Clauses de mobilité en entreprise : entre droits, devoirs et enjeux actuels pour salariés et employeurs

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Noémie Le Bouard, avocate au barreau de Versailles [1]
Octobre 2023

La clause de mobilité, un élément contractuel de plus en plus courant dans les contrats de travail, suscite de nombreuses interrogations tant du côté des employeurs que des salariés. Cette disposition, qui permet de modifier le lieu de travail du salarié, doit être mise en œuvre avec précaution, en respectant les droits et obligations de chaque partie. Dans un contexte professionnel en constante évolution, il est essentiel de comprendre les enjeux et les implications de cette clause.

Présentation de la notion de clause de mobilité dans les contrats de travail

Selon le site officiel du service public, une clause de mobilité est une disposition prévue dans le contrat de travail ou la convention collective. Elle stipule que le salarié accepte, à l'avance, une modification éventuelle de son lieu de travail. Cette clause permet à l'employeur de répondre à des nécessités économiques ou organisationnelles, tout en offrant une certaine flexibilité dans la gestion de ses ressources humaines.

Importance de cette clause pour les employeurs et les salariés

Pour les employeurs, la clause de mobilité est un outil précieux. Elle leur permet d'adapter rapidement leur organisation face à des impératifs économiques, tels que l'ouverture d'un nouveau site, la fermeture d'une succursale ou la restructuration de l'entreprise. Cette clause offre une marge de manœuvre pour réorganiser les équipes sans avoir à renégocier chaque contrat de travail.

Du côté des salariés, si la clause de mobilité offre une certaine sécurité en garantissant la continuité de l'emploi malgré les changements géographiques, elle peut également être source d'inquiétudes. En effet, un déménagement non anticipé peut avoir des conséquences sur la vie personnelle et familiale du salarié. Il est donc essentiel que cette clause soit mise en œuvre de manière équitable et en respectant les droits du salarié.

Le Code du travail prévoit que tout salarié a droit au respect de la vie privée et familiale, de son domicile et de ses obligations familiales. Le lieu de travail est donc un élément essentiel de l’équilibre du salarié. Cependant, la mobilité géographique peut être attendue d’un salarié en fonction de ses responsabilités et des besoins réels et sérieux de son employeur. La clause de mobilité intervient alors pour encadrer cette mobilité, en définissant les conditions et les limites.

Qu'est-ce qu'une clause de mobilité ?

La clause de mobilité est une disposition contractuelle qui prévoit que le salarié accepte la modification de son lieu de travail. Cette disposition doit être prévue dans le contrat de travail du salarié. Elle n'est pas explicitement réglementée par le code du travail, ce qui a conduit les juges à définir ses conditions de validité et ses modalités de mise en œuvre.


Objectifs poursuivis par les employeurs en insérant cette clause

L'insertion d'une clause de mobilité répond à des besoins spécifiques de l'employeur. Elle peut être insérée aussi bien dans une convention collective que dans le contrat de travail. Lorsqu'elle est insérée dans une convention collective, l'employeur peut directement s'en prévaloir, sans qu'une stipulation soit nécessaire dans le contrat individuel. Cependant, le salarié doit avoir été informé de l'existence de cet accord au moment de son engagement et mis en mesure d'en prendre connaissance.

Lorsqu'elle est insérée dans le contrat de travail, l'accord du salarié est requis. À défaut d'un tel accord, la mise en œuvre d'une telle clause caractérise une modification du contrat de travail que le salarié peut refuser.

Définition et portée de la clause de mobilité

Qu'est-ce qu'une clause de mobilité ?

La clause de mobilité est une stipulation contractuelle insérée dans le contrat de travail. Elle permet à l'employeur de changer le lieu de travail du salarié, dans les limites définies par la clause, sans que cela constitue une modification du contrat de travail. La définition d'une clause de mobilité est la suivante : c'est une mention du contrat de travail par laquelle le salarié donne son accord à un éventuel changement de son lieu de travail. Il s'agit donc d'une clause de mobilité géographique.

