Divorce par acte d’avocats : convention de divorce déclarée nulle

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Laurence Mayer, avocate au barreau de Paris [1]
Juin 2024

La nullité d'une convention de divorce par consentement mutuel ou divorce amiable par acte d'avocats, c'est à dire sans juge, vient pour la 1ère fois d'être prononcée suite à la réforme qui a déjudiciarisé ce type de divorce Divorce par acte d’avocats : nullité d’une convention de divorce par consentement mutuel

Le 30 avril 2024, le tribunal de Versailles a annulé une convention de divorce par acte d’avocats en raison du défaut de plein consentement de l’épouse, le jour de la signature de la convention de divorce.

Tribunal judiciaire de Versailles, 30 avril 2024, n°20/00907

Des époux mariés sous le régime de la communauté et ayant eu deux enfants ont décidé de divorcer par acte d’avocats.

Le 17 octobre 2018, les époux ont signé une convention de divorce par acte d’avocats qui stipulait l’absence de prestation compensatoire, de liquidation de la communauté ainsi que le versement d’une pension alimentaire pour les enfants, à la charge du père.

En 2020, l’ex-épouse s’estimant lésée par la signature de cette convention sans la présence de son avocat a demandé son annulation au tribunal de Versailles, ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.

Au soutien de sa demande en annulation de la convention, elle soulignait que la convention avait été rédigée par l’avocat adverse, qu’elle n’avait jamais rencontré son propre avocat ni reçu de conseils de sa part.

Concernant sa demande de dommages et intérêts, l’ex-épouse se considérait d’autant plus lésée qu’elle ne maitrisait pas suffisant la langue française. Par ailleurs, elle indiquait être dans une situation précaire du fait de l’absence de revenu, de sacrifices professionnels, de l’éloignement géographique avec sa famille et de la charge de ses deux jeunes enfants.

Dans cette situation, corroborée par le manquement de son avocat à son obligation d’assistance à la signature de la convention de divorce et de conseil, elle estimait avoir été contrainte de signer une convention de divorce fixant des modalités financières désavantageuses.

Malgré l’existence d’une communauté, d’années de vie commune, et d’un sacrifice professionnel pour la carrière de son époux et l’éducation des enfants, l’ex-épouse a signé une convention fixant l’absence de prestation compensatoire et l’exclusion du partage de la communauté.

L’ex-époux soutenait que l’avocat de Madame était bien présent le jour de la signature.

En application de l’article 1145 du Code de procédure civile, dans sa version applicable à la date de la signature, le juge considère que la présence physique de tous les signataires au moment de la signature n’était pas imposée expressément mais qu’elle se déduisait par l’exigence de « signature de la convention par les époux et leurs avocats « ensemble » ».

Le juge rappelle que les avocats sont les garants du consentement libre et éclairé de leurs clients et que leur présence aux côtés de leurs clients lors de la signature de la convention permet de s’assurer de la réitération du consentement de son client, sur le principe et les effets du divorce.

En application de l’article 1128 du Code civil, il est nécessaire de s’assurer que la convention de divorce respecte les conditions de formation du contrat, à savoir le consentement des époux, leur capacité à contracter et la licéité de son contenu. D’autant plus, que le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas.

Si la convention de divorce ne respecte par ces conditions légales, elle est nulle. La nullité de la convention entraîne l’annulation du divorce, remettant les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion.

En l’espèce, les déclarations de l’ex-époux et de son avocat qui affirmaient la présence en ligne de l’avocat lors du rendez-vous, n’ont été corroborées par aucun élément probant (historique de connexion en ligne, justificatif de rendez-vous etc.).

N’ayant pas rapporté la preuve de la présence de cet avocat, même à distance, lors de la signature de la convention de divorce alors qu’elle était nécessaire pour s’assurer du consentement libre et éclairé de l’épouse, le juge en a déduit que ce contrat manquait d’une condition essentielle à sa validité, le rendant ainsi nul.

Le tribunal renvoie donc, les parties à divorcer pour mettre fin à leur union et régler les conséquences patrimoniales.

Les époux se retrouvent donc mariés et le second mariage contracté par l’époux, nul à son tour.

Quoi qu’il en soit cet arrêt très caricatural, met l’accent sur le divorce par acte d’avocats et ses dangers.

Pour désengorger les tribunaux, le législateur a déjudiciarisé le divorce par consentement mutuel ou à l’amiable. Il s’est déchargé sur les avocats du rôle qui était autrefois imparti au juge de contrôler l’équilibre d’une convention de divorce par consentement mutuel.

A cette fin, l’avocat unique n’existe plus, chacun des époux doit être représenté par son propre avocat qui doit veiller à ses intérêts. En l’espèce, tel n’avait pas été le cas.