Les exceptions de procédure dans le cadre du divorce : les exceptions d'incompétence et de litispendance (fr)

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Par : par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo — édition privée

Lire aussi > Les exceptions de procédure dans le cadre du divorce : les exceptions dilatoires et de nullité (fr)

La Commission "Droit de la famille" du barreau de Paris, sous la responsabilité de Madame Hélène Poivey- Leclercq, ancien membre du conseil de l'Ordre, organisait le 2 février 2016, une réunion sur le thème "Les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir dans le cadre du divorce", animée par Aurélie Torchet et Graciane Païtard. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver, dans un premier temps, le compte-rendu de cette réunion se rapportant aux exceptions de procédure dans le cadre du divorce (avant de retrouver, dans un second temps, le compte-rendu relatif aux fins de non recevoir dans le cadre du divorce (1)).


La question de la procédure est assez rarement évoquée en droit de la famille, alors que cette matière intéresse les praticiens au premier plan. Tout particulièrement dans le cadre du divorce, où le contentieux reste important, malgré la volonté croissante du législateur de recourir en priorité à la voie négociée. A l'ère de la promotion des modes de règlement amiable des litiges, le sujet traité peut sembler à contre-courant, mais il n'est pas sans intérêt. On le sait, le non-respect des règles procédurales peut engager la responsabilité des avocats. En défense, quatre voies sont ouvertes au plaidant : la défense au fond ; la demande reconventionnelle ; l'exception de procédure, qui permet de discuter de la régularité de la procédure ; la fin de non-recevoir, qui vise à contester l'action elle-même. Ces deux derniers moyens de défense constituent le coeur du sujet ici traité.

Il convient avant tout de définir brièvement ces notions procédurales. Concernant l'exception de procédure, l'article 73 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1290H4K) la définit comme "tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours". Le Code de procédure civile en énonce cinq catégories : l'exception d'incompétence ; l'exception de litispendance ; l'exception de connexité ; l'exception dilatoire et l'exception de nullité. A priori, cette liste donnée par le code n'est pas limitative, mais la présente intervention se limitera à celle-ci, à quelques exceptions près. Il est important de souligner que les exceptions de procédure doivent en principe être invoquées toutes simultanément, et in limine litis, soit avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. A défaut, le moyen est irrecevable. Il existe toutefois des tempéraments à cette règle.

Quant à la fin de non-recevoir, elle constitue un autre moyen d'éluder le débat au fond. L'article 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47) précise que "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée". Là encore, l'énumération du législateur n'est pas limitative et n'épuise pas la liste des fins de non-recevoir, dont on trouve des exemples importants dans le droit de la famille. Les fins de non-recevoir peuvent en principe être soulevées en tout état de cause, contrairement aux exceptions de procédure.

Il ne s'agit pas ici de traiter de manière exhaustive de l'ensemble des exceptions de procédure et fins de nonrecevoir, tant la matière est vaste et souvent confuse, mais avant tout de rappeler des règles procédurales et d'en donner des applications concrètes en matière de divorce.


Première partie : les exceptions de procédure (1/2) Sur les exceptions dilatoires et de nullité (lire Les exceptions de procédure dans le cadre du divorce (2/2) N° Lexbase

N1781BWU).

Les exceptions d'incompétence

L'exception d'incompétence est le moyen par lequel il est soutenu que la juridiction n'est pas compétente soit en raison de la matière soit territorialement.

Dans cette partie, il ne s'agit pas d'identifier les règles de compétences en matière de divorce, mais d'examiner les sanctions des règles de compétence. Les incidents de compétence sont soumis au droit commun des articles 74 (N° Lexbase : L1293H4N) et suivants du Code de procédure civile ; ils prennent la forme d'une exception d'incompétence soulevée à l'initiative du défendeur ou d'un relevé d'office par le juge de son incompétence.

Exception d'incompétence soulevée à l'initiative du défendeur

Exception d'incompétence en droit interne

Rappel des règles de compétence

En droit interne, l'exception d'incompétence est soulevée par le défendeur qui prétend que la juridiction saisie est incompétente soit en raison de la nature de l'affaire soit en raison de la situation géographique du tribunal. En matière de divorce, il existe peu de contentieux sur la nature de l'affaire puisqu'en vertu des dispositions de l'article L. 213-3 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L7200IMM), le juge délégué aux affaires familiales a compétence exclusive pour statuer sur le divorce et ses conséquences. L'exception d'incompétence est donc le plus souvent soulevée en raison de la compétence territoriale du juge, laquelle est fondée sur l'article 1070 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1457H4Q), qui prévoit que "le juge aux affaires familiales territorialement compétent est :

— le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ;
— si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ;
— dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure. En cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des parties, celui du lieu où réside l'une ou l'autre.

Toutefois, lorsque le litige porte seulement sur la pension alimentaire, la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, la contribution aux charges du mariage ou la prestation compensatoire, le juge compétent peut être celui du lieu où réside l'époux créancier ou le parent qui assume à titre principal la charge des enfants, même majeurs. La compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour de la demande ou, en matière de divorce, au jour où la requête initiale est présentée".

