Le 21 février 2022 a été adoptée une loi visant à réformer l’adoption

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Laurence Mayer, avocate au barreau de Paris [1]
Mars 2023

Une nouvelle loi relative à l'adoption a été votée, cette loi apporte des modifications et assouplissement en matière d'adoption nationale et internationale et introduit un certain nombre de nouveautés, comme l'ouverture aux couples non mariés.Le 21 février 2022 a été adoptée une loi visant à réformer l’adoption.

Cette loi poursuit trois objectifs principaux : rendre plus d’enfants adoptables, sécuriser les parcours pour garantir le respect des droits des enfants et simplifier les démarches pour les parents adoptant.

La volonté de réformer l’adoption en France n’est pas nouvelle. Déjà en octobre 2019, deux parlementaires remettaient au Premier ministre un rapport intitulé « Vers une éthique de l'adoption, donner une famille à un enfant ». Ce rapport formulait 24 recommandations.

La loi du 21 février 2022, reprenant en partie ces recommandations, est complétée par l’ordonnance du 5 octobre 2022 modifiant les dispositions des Code civil et de l’action sociale et des familles. Deux décrets du 23 décembre 2022 modifient à leur tour certaines dispositions du Code de procédure civile, du Code de la défense et du Code de l’action sociale et des familles afin de les coordonner avec la refonte du Code civil.

Cette réforme introduit de nombreuses nouveautés :

  • Une nouvelle définition de l’adoption simple


Cette loi vient consacrer une nouvelle définition de l’adoption simple dès le premier article du titre spécifiquement consacré à ce mode d’établissement de la filiation.

L’article 264 du Code civil dispose désormais que « l’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine. L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine ».

  • Des conditions relatives aux adoptants modifiées


L’adoption, qu’elle soit plénière ou simple, est assouplie.

Tout d’abord, l’accès à la procédure d’adoption est ouvert aux couples non mariés, c’est à dire aux couples pacsés et aux couples de concubins quel que soit leur sexe (article 343 Code civil, alinéa 1).

La durée de la vie commune de ces couples, mariés ou non, exigée pour accéder à l’adoption est réduite de deux ans à un an.

L’âge minimum pour avoir recours à une adoption est également réduit, passant de 28 à 26 ans (article 343 Code civil, alinéa 2).

En dehors de l’hypothèse de l’adoption de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin, la différence d’âge maximale entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter est de cinquante ans (article L 225-2 Code de l’action sociale et des familles).

Toutefois, s'il y a de justes motifs, il peut être dérogé à cette règle en démontrant que l'adoptant est en capacité de répondre, à long terme, aux besoins des adoptés.

En revanche, cette réforme interdit les adoptions entre ascendants et descendants en ligne directe ainsi que les adoptions entre frères et sœurs.

  • L’assouplissement des conditions relatives aux adoptés


La condition relative à l’âge de l’adopté est également assouplie.

En principe, l’adoption plénière ne concerne que les enfants de moins de quinze ans accueillis au foyer du ou des adoptants depuis au moins six mois.

Toutefois la loi de février 2022 vient ajouter des tempéraments.

En effet, les enfants de plus de quinze ans peuvent désormais faire l’objet d’une adoption plénière si, pendant la minorité de l’enfant, et dans les trois ans suivant sa majorité, ils entrent dans un des cas suivants :

  1. L’adopté a été accueilli avant ses quinze ans par des personnes qui ne remplissaient pas les conditions légales pour l’adopter ;
  2. L’adopté a fait l’objet d’une adoption simple avant ses quinze ans ;
  3. L’adopté est une pupille de l’Etat pour lequel le conseil de famille a consenti à l'adoption ;
  4. L’adopté est judiciairement déclaré délaissé (articles 381-1 et 381-2 Code civil) ;
  5. L’adopté, qui est l’enfant du conjoint, du partenaire ou concubin de l’adoptant :


  • N’a de de filiation établie qu’à l’égard du conjoint, partenaire ou concubin de l’adoptant ;
  • A fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint, partenaire ou concubin ;
  • N’est plus sous l’autorité parentale du conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin de l’adoptant, celui-ci s’étant vu retirer totalement l'autorité parentale ;
  • A perdu son autre parent, celui-ci étant décédé sans laisser d’ascendants au premier degré ou lorsque ces derniers se sont manifestement désintéressés de lui.

En outre, le législateur a souhaité faciliter l’adoption des personnes hors d’état de manifester leurs volontés.

L’article 348-6 du code civil prévoit désormais que le tribunal peut prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement.

Celle-ci ne peut toutefois intervenir qu’après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique.

  • Simplification des démarches quotidiennes au cours du placement


La période de placement en vue de l’adoption est la période durant laquelle l’enfant, qu’il soit pupille de l’Etat, judiciairement déclaré délaissé ou encore pour lequel il a été valablement et définitivement consenti à l’adoption, est accueilli au foyer du ou des futurs adoptants pendant au moins six mois (article 345 Code civil).

Désormais, le ou les futurs adoptants pourront accomplir les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant à partir de la remise de celui-ci et jusqu’au prononcé de l’adoption (article 352-1 Code civil).

Cet ajout facilitera le quotidien de ces familles en construction.

  • Redéfinition de l’adoption internationale


La loi du 21 février 2022 donne redéfinie l’adoption internationale en supprimant toute référence à la nationalité de l’enfant et des adoptants.

