Conditions de licéité d’un système de géolocalisation des salariés pour contrôler leur temps de travail (fr)
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Philippe Touitou, Avocat au Barreau de Paris
Dans un arrêt rendu le 19 décembre 2018 (n° de pourvoi : 17-14631), la chambre sociale de la cour de cassation s’est prononcée sur les conditions de licéité d’un système de géolocalisation des salariés destiné à contrôler leur temps de travail.
La société MEDIAPOST, est une filiale du groupe LA POSTE qui a pour activité la distribution de publicités dans les boites aux lettres. MEDIAPOST utilise un système de géolocalisation de ses salariés qui enregistre toutes les dix secondes leur localisation au moyen d’un boitier mobile que ceux-ci portent sur eux lors de leurs tournées et qu’ils activent eux-mêmes.
Considérant ce système de géolocalisation illicite, la Fédération Sud PTT a assigné la société MEDIAPOST.
La cour d’appel a rejeté la demande de la Fédération Sud PTT estimant qu’en l’espèce, ce système, qui géolocalise et contrôle de temps de travail des salariés, est licite car justifié par la nature de la tâche à accomplir, et proportionné au but recherché par l’employeur.
La cour de cassation a censuré cette décision pour les motifs suivants :
Elle rappelle d’abord que selon l’article L1121-1 du code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Elle en déduit ensuite que « l'utilisation d'un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n'est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation, n'est pas justifiée lorsque le salarié dispose d'une liberté dans l'organisation de son travail ».
Elle reproche enfin à la cour d’appel de s’être prononcée « sans caractériser que le système de géolocalisation mis en œuvre par l'employeur était le seul moyen pour assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés ».
Les leçons à tirer de cet arrêt :
D’abord, le contrôle du temps de travail par un système de géolocalisation du salarié est illicite si ce salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.
Ensuite, le contrôle de la durée du travail par un système de géolocalisation n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation.
Les employeurs devront donc être particulièrement vigilants sur ces deux points, sous peine de voir juger illicites les outils de géolocalisation mis en place pour contrôler l’activité des salariés, ainsi que les éventuelles décisions – notamment disciplinaires - qui seraient rendues sur la base de tels outils.
Cette vigilance consistera à vérifier systématiquement, au cas par cas, s’il existe d’autres méthodes que le recours aux systèmes de géolocalisation pour contrôler le temps de travail des salariés, et quelle liberté est accordée aux salariés dans l’organisation de leur travail.
Autres points d’attention pour les employeurs : la mise en place de systèmes de géolocalisation des salariés devra également respecter les dispositions du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) ainsi que les règles d’information préalable des salariés et d’information ou de consultation préalable des instances représentatives du personnel.