A noter que, pour le critère fondé sur la résidence, la jurisprudence retient que c'est le lieu où la personne demeure de manière stable et habituelle (CA Amiens, 16 janvier 1979, JCP 1979). Selon la Cour de cassation, il suffit que l'époux habite réellement dans la ville où il présente sa requête (Cass. civ. 1, 16 mars 1999, n˚ 97-12.401 N° Lexbase : A6958CH8).

Il faut savoir également que seule l'inscription des enfants à l'école ne suffit pas à attribuer à la résidence un caractère de stabilité (CA Douai, 15 novembre 1990, n˚ 372/90 N° Lexbase : A9227QD4 ; Cass. civ. 1, 13 mai 2015 n˚ 15-10.872 N° Lexbase : A8832NHL) ; en revanche, il a été admis que, lorsqu'un époux ayant la charge complète d'un enfant le confie à un tiers, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se situait le domicile de l'époux, même si le tiers habite dans un autre ressort. Enfin, dans la mesure où les règles de compétence territoriale édictées par l'article 1070 du Code de procédure civile sont d'ordre public, les parties ne sauraient valablement élire domicile chez leur conseil pour faire choix d'une juridiction à leur convenance (TGI Lille, JAF, 5 mai 2000, D., 2001). S'agissant du "lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure", si l'époux qui n'a pas pris l'initiative du divorce ne dispose pas d'un domicile connu lors du dépôt de la requête initiale, il n'est pas fondé à soulever l'incompétence du tribunal du lieu de résidence du demandeur (CA Nancy, 11 février 1991, n˚ 307/91).

En cas de demande conjointe, cela ne pose pas de difficulté, il s'agit du domicile de l'un ou l'autre.

En cas de changement de résidence, la compétence territoriale est déterminée par la résidence au jour où la requête initiale est présentée (Cass. civ. 2, 29 octobre 1980, n˚ 79-11.918 N° Lexbase : A4900CKP, Bull. civ. II, n˚ 224). Quand l'exception d'incompétence doit-elle être soulevée ?

L'exception d'incompétence doit être soulevée, à peine d'irrecevabilité, simultanément avec les autres exceptions de procédure et avant toute défense au fond et fin de non-recevoir in limine litis, conformément aux dispositions de l'article 74 du Code de procédure civile.

Audience tentative de conciliation

L'article 1110 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1628H43) énonce que, lors de l'audience de tentative de conciliation, le juge statue d'abord sur la compétence s'il y a lieu. La Cour de cassation en a déduit clairement que l'exception d'incompétence doit être invoquée devant le juge aux affaires familiales, avant toute tentative de conciliation, en particulier l'exception d'incompétence territoriale (Cass. civ. 1, 9 janvier 2007, n˚ 06-10.871, F-P+B N° Lexbase : A4840DTG).

La procédure de tentative de conciliation étant une procédure orale, la Cour de cassation a été amenée à préciser que le défendeur est recevable à soulever un tel moyen pendant l'audience avant toute référence à ses prétentions au fond, quand bien même des conclusions écrites invoquant des moyens de fond auraient été déposées avant l'audience (Cass. civ. 2, 1er octobre 2009, n˚ 08-14.135, F-P+B N° Lexbase : A5814ELW ; revirement de jurisprudence important par rapport à Cass. civ. 2, 6 mai 1999, n˚ 96-22.143 N° Lexbase : A3222CGG). C'est donc l'ordre des demandes lors de l'audience qui compte.

A noter, que la règle selon laquelle l'exception d'incompétence doit être présentée in limine litis ne concerne que le premier degré de juridiction (cf. Cass. civ. 2, 8 février 2001 n˚ 98-20.840 N° Lexbase : A3798AR4).

Appel de l'ordonnance de non conciliation

Si le défendeur ne comparaît pas et interjette appel de l'ordonnance de non conciliation, l'exception d'incompétence peut être soulevée devant la cour d'appel. S'il ne relève pas appel de l'ordonnance de non conciliation, il est réputé avoir renoncé à l'exception d'incompétence.

Pour soulever l'exception d'incompétence, il y a lieu de l'indiquer in limine litis dans les conclusions d'appel mais également par conclusions d'incident devant la conseiller de la mise en état (cf. C. pr. civ., art. 771 N° Lexbase : L8431IRP et 907 N° Lexbase : L0389IGI).

Il convient de préciser que, dans le cadre d'une procédure écrite, le fait de s'en rapporter à justice équivaut à une défense au fond qui rend irrecevable un déclinatoire de compétence ultérieur.

Pourvoi en cassation

L'exception d'incompétence est irrecevable si elle a été soulevée pour la première fois devant le Cour de cassation. Comment soulever cette exception d'incompétence ?

Pour soulever une exception d'incompétence, le défendeur à l'obligation de motiver l'exception d'incompétence et de faire connaître la juridiction estimée compétente (C. pr. civ., art. 75 N° Lexbase : L1295H4Q) ; il s'agit donc d'une obligation cumulative.

