Les conséquences d'un adultère peuvent fonder la révocation d'une donation pour ingratitude (fr)
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Auteur : Sabine Haddad, avocate au barreau de Paris
Novembre 2018
Un donateur ou ses héritiers au décès peuvent demander la révocation de la donation dans des cas exceptionnels au regard du principe de l’irréversibilité de la donation. La révocation pour "ingratitude" est admise dans trois cas: si le donataire a attenté à la vie du donateur ; s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ; ou s'il a refusé une aide financière au donateur dans le besoin (art. 953 et 955 du code civil). Cela suppose de prouver les faits injurieux allégués par tous moyens en justice surtout en matière d'injure grave.
Le juge est libre d'apprécier souverainement s'il révoque ou pas la donation ...
Il existe trois cas de révocation, indépendants de la volonté du donateur: pour inexécution des charges, ingratitude sur la personne du donateur et survenance d'enfants soumis à l'appréciation des juges du fond.
La question de la révocation d'une donation au dernier vivant pour cause d'ingratitude a été récemment posée dans le cas d'un adultère aux conséquences dramatiques ...
La jurisprudence apprécie au cas par cas car c'est dans l'exercice du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond qu'il faut se placer.
La gravité des crimes ou délits commis postérieurement à la donation permet d'agir en justice
Présentation des délits et/ou crimes commis postérieurement
L’article 955 du Code civil dispose :
La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :
- Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;
- S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;
- S'il lui refuse des aliments.
Mais encore faut-il que leur montant ne dépasse pas celui de la donation.
- 1ère Civ, 9 janvier 2008, pourvoi N°06-20.108 [1]
Mais attendu qu'il résulte de l'article 955 du code civil que la révocation d'un acte de donation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour des faits commis par le donataire postérieurement à sa réalisation .
Le cas du suicide du mari vexé par l’adultère de sa seconde épouse peut constituer une injure grave
- Cass 1ère Civ, 25 octobre 2017 pourvoi N° 16-21-136 [2]
Il a été jugé qu'une infidélité commis par une belle-mère avec un ami intime d'un couple pouvait constituer une injure grave. au sens de l'article 955 du code civil car cela avait alimenté rumeurs et ragots dans le village où les amants vivaient et le fait que le mari, très attaché à sa femme qui avait vécu douloureusement la détérioration de ses relations conjugales s'était sucidé
Les juges ont admis la demande de révocation de la donation au dernier vivant dont bénéficiait la belle-mère.sur demande des fils du défunt.
La question souveraine de l'appréciation de l'injure grave
- 1 ere Civ, 4 mars 2015 pourvoi N°14-13329 [3]
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Sur le rejet d’une demande de révocation pour cause d’ingratitude d’une donation portant sur la nue-propriété d'un bien immobilier .
Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, estimé que, compte tenu des relations des parties résultant notamment du manque d'affection de la mère pour la fille, l'attitude injurieuse de cette dernière ne justifiait pas la révocation de la donation ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Le délai de l’action judiciaire.
Article 957 du code civil
La demande en révocation pour cause d'ingratitude devra être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur.
Cette révocation ne pourra être demandée par le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l'action n'ait été intentée par le donateur, ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit.
- 1ere Civ, 1er février 2012, pourvoi N°10-27276[4] rappelle que:
"le délai de prescription de l'action en révocation de donation pour cause d'ingratitude, édicté par l'article 957, alinéa 1er, du code civil n'est susceptible ni de suspension, ni d'interruption"
- 1re Civ, 20 mai 2009, pourvoi N° 08-14.761 [5]
Viole ce texte, par fausse application, la cour d'appel qui refuse de considérer comme tardive une action en révocation pour ingratitude intentée plus d'un an après le délit imputé au donataire, aux motifs que le point de départ du délai d'un an est nécessairement repoussé s'agissant d'un fait d'ingratitude qui s'est prolongé dans le temps, dès lors qu'il est reproché au donataire d'avoir engagé puis maintenu une action en justice en expulsion de la donatrice et de son époux et que ces faits n'ont pas cessé, alors que l'action aux fins d'expulsion intentée par la donataire avait un caractère instantané.
Que restituer si l'action aboutit ?
Article 958 du code civil
La révocation pour cause d'ingratitude ne préjudiciera ni aux aliénations faites par le donataire, ni aux hypothèques et autres charges réelles qu'il aura pu imposer sur l'objet de la donation, pourvu que le tout soit antérieur à la publication, au bureau des hypothèques de la situation des biens, de la demande en révocation.
Dans le cas de révocation, le donataire sera condamné à restituer la valeur des objets aliénés, eu égard au temps de la demande, et les fruits, à compter du jour de cette demande.
Si le bien a été cédé à une tierce personne, cette dernière ne sera pas tenue de le restituer, mais le donateur sera en droit de se faire indemniser par son donataire jugé « ingrat ».