Objectifs poursuivis par les employeurs en insérant cette clause :

L'insertion d'une clause de mobilité dans le contrat de travail répond à plusieurs objectifs pour l'employeur :

  • Flexibilité organisationnelle : Dans un contexte économique et commercial en constante évolution, les entreprises peuvent avoir besoin de réorganiser leurs équipes, d'ouvrir de nouveaux sites ou de fermer certaines unités. La clause de mobilité offre à l'employeur la flexibilité nécessaire pour répondre à ces besoins sans avoir à renégocier le contrat de travail à chaque fois.
  • Réponse aux fluctuations du marché : Les entreprises peuvent avoir besoin de déplacer leurs employés pour répondre à des besoins spécifiques du marché, que ce soit pour se rapprocher de nouveaux marchés, répondre à des demandes clients ou suivre une stratégie d’expansion.
  • Sécurité juridique : La clause de mobilité, lorsqu'elle est bien rédigée et respecte les conditions de validité, offre une sécurité juridique à l'employeur. Elle limite les risques de litiges liés à la modification du lieu de travail du salarié.

Il est à noter que pour être valide, la clause de mobilité doit indiquer de façon précise la zone géographique d'application. L'employeur ne peut pas étendre la zone unilatéralement sans l'accord du salarié. De plus, la clause vaut uniquement au sein de l'entreprise et ne peut pas être applicable aux entreprises du même groupe.

En conclusion, la clause de mobilité est un outil juridique qui offre aux employeurs la flexibilité nécessaire pour s'adapter à un environnement changeant, tout en offrant une certaine sécurité juridique. Cependant, elle doit être utilisée avec précaution et dans le respect des droits du salarié.

Les conditions de validité de la clause de mobilité

La clause de mobilité, bien qu'elle ne soit pas explicitement réglementée par le Code du travail, a été façonnée par la jurisprudence au fil des années pour garantir un équilibre entre les intérêts de l'employeur et les droits du salarié.

a. Nécessité d'une rédaction claire et précise

La première condition de validité de la clause de mobilité est qu'elle doit être clairement stipulée dans le contrat de travail. En effet, pour que l'employeur puisse s'en prévaloir, la clause doit impérativement figurer dans le contrat. Cela signifie que l'employeur ne peut pas imposer une mutation à un salarié en l'absence d'une telle clause dans son contrat.

b. importance du "périmètre de mutation" dans la clause

La Cour de cassation a précisé que pour être valable, la clause de mobilité doit comporter des précisions sur sa zone géographique d'application. Autrement dit, il n'est pas possible de stipuler que le salarié exercera son activité "dans tout lieu que son employeur lui désignera" ou "dans tous les établissements que la Société ouvrira".

Par exemple, une clause stipulant que "le secteur initial d'intervention du salarié sera susceptible d'être modifié à tout moment selon les besoins de l'entreprise" a été jugée invalide. De même, une clause prévoyant toute mutation entre sociétés filiales d'un groupe est nulle, car tout changement d'employeur nécessite l'accord express du salarié.

c. Jurisprudence récente : l'arrêt de la Cour de cassation du 23 janvier 2008

La Cour de cassation, dans son arrêt du 2 octobre 2019, a sanctionné une clause de mobilité qui ne définissait pas de façon précise sa zone géographique d'application et qui conférait à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée. Dans cette affaire, la clause autorisait l'employeur "à tout moment, et selon sa propre initiative, d'élargir, réduire ou modifier le secteur ci-dessus défini, de même que la qualification de la zone". Il est donc essentiel que les clauses de mobilité définissent précisément leur périmètre géographique d'application et ne permettent pas à l'employeur d'en modifier unilatéralement la portée.

La clause de mobilité est un outil précieux pour les employeurs, leur permettant de s'adapter aux évolutions et aux besoins de l'entreprise. Cependant, pour être valable, elle doit respecter certaines conditions de fond et de forme, garantissant ainsi le respect des droits du salarié. Il est donc essentiel pour les employeurs de rédiger ces clauses avec soin et précision, en tenant compte de la jurisprudence récente.

Le refus du salarié et ses conséquences

Le monde professionnel est en constante évolution, et les entreprises doivent s'adapter rapidement pour rester compétitives. Dans ce contexte, la clause de mobilité, qui permet à l'employeur de changer le lieu de travail du salarié, est devenue un outil essentiel pour nombre d'entre elles. Cependant, cette clause peut parfois être source de conflits, notamment lorsque le salarié refuse de se conformer à une mutation. Examinons les conséquences juridiques d'un tel refus.

a. Les raisons légitimes du refus par le salarié

Il est essentiel de comprendre que le salarié n'est pas sans droits face à une mutation imposée par une clause de mobilité. Si le salarié estime que la mutation est abusive ou qu'elle porte atteinte à ses droits, il peut la contester. Par exemple, si le délai de prévenance est jugé insuffisant ou si la mobilité est associée à une modification substantielle des conditions de travail, le salarié peut légitimement refuser la mutation.

