Contrôle du pass vaccinal par les restaurateurs à partir du 24 janvier 2022

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Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris
Janvier 2022



La LOI n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique permet [1] désormais le contrôle des identités pour vérifier si la personne présentant un pass vaccinal est bien la bonne et si elle n'a pas emprunté le QR code d'un autre commensal pour aller au restaurant.


Le conseil de défense sanitaire du 6 décembre dernier, s'était réuni autour du président de la République Emmanuel Macron pour "voir s'il y a lieu de prendre des mesures supplémentaires" face à la flambée épidémique de Covid-19, selon les propos du Premier ministre Jean Castex.


La question du contrôle d'identité en plus du pass vaccinal dans les restaurants avait été ainsi mis sur la table.


Mais en l'état de la règlementation, les restaurateurs ne pouvaient pas effectuer un contrôle d'identité en même temps que celui du pass sanitaire.


Première précision: il ne s’agit pas à proprement parler d’un “contrôle d’identité” puisque celui-ci est encadré par le code de procédure pénale, mais bien d'une vérification d'identité.


C'est l'article L 3136-1 du code de la santé publique qui nous donnait la réponse:


Seuls les forces de l’ordre et agents mentionnés au L3136-1 Code de la Santé Publique pouvaient réaliser cette vérification (officier de police judiciaire/agent de police judiciaire, agents des douanes, policiers municipaux, garde-champêtres, agents de surveillance de la Ville de Paris.


Plusieurs exceptions sont prévues: par exemple les boîtes de nuit et discothèques (où des contrôles sont déjà effectués pour s’assurer que les personnes sont majeures) et les trains puisque des agents SNCF sont habilités à le faire pour contrôler notamment les cartes de réduction.


Par ailleurs, la vente des boissons alcooliques à des mineurs étant interdite. l'offre de ces boissons à titre gratuit à des mineurs est également interdite dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics. La personne qui délivre la boisson doit donc exiger du client qu'il établisse la preuve de sa majorité par un document d'identité (Article L3342-1 du CSP [2])


Il fallait donc un texte pour autoriser ce contrôle.


C'est chose faite avec le paragraphe I de l'article 1er de la loi du 22 janvier 2022 qui complète le B du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 adopté par le Parlement en janvier 2022 qui met en place ce dispositif afin de permettre aux personnes et services autorisés à contrôler la détention d'un « pass » vaccinal ou sanitaire de demander à son détenteur la production d'un document officiel comportant sa photographie lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente.


Des parlementaires ont saisi le Conseil constitutionnel en soutenant que ces dispositions méconnaîtraient l'article 12 de la Déclaration de 1789 au motif qu'elles conduiraient à déléguer à des personnes privées des missions de police administrative. Les requérants leur reprochaient en outre de méconnaître le droit au respect de la vie privée en permettant à ces personnes d'accéder à des données personnelles.


Dans sa décision du 21 décembre 2022 [3], cette disposition a été validée considérant que:


  • les dispositions contestées se bornent à permettre à l'exploitant d'un lieu dont l'accès est soumis à la présentation d'un « passe » vaccinal ou sanitaire de demander à une personne qui souhaite y accéder de produire un document officiel comportant sa photographie, aux seules fins de vérifier la concordance entre les éléments d'identité mentionnés sur ces documents. Le refus de la personne de produire un tel document ne peut avoir pour autre conséquence que l'impossibilité pour elle d'accéder à ce lieu.


Dès lors, les dispositions contestées ne délèguent pas des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences découlant de l'article 12 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté selon le Conseil constitutionnel.


  • En deuxième lieu, d'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l'effectivité de l'obligation de détention d'un « passe » vaccinal ou sanitaire pour l'accès à certains lieux. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.


  • D'autre part, en application de ces dispositions, la personne contrôlée ne peut se voir inviter à produire qu'un document officiel comportant sa photographie et des éléments d'identité figurant également sur son « passe » vaccinal ou sanitaire. Il est fait interdiction aux personnes et services autorisés à demander la production d'un tel document de le conserver ou de le réutiliser ainsi que les informations qu'il contient, sous peine de sanctions pénales. Le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit dès lors être écarté.


En revanche, le Conseil constitutionnel a émis une réserve que la mise en œuvre des dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, s'opérer qu'en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes.


L'article 1er de la loi prévoit donc:


« Toutefois, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente, les personnes et services autorisés à en assurer le contrôle peuvent demander à la personne concernée de produire un document officiel comportant sa photographie afin de vérifier la concordance entre les éléments d'identité mentionnés sur ces documents. Les personnes et services autorisés, dans le cadre du présent alinéa, à demander la production d'un document officiel comportant la photographie de la personne ne sont pas autorisés à conserver ou à réutiliser ce document ou les informations qu'il contient, sous peine des sanctions prévues au dernier alinéa du E du présent II. »


Dès aujourd'hui, les restaurateurs peuvent donc procéder à une telle vérification. A noter qu'il ne s'agit pas d'une obligation, mais d'une simple faculté pour l'aubergiste qui doit agir en évitant toute discrimination.