de la protection (si différente de la personne qui a demandé l’ouverture de la mesure), au majeur si cela ne nuit pas à sa santé et à l’avocat s’il en a été constitué.
Lors de sa première rencontre avec le tuteur ou le curateur, la personne protégée recevra de sa part toutes les informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part.
Il faut savoir que ce n’est pas parce qu’une personne est sous mesure de protection qu’elle ne choisit pas son lieu de résidence. La personne protégée entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d’être visitée et d’être hébergée et le juge statuera seulement en cas de difficulté.
Ai-je un recours si je ne suis pas satisfait de la mesure de protection requise par le juge ?
Oui, le recours doit se faire devant le magistrat de la Cour d’appel dans les 15 jours du jugement. Le délai court à compter de la notification du jugement pour les personnes qui se sont vues signifiées le jugement, à compter de la notification pour le majeur protégé et à compter du jugement pour toutes les autres personnes.
Il faut savoir que le recours contre une décision refusant une mesure de protection ou ordonnant la mainlevée de la mesure ne peut être exercée que par le requérant, celui qui a fait la demande. Cependant, le recours contre la décision qui ouvre ou modifie la mesure de protection peut être fait par toute personne qui a qualité pour demander l’ouverture de la mesure, même si elle n’est pas intervenue à l’instance.
Le recours à un avocat n’est pas obligatoire.
Le recours doit être adressé au greffe du juge par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
A partir de quand prend effet la mesure ?
Vis-à-vis de la personne protégée, le jugement prend effet dès son prononcé. Par rapport aux tiers, elle ne leur est opposable que deux mois après la mention au « répertoire civil » portée en marge de l’acte de naissance de la personne protégée. En l’absence de mention sur l’acte de naissance ou pendant le délai de deux mois, le jugement est opposable seulement aux tiers qui en auraient eu personnellement connaissance.
Comment prend fin la mesure de tutelle et la mesure de curatelle ?
Elles prennent fin toutes les deux à l’expiration du délai fixé. Elle prend également fin en cas de décès de la personne protégée, en cas de jugement de mainlevée de la mesure et si la personne réside hors de France et que cet éloignement empêche une bonne administration de la mesure.
A retenir : l’objectif d’une mesure de protection, affirmée par la loi du 23 mars 2019, est d’aider le majeur en difficulté et de le laisser le plus autonome possible quand cela est envisageable. A défaut, l’objectif sera de l’aider à aller vers cette autonomie. Par la nouvelle loi, le majeur est au centre des décisions qui le concerne.
Références :
Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil - Légifrance [2]
Tutelle, curatelle, sauvegarde de justice : quelles différences ? | Service-public.fr [3]
Tutelle - Fiches d'orientation - juin 2021 | Dalloz [4]
Curatelle - Fiches d'orientation - juin 2021 | Dalloz [5]
Mémento Droit de la famille | Dalloz [6]
Justice / Portail / De nouvelles règles pour les majeurs protégés [7]
Code civil - Légifrance [8]
Curatelle ou tutelle : quelle mesure de protection choisir ? | Cap Retraite [9]