b. Les implications pour l'employeur : licenciement pour cause réelle et sérieuse

En cas de refus du salarié, l'employeur peut être tenté de procéder à un licenciement. Cependant, il doit agir avec prudence. Si les conditions de la clause de mobilité étaient légitimes et respectées, l'employeur pourrait licencier le salarié pour faute grave. Toutefois, si le salarié parvient à démontrer que la clause était abusive ou que ses droits ont été bafoués, le licenciement pourrait être jugé sans cause réelle et sérieuse, exposant l'employeur à des sanctions financières.

c. La position de la Cour de cassation sur le refus du salarié

La jurisprudence joue un rôle crucial dans l'interprétation et l'application des clauses de mobilité. Dans un arrêt du 16 novembre 2022, la Cour de cassation a rappelé que le refus d'un salarié de se conformer à une mutation basée sur une clause de mobilité doit être justifié par des raisons objectives et sérieuses. Elle a également souligné que l'employeur doit démontrer que la mutation répond à un besoin réel de l'entreprise et que le refus du salarié porte préjudice à l’entreprise.

La clause de mobilité est un outil précieux pour les employeurs, mais elle doit être utilisée avec discernement et dans le respect des droits des salariés. En cas de litige, il est essentiel de consulter un avocat spécialisé pour s'assurer que les droits de chacune des parties sont respectés.

Actualités et évolutions récentes

La clause de mobilité, bien que courante dans les contrats de travail, a connu des évolutions notables, notamment en raison de la pandémie et des récentes décisions judiciaires. Ces évolutions ont des implications tant pour les employeurs que pour les salariés.

Les défis posés par la pandémie et le télétravail

La pandémie de COVID-19 a bouleversé le monde du travail. Le télétravail est devenu la norme pour de nombreuses entreprises, remettant en question la pertinence et l'application des clauses de mobilité. Dans un contexte où le travail à distance est privilégié, la nécessité pour un salarié de se déplacer dans un autre établissement ou une autre ville peut sembler contre-productive. De plus, la pandémie a mis en lumière l'importance de la flexibilité et de l'adaptabilité, tant pour les employeurs que pour les salariés. Dans ce contexte, la mise en œuvre stricte d'une clause de mobilité peut être perçue comme rigide et inadaptée.

Les décisions judiciaires récentes ayant un impact sur l'application de la clause de mobilité

L'évolution jurisprudentielle a également joué un rôle crucial dans la manière dont les clauses de mobilité sont perçues et appliquées. Par exemple, selon un article publié par Amado Avocats, la Cour de Cassation a rendu plusieurs arrêts importants concernant la clause de mobilité.

Parmi ces décisions :

  • Cass. Soc. 7 Juin 2006 : Une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée.
  • Cass. Soc. 12 Juin 2006 : Une clause de mobilité rédigée de manière vague, telle que "les évolutions dans l'organisation de l'entreprise pourront amener cette dernière à modifier tant l'établissement que le bureau de rattachement", a été jugée inapplicable, même si les lieux de travail étaient distants de seulement 50 kilomètres.


Ces décisions montrent que la jurisprudence tend à encadrer strictement l'application des clauses de mobilité, veillant à ce qu'elles ne portent pas atteinte aux droits des salariés. Elles soulignent également l'importance d'une rédaction claire et précise de ces clauses pour garantir leur validité.

Les clauses de mobilité, bien qu'essentielles pour de nombreuses entreprises, doivent être rédigées et appliquées avec prudence. La pandémie de COVID-19 et les récentes évolutions jurisprudentielles ont mis en évidence la nécessité pour les employeurs de faire preuve de flexibilité et d'adaptabilité. En fin de compte, une approche équilibrée, qui tient compte des intérêts de l'entreprise tout en respectant les droits des salariés, est essentielle pour garantir une relation de travail harmonieuse.

Conseils pratiques

Pour les employeurs : comment rédiger une clause de mobilité valide et équilibrée

La rédaction d'une clause de mobilité nécessite une attention particulière pour garantir sa validité juridique. Voici quelques recommandations pour les employeurs :

  • Précision des lieux : Il est impératif de définir avec précision les lieux où le salarié pourrait être affecté. Si un établissement est omis, le salarié pourrait légitimement refuser d'y être affecté.
  • Conformité avec la convention collective : Avant d'insérer une clause de mobilité dans un contrat, il est essentiel de vérifier la convention collective applicable. Cette dernière peut imposer des critères supplémentaires ou spécifiques qui doivent être respectés.
  • Justification de la mutation : Toute mutation doit être justifiée par l'intérêt de l'entreprise tout en veillant au respect des droits et du bien-être du salarié. Une mutation considérée comme préjudiciable pour le salarié pourrait être invalidée par les tribunaux.
  • Délai de prévenance : Bien que la loi ne spécifie pas de délai précis, il est conseillé de respecter un délai raisonnable pour informer le salarié d'une mutation, lui permettant ainsi de s'organiser.


