Divorce : ai-je droit à une prestation compensatoire ? (fr)

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Louis Laï-Kane-Chéong, cabinet Thuegaz
Mai 2019



Voilà une question qui se posera nécessairement à l’occasion d’un divorce contentieux ou par consentement mutuel.
Destinée à compenser les déséquilibres financiers que le divorce créera, la prestation compensatoire ne doit pas être ignorée, ni par son bénéficiaire, ni par son débiteur. 


Qui des deux époux peut prétendre à une prestation compensatoire ?

La prestation compensatoire dont l’objectif est de rééquilibrer les disparités causées par le divorce dans les conditions de vie des époux, est donc attribuée au bénéfice de l’époux disposant du patrimoine le plus faible.


Comment procéder pour obtenir une prestation compensatoire ?

Deux cas de figure se présentent : soit les époux entament un divorce contentieux , soit ils décident de s’accorder sur le principe du divorce et ses effets (dont la prestation compensatoire) et s’orientent vers un divorce par consentement mutuel par acte d’avocat.


Dans le premier cas, l’époux sollicitant une prestation compensatoire devra faire valoir sa demande avant le prononcé du divorce par jugement.


Le juge procédera alors en deux temps : dans un premier temps, il vérifiera que le divorce créera des disparités dans les conditions de vie des époux pour admettre l’existence-même de la prestation compensatoire demandée, et dans un second temps, il fixera le montant de celle-ci en fonction de certains critères qui seront ultérieurement abordés.


Dans le second cas, les époux devront s’entendre entre eux sur l’attribution ou non d’une prestation compensatoire due par l’un à l’autre, ainsi que sur le montant de celle-ci.


Quelle(s) forme(s) la prestation compensatoire peut-elle prendre ?

Encore une fois, la réponse dépend du type de divorce.


Dans les divorces contentieux, la prestation compensatoire est en principe versée sous forme de capital, est-ce à dire soit par le versement en une fois ou échelonné sur huit ans d’une somme d’argent, soit par l’attribution d’un bien de l’époux débiteur ou de droits sur ce bien.


Si la prestation compensatoire prend la forme d’une attribution de bien reçu par succession ou donation, l’époux qui doit payer ladite prestation compensatoire doit toutefois donner son accord pour une telle attribution.


Exceptionnellement, si en raison de son âge et/ou de son état de santé, l’époux bénéficiaire de la prestation compensatoire ne peut pas subvenir seul à ses besoins, le juge peut fixer la prestation sous forme de rente viagère.


Dans les divorces par consentement mutuel, la forme de la prestation compensatoire (versement d’une somme d’argent, attribution de biens ou de droits sur des biens ou rente viagère) est libre puisque par hypothèse, les époux s’accordent sur tous les points.


A combien la prestation compensatoire s’élève-t-elle ?

Tous les débats se cristallisent sur cette question du montant de la prestation compensatoire. Il n’existe aucune méthode officielle donnant un résultat objectif.


Pour saisir toute la difficulté relative à la fixation du montant de la prestation compensatoire, il est reproduit les critères que le Code civil énumère de façon non exhaustive et qui devraient être pris en compte pour la fixation du montant de la prestation compensatoire :


  • Durée du mariage ;
  • Age et état de santé des époux ;
  • Qualification et situation professionnelle des époux ;
  • Sacrifices professionnels d’un époux pour l’éducation des enfants ayant favorisé la carrière de l’autre époux au détriment de la sienne ;
  • Patrimoine estimé et prévisible des époux, après liquidation du régime matrimonial ;
  • Droits existants et prévisibles des époux pouvant être quantifiables ;
  • Situation des époux en matière de pension de retraite.


Aussi précis que puissent être ces critères, l’on ne comprend pas comment leur prise en compte permet d’aboutir à un montant. C’est pourquoi, plusieurs méthodes de calcul prenant plus ou moins en compte les critères précités, ont été proposées.