Lorsque le demandeur jouit d'une option de compétence -hypothèse fréquente en matière de divorce— le défendeur peut citer à son gré seulement l'une des juridictions ou les citer toutes, mais il ne peut procéder à une désignation principale accompagnée d'une désignation subsidiaire, ceci est interdit par l'article 75 du Code de procédure civile (en ce sens, Cass. civ. 1, 15 octobre 1996, n˚ 95-10.234 N° Lexbase : A9030AB3). A noter, que l'article 75 du Code de procédure civile n'exige pas que la juridiction désignée soit celle réellement compétente.

Exception d'incompétence en droit international (droit commun et droit communautaire)

La jurisprudence a décidé qu'il convenait de transposer dans l'ordre international les règles françaises applicables à la compétence interne, en ce sens (Cass. civ. 2, 12 décembre 1973, n˚ 72-14.643 N° Lexbase : A2332CHT : l'arrêt n'est pas en matière de divorce mais il est de portée générale). En effet, le Règlement (CE) n˚ 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n˚ 1347/2000, dit "Bruxelles II bis" (N° Lexbase : L0159DYK), ne précise aucune information sur les exceptions d'incompétence soulevées par le défendeur, c'est donc le droit commun qui s'applique et donc les articles 74 et 75 du Code de procédure civile. Les mêmes règles que le droit interne sont applicables pour le moment où l'exception doit être soulevée pour être recevable. La jurisprudence est constante en ce sens (Cass. civ. 1, 2 février 1982, n˚ 80-16.594 N° Lexbase : A9225QDZ).

De même, le défendeur à l'obligation de motiver l'exception d'incompétence et de faire connaître la juridiction estimée compétente. Il existe toutefois un assouplissement en matière internationale pour désigner le tribunal compétent, puisqu'il suffit au défendeur de préciser l'Etat dans lequel se trouve la juridiction compétente sans avoir à préciser ni sa nature ni sa localisation exacte, il doit cependant donner assez de précisions pour que cette désignation ne fasse pas de doute (Cass. civ. 1, 31 janvier 1990, n˚ 87-18.170 N° Lexbase : A9896AAR, arrêt non spécifique au divorce mais de portée générale).

Afin d'éviter que l'exception d'incompétence soit soulevée par le défendeur, il faut respecter la hiérarchie des règles de compétences lorsque l'on est en présence d'un ou de plusieurs éléments d'extranéité.

Il faut tout d'abord regarder si une norme internationale est applicable :

— soit l'article 3 du Règlement "Bruxelles II bis" qui pose une liste de rattachements qui sont à la fois alternatifs et non hiérarchisés (Cass. civ. 1, 24 septembre 2008 n˚ 07-20.248 N° Lexbase : A4969EAB) ; attention, le Règlement "Bruxelles II bis" n'a pas un caractère universel pour les Etats tiers (en ce sens, Cass. civ. 1, 9 septembre 2015, n˚ 11-12.621, F-D N° Lexbase : A3506IUE), il faut donc appliquer les règles de compétence internationale en présence d'un Etat tiers ;
— soit une convention bilatérale (il faut regarder sur le site du ministère des Affaires étrangères. A noter que souvent les anciennes colonies françaises ont une convention bilatérale avec la France) ex. : Convention bilatérale francomarocaine du 10 août 1981.
– Dans la négative, il y aura lieu de mettre en oeuvre les règles de compétence territoriale interne figurant à l'article 1070 du Code de procédure civile (évoquées supra).
– Ce n'est que subsidiairement, et seulement si ces dernières ne permettent pas de fonder la compétence des tribunaux français que pourront alors être invoqués les privilèges de juridiction des articles 14 (N° Lexbase : L3308AB7) et 15 (N° Lexbase : L3310AB9) du Code civil. Les juridictions françaises sont compétentes lorsque le demandeur ou le défendeur est français. Cette compétence était exclusive, cependant, la Cour de cassation a décidé que l'article 15 (Cass. civ. 1, 23 mai 2006, n˚ 04-19.099, F-P+B N° Lexbase : A6752DPR) et l'article 14 (Cass. civ. 1, 22 mai 2007, n˚ 04-14.716, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4818DWD) sont au contraire d'application facultatives et que, par conséquent, la compétence des juridictions françaises n'est plus exclusive. Attention : en matière de divorce, le Règlement "Bruxelles II bis" écarte, en principe, le privilège de juridiction. Mais de manière exceptionnelle, les tribunaux français peuvent retrouver leur compétence fondée sur les articles 14 et 15 du Code civil (Cass. civ. 1, 30 septembre 2009, n˚ 08-19.793, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5943ELP et Cass civ. 1, 25 septembre 2013, n˚ 12-16.900, F-D N° Lexbase : A9239KLR).

Course à la juridiction

Les différents choix de juridiction qui s'offrent ainsi aux époux en vertu de ces textes conduisent souvent les parties à "une course à la juridiction", afin de saisir celle qui pourrait lui être la plus favorable. Le Règlement "Bruxelles II bis" et la jurisprudence française posent donc des règles afin d'indiquer quand la juridiction est réputée saisie.

Il résulte de la jurisprudence française qu'en matière de divorce, la saisine a lieu au moment du dépôt de la requête en divorce (Cass. civ. 1, 11 juillet