Ainsi, l’article 370-2 du Code civil prévoit que « l’adoption est internationale

1° Lorsqu’un mineur résidant habituellement dans un Etat étranger a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers la France, où résident habituellement le ou les adoptants ;

2° Lorsqu’un mineur résidant habituellement en France a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers un Etat étranger, où résident habituellement le ou les adoptants ».

  • Renforcement du statut des pupilles d’Etat


Une pupille de l’Etat est un enfant mineur qui a perdu tout lien avec ses parents ou avec sa famille. Cet enfant est placé en établissement ou en famille d’accueil.

Le statut de ces enfants est amélioré par cette réforme. En effet, celle-ci impose la réalisation d’un bilan médical, social et psychologique pour l’enfant dès son entrée dans le statut de pupille.

Si l’âge et le discernement de l’enfant le permet, ces bilans font état de l’éventuelle adhésion de l’enfant à un projet d’adoption. Un projet de vie est ensuite défini par le tuteur (le préfet du département) avec l’accord du conseil de famille.

Un nouveau bilan peut être réalisé à tout moment, à la demande du tuteur en accord avec le conseil de famille ou du mineur lui-même.

Par ailleurs, la loi prévoit le recueil systématique du consentement du mineur âgé de plus de 13 ans en matière de changement de prénom et son information obligatoire de toute décision prise à son égard (article L 224-1-1 code de l’action sociale et des familles).


La composition des conseils de famille est d’ailleurs précisée.

Ce conseil se compose :

  • D’un membre d’associations de pupilles et d’anciens pupilles ;
  • De deux membres d’associations familiales (dont un membre représentant de famille adoptive) ;
  • D’un membre d’association d’assistants familiaux, de deux représentants du conseil départemental ;
  • Deux représentants du conseil départemental ;
  • D’une personne qualifiée que sa compétence et son expérience professionnelle en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations qualifie particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein ;
  • D’une personnalité qualifiée que son expérience et sa compétence professionnelle en matière médicale, psychologique ou sociale qualifie particulièrement.


Chaque membre dispose d’un suppléant. Le mandat est de six ans.

  • Renforcement de l’accompagnement des familles adoptives afin de répondre au mieux aux besoins des enfants adoptés


Pour pouvoir adopter un enfant qui n’est pas celui de son époux, de son partenaire lié par un pacte de solidarité civile ou de son concubin, l’adoptant doit disposer d’un agrément, délivré par le service d’aide sociale à l’enfance (ASE).

La loi du 21 février 2022 vient préciser la définition de cet agrément, en mettant au premier plan l’intérêt de l’enfant.

Désormais, l’article 225-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « L'agrément a pour finalité l'intérêt des enfants qui peuvent être adoptés. Il est délivré lorsque la personne candidate à l'adoption est en capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ».

Afin de s’assurer que les adoptants soient prêts à accueillir un enfant et qu’ils répondent au mieux à tous ses besoins, la réforme met un place une préparation obligatoire, organisée par le président du conseil départementale (ou, en Corse, par le président du conseil exécutif). Cette préparation porte notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives, médicales, juridiques et culturelles de l’adoption, en prenant en compte la réalité de l’adoption nationale et internationale ainsi que sur les spécificités de la parentalité adoptive (article L 225-3 Code de l’action sociale et des familles).

L’accompagnement des parents adoptifs est particulièrement renforcé en matière d’adoption internationale. En effet, la loi du 21 février 2022 prévoit que pour adopter un mineur résidant habituellement à l’étranger, les personnes résidant habituellement en France, agréées en vue de l’adoption, doivent être accompagnées par un organisme autorisé ou par l’Agence française de l’adoption (article L 225-14-3 du Code de l’action sociale et des familles).

Les modalités du recours au congé adoption sont également assouplies. De sorte, le salarié qui adopte un enfant a le droit de bénéficier d’un congé d’adoption d’une durée de seize semaines, contre dix semaines avant la réforme (article L 1225-37 Code du travail).

Ce congé est porté à dix-huit semaines lorsque l’adoption porte à trois ou plus le nombre d’enfants dont le salarié ou le foyer assume la charge et a vingt-deux semaines en cas d’adoptions multiples.

Lorsque la durée du congé d'adoption est répartie entre les deux parents, l'adoption d'un enfant par un couple de parents salariés ouvre droit à vingt-cinq jours supplémentaires de congé d'adoption ou à trente-deux jours en cas d'adoptions multiples (article L 1225-40 Code du travail).

  • Disposition transitoire pour les enfants nés à l’étranger par PMA d’un couple de femmes désormais séparé

L’article 9 de la loi du 21 février 2023 introduit un dispositif transitoire pour venir en aide aux couples de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation (PMA) à l’étranger et qui se sont, par la suite, séparées de manière conflictuelle.

La loi ouvre la possibilité, à titre exceptionnel et pour une durée de trois ans, à la femme qui n’a pas accouché d’adopter l’enfant lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l’acte de naissance de l’enfant refuse la reconnaissance conjointe.

Cette possibilité est soumise à la condition pour la femme n’ayant pas accouché de rapporter la preuve du projet parental commun et de l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger avant la publication de cette loi. Dès lors, ni l’absence de lien conjugal ni la condition de durée d’accueil de l’enfant adopté ne pourra lui être opposé.