Pour les salariés : comment appréhender une clause de mobilité et connaître ses droits

La clause de mobilité, si elle est bien rédigée, ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme une possibilité d'évolution professionnelle. Cependant, le salarié doit être conscient de ses droits :

  • Connaissance des lieux de mutation : Le salarié doit être informé des lieux précis où il pourrait être muté. Une clause vague ou trop générale pourrait être contestée.
  • Droit au refus : Si la clause de mobilité n'est pas conforme ou si la mutation proposée n'est pas justifiée, le salarié a le droit de refuser sans que cela ne constitue une faute.
  • Consultation de la convention collective : Il est toujours recommandé au salarié de consulter sa convention collective pour connaître ses droits et obligations en matière de mobilité.

Conclusion

La clause de mobilité, bien que bénéfique pour l'entreprise en termes de flexibilité, doit être rédigée avec précaution pour garantir le respect des droits du salarié. Dans un contexte juridique en constante évolution, il est essentiel pour les employeurs et les salariés de rester informés et de consulter régulièrement la jurisprudence et les conventions collectives applicables. La recherche d'un équilibre entre les besoins de l'entreprise et les droits du salarié est primordiale pour assurer une relation de travail harmonieuse et productive.


FAQ sur la clause de mobilité du salarié

1. Qu'est-ce qu'une clause de mobilité ?

R : Une clause de mobilité est une stipulation contractuelle insérée dans le contrat de travail qui permet à l'employeur de modifier le lieu de travail du salarié, dans un périmètre défini, sans que cela constitue une modification du contrat.

2. Est-ce que la clause de mobilité est obligatoire dans un contrat de travail ?

R : Non, la clause de mobilité n'est pas obligatoire. Elle est insérée à la discrétion de l'employeur et doit être acceptée par le salarié lors de la signature du contrat.

3. Comment doit être rédigée une clause de mobilité pour être valide ?

R : Pour être valide, la clause de mobilité doit définir clairement et précisément sa zone géographique d'application. Elle ne peut pas conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée.

4. Un salarié peut-il refuser une mutation prévue par la clause de mobilité ?

R : Si la clause de mobilité est valide et que la mutation est justifiée par l'intérêt de l'entreprise, le salarié ne peut généralement pas refuser. Cependant, si la mutation entraîne un préjudice pour le salarié ou si la clause est jugée abusive, le salarié pourrait avoir des motifs légitimes de refus.

5. Quelles sont les conséquences d'un refus de mutation par le salarié ?

R : En cas de refus non justifié d'une mutation prévue par une clause de mobilité valide, l'employeur peut engager une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse.

6. La clause de mobilité peut-elle prévoir une mutation à l'étranger ?

R : Oui, mais la clause doit alors mentionner explicitement cette possibilité et définir clairement les pays ou zones géographiques concernés.

7. Comment la jurisprudence récente influence-t-elle l'application de la clause de mobilité ?

R : La jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation, veille à ce que la clause de mobilité respecte les droits du salarié et ne soit pas abusive. Elle a, par exemple, invalidé des clauses trop vagues ou celles qui permettent à l'employeur de modifier unilatéralement le périmètre de mutation.

8. La pandémie de COVID-19 a-t-elle eu un impact sur l'application des clauses de mobilité ?

R: La pandémie a entraîné une augmentation du télétravail, ce qui a pu poser des questions sur l'application des clauses de mobilité. Certains salariés ont pu être amenés à travailler depuis leur domicile, ce qui a pu nécessiter des ajustements contractuels.

9. Quels conseils donner aux employeurs pour rédiger une clause de mobilité équilibrée ?

R : Il est recommandé de définir clairement le périmètre géographique, de se conformer à la convention collective, de justifier toute mutation par l'intérêt de l'entreprise et de respecter un délai de prévenance raisonnable.

10. En tant que salarié, comment puis-je connaître mes droits liés à la clause de mobilité ?

R : Il est conseillé de consulter sa convention collective, de se renseigner sur la jurisprudence récente et, en cas de doute, de consulter un avocat spécialisé en droit du travail.