Ces méthodes, au demeurant complexes à mettre en oeuvre, ne font pas l’unanimité puisque chacune d’entre elles présente des avantages mais également des inconvénients.


Lorsque sont analysées les décisions de justice accordant une prestation compensatoire, il est à noter que le montant fixé par les juges correspond souvent au résultat donné par l’une de ces méthodes de calcul non officielles.


Pour donner aux lecteurs une idée du fonctionnement de ces méthodes et de leurs limites, il est précisé qu’elles mesurent souvent la disparité de richesses entre les époux et appliquent des correctifs pour tenir compte de la durée du mariage ainsi que de l’âge de l’époux bénéficiaire.


Cependant, aucune méthode ne pourra quantifier, ni l’état de santé des époux, ni les sacrifices professionnels faits par l’un pour éduquer les enfants et ayant favorisé la carrière de l’autre.


Par conséquent, l’aide d’un avocat spécialisé en la matière est précieuse, tant dans les divorces contentieux que dans les divorces par consentement mutuel.


Dans les divorces contentieux, l’avocat saura chiffrer la prestation compensatoire en utilisant la méthode la plus appropriée à la situation du couple, tout en faisant valoir les éléments qui ne pourront jamais être quantifiés par une quelconque méthode. Ainsi, le montant demandé au juge ne sera ni illusoire, ni déraisonnable.


Dans les divorces par consentement mutuel, les avocats sont les interlocuteurs privilégiés des époux. L’avocat spécialisé en la matière saura négocier au mieux le montant de la prestation compensatoire tout en préservant les intérêts en présence ainsi que le caractère amiable de la procédure.


Comment la prestation compensatoire est-elle traitée fiscalement ?

Le législateur a souhaité favoriser un versement rapide de la prestation compensatoire.


Ceci explique que la prestation compensatoire versée dans les 12 mois suivant le jugement de divorce ou l’enregistrement de la convention de divorce par consentement mutuel par acte d’avocat, n’est pas imposable pour l’époux bénéficiaire.


Pour l’époux qui doit la payer, il bénéficie d’une réduction d’impôt de 25 % du montant dans la limite de 30 500 €.


Concernant toujours la prestation compensatoire versée dans les 12 mois, peuvent s’ajouter des droits d’enregistrement à régler :


  • Un droit fixe de 125 € sera dû si la prestation est réglée au moyen de fonds propres ou par l’attribution d’un meuble propre à l’époux débiteur.
  • La taxe de publicité foncière et la contribution à la sécurité immobilière seront dues si la prestation est réglée par l’attribution d’un immeuble propre à l’époux débiteur.
  • Si la prestation est réglée par le versement de fonds communs ou indivis, ou par l’attribution d’un bien meuble ou immeuble commun ou indivis, ne sera dû que le droit de partage de 2,5 % sur l’actif net partagé.


S’agissant par ailleurs de la prestation compensatoire versée soit sur une période supérieure à 12 mois après le jugement de divorce ou après l’enregistrement de la convention de divorce par consentement mutuel par acte d’avocat, soit sous forme de rente viagère, le régime des pensions alimentaires s’appliquera.


L’époux bénéficiaire devra déclarer le montant versé au titre des pensions alimentaires et l’époux débiteur pourra déduire le montant versé de ses revenus imposables.

Dans cette hypothèse d’une prestation compensatoire versée sur une période supérieure à 12 mois ou sous forme de rente viagère, aucun droit d’enregistrement n’est dû par ailleurs.


L’un des ex-époux décède : que se passe-t-il pour la prestation compensatoire ?

Si l’époux bénéficiaire décède et si la prestation compensatoire n’avait pas encore été entièrement réglée, l’époux débiteur en est libéré.


Si l’époux débiteur décède, le montant restant dû devient immédiatement exigible au profit de l’époux bénéficiaire de la prestation.


Ce solde restant sera directement prélevé sur la succession de l’époux décédé.