La perquisition chez un avocat
France > Droit privé > Droit pénal
Par Valentine Léger
Juriste au Centre de documentation du Barreau de Paris
Le 10 mars 2023
Le régime des perquisitions au cabinet et au domicile des avocats a été modifié dernièrement par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire[1].
Le formalisme à respecter
La perquisition doit toujours être effectuée par un magistrat, accompagné du bâtonnier ou de son délégué. La perquisition est possible seulement s’il y a une décision écrite et motivée par le juge des libertés et de la détention, saisi par le magistrat qui procède à la perquisition. La décision obéit à des conditions de fond : elle doit indiquer la nature des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons motivant la perquisition, son objet et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits. Dès le début de la perquisition, le bâtonnier ou son délégué doit avoir connaissance du contenu de la décision. Sans respect de ces conditions, la perquisition sera considérée comme nulle.
Le domaine d’action dans le cadre d’une perquisition
L’article 56-1 du Code de procédure pénale[2] doit être respecté. Ainsi, les saisies effectuées concernant des documents ou objets relatifs à d’autres infractions, que celles pour lesquelles la perquisition a été autorisée, sont interdites, à peine de nullité. L’article précise que cette règle s’applique également dans le cadre d’une perquisition dans les locaux de l’Ordre des avocats ou des Caisses de règlement pécuniaire des avocats. Dans tous les cas, comme le rappelle la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt en date du 3 avril 2013 (Crim., 3 avril 2013, n°12-88.021)[3], les perquisitions dans le cabinet ou au domicile d’un avocat doivent respecter les garanties de procédure sauvegardant le libre exercice de la profession d’avocat.
Cependant, en vertu de l’article 56-1-2 du Code de procédure pénale[4], le secret professionnel ne peut pas être opposé aux enquêteurs si les investigations portent sur une fraude fiscale, sur un financement du terrorisme ou sur des faits de corruption.
Si la saisie d’un objet ou d’un document est estimée irrégulière par le bâtonnier ou son délégué, cette saisie sera placée sous scellé fermé et un procès-verbal sera dressé. Ces deux dernières pièces seront transmises au juge des libertés et de la détention (JLD), qui statuera dans un délai de 5 jours à compter de la réception de celles-ci, par une ordonnance motivée non-susceptible de recours. Pour statuer, il devra d’abord entendre le magistrat qui a procédé à la perquisition -le cas échéant, le procureur de la République-, l’avocat qui a subi la perquisition et le bâtonnier ou son délégué. Si le JLD juge qu’il n’y a pas lieu à saisir les pièces, il ordonnera la restitution immédiate et la destruction du procès-verbal. Si le JLD juge qu’il y a lieu à saisir, ce qui est scellé et le procès-verbal seront versés au dossier de la procédure. Les parties pourront ultérieurement demander la nullité de la saisie devant la chambre de l’instruction. Il faut savoir que « les attributions du JLD sont exercées par le président du tribunal judiciaire lorsque la perquisition a lieu au domicile ou au cabinet du bâtonnier, dans les locaux de l'ordre des avocats ou dans les locaux d'une caisse de règlement pécuniaire des avocats ».
Les apports du nouveau décret du 1er mars 2023 relatif au Code de déontologie des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation
Un décret est paru au Journal Officiel le 2 mars 2023 créant le Code de déontologie des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
Le titre III de ce décret porte sur le secret professionnel et prévoit une disposition spéciale pour les perquisitions au sein d’un cabinet d’un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. C’est l’article 16 qui dispose que « En cas de perquisition au cabinet d'un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, il appartient à celui-ci, si le président de l'Ordre ou son délégué n'est pas présent, de requérir immédiatement sa présence ».
Ce décret entrera en vigueur le 2 mai 2023.
Perquisition du cabinet de l’avocat et secret professionnel de l’avocat
Une question prioritaire de constitutionnalité s’est posée devant le Conseil constitutionnel le 19 janvier 2023 (n°2022-1031 QPC)[5] sur les modalités de perquisitions au sein d’un cabinet d’avocats.
Il s’agissait de savoir si l’article 56-1 du Code de procédure pénale[6] est contraire ou non à la Constitution dans le sens où le juge des libertés et de la détention pouvait à la fois autoriser des opérations de saisie et statuer sur la régularité de ces opérations.
Pour le requérant, il y avait violation du principe d’impartialité de l’autorité judiciaire et il souhaitait donc voir déclaré l’article 56-1 du Code de procédure pénale[7] inconstitutionnel.
Le Conseil constitutionnel n’a pas fait droit à la demande du requérant en jugeant qu’il n’y avait pas de manquement au principe d’impartialité. Cependant, il a posé une limite « en indiquant dans le cadre d'une réserve d'interprétation que le juge des libertés et de la détention statuant sur la régularité de la procédure ne peut pas être la même personne que celle qui a autorisé les opérations contestées »[8].
Sources :
Lextenso – Gazette du Palais, Création du code de déontologie des avocats aux Conseils, mars 2023[9]
Formulaires ProActa Procédure pénale, Cabinet ou domicile d’un avocat, novembre 2022[10]
Formulaires ProActa Procédure pénale, Les perquisitions en enquête de flagrance, juin 2022[11]
Les Nouvelles Fiscales, Procédures fiscales : veille jurisprudentielle, légale et réglementaire, n°1328, 15 mars 2023[12]
Législation et Réglementation, Décret n°2023-146 du 1er mars 2023 relatif au code de déontologie des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, 2 mars 2023, Lamyline[13]
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