L'IA va-t-elle transformer ou anéantir le monde du travail ?
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Cabinet parisien Haas Avocats [1]
Octobre 2024
En septembre 2022, le PDG de l’entreprise indienne Dunkaan a licencié 90% de son équipe d’assistance clientèle. La cause : les salariées ont été remplacés par la mise en place d’un « chatbot » fonctionnant grâce à l’intelligence artificielle.
La société française Onclusive a d’ailleurs suivi cette tendance, en proposant un plan de licenciement visant 68% de ses effectifs, voulant automatiser une partie de ses postes par l’intégration d’algorithmes reposant sur l’intelligence artificielle.
Ces initiatives posent des inquiétudes quant à l’avenir de l’emploi à l’ère de l’intelligence artificielle. Si l’automatisation avait déjà entrainé une modification structurelle des entreprises, l’intelligence artificielle vient convoiter des emplois de services et même les plus qualifiés.
Les évolutions technologiques ont tenu le législateur à prévoir des motifs de licenciement prenant en compte les mutations technologiques et donc potentiellement l’IA…
Mutations technologiques & licenciement
Le licenciement en raison de mutations technologiques repose sur l’introduction d’une nouvelle technologie au sein de l’entreprise. Ce motif de licenciement économique est un motif dit autonome de licenciement, c’est-à-dire qu’il n’a pas besoin d’être lié à une baisse de l’activité pour être appliqué.
Dès lors, en raison d’une mutation technologique importante, l’employeur pourrait entreprendre une campagne de licenciement.
Sur ce fondement, l’employeur devrait alors prouver que l’intégration de l’IA dans les activités technologiques entraine d’une mutation technologique suffisante pour entraîner le licenciement d’une partie de ses salariés.
Concrètement, il a déjà pu être déterminé que la mise en œuvre d’un nouveau logiciel informatique permettait, par exemple, de supprimer en majorité des tâches de travail et serait donc qualifié de mutation technologique pouvant entraîner un licenciement pour motif économique [1].
L’IA étant un logiciel, son recours pourrait alors être considéré comme une mutation technologique au sens de la jurisprudence actuelle.
En outre, concernant le plan de licenciement de Onclusive, le ministère du Travail a considéré que le projet de restructuration visant aux remplacements des collaborateurs par une intelligence artificielle pouvait s’inscrire dans le cadre de la mutation des technologies en raison de l’automatisation des tâches manuelles[2].
L’intelligence artificielle : vecteur de transformation
Si l’émergence de l’IA et les campagnes de licenciements massives peuvent être de mauvais augure quant à l’avenir des emplois de services, il reste important de rappeler que l’intelligence artificielle peut aussi être porteuse d’emploi.
À ce titre, on peut voir comme exemple le cabinet d’audit EY, qui en raison de la volonté de s’adapter à ses nouveaux enjeux, va embaucher plus de 1000 personnes d’ici 5 ans.
Tout comme le développement par les GAFAM de pôles spécialisés dans les technologies du e-commerce et de l’intelligence artificielle. Amazon, par exemple, a annoncé la création de 3000 emplois dans un pôle dédié à l’intelligence artificielle et aux nouvelles technologies.
De plus, certains emplois seraient même amenés à être transformés par l’utilisation de l’intelligence artificielle, n’entraînant pas une suppression de poste, mais la nécessité de former les employés à ses nouveaux outils pour être compétitifs.
Les entreprises doivent prévoir la mise en place de formations permettant de former ses employés à ces nouveaux outils, et ainsi augmenter l’activité.
L’intelligence artificielle : vecteur de risque
Les mutations technologiques liées à l’IA doivent être accueillies avec prudence[3].
Au-delà de l’aspect purement productif, il faut être conscient des impacts négatifs liés à un recours à l’IA (l’image de l’entreprise, les risques juridiques, les risques techniques, etc.). Il est en effet important de vérifier que les IA utilisées fourniront des garanties quant à la confidentialité des données traitées au sein de l’entreprise. De plus, il faudra se prémunir contre les éventuelles fuites de données pouvant être causées par ces nouveaux outils.
L’adoption de l’AI ACT en France, entraîne de nouvelles obligations quant à l’utilisation ou le développement d’intelligence artificielle. Ce nouveau règlement publié au Journal officiel le 12 juillet dernier prévoit une catégorisation des IA fondées sur les risques. Celles relatives à l’emploi sont situées dans la catégorie des IA à « Haut risque ». Elles sont donc soumises à un cadre juridique strict et rigoureux qu’il conviendra de maîtriser pour accueillir ces changements. C’est donc en ce sens qu’un encadrement juridique fiable et compétent en nouvelle technologie est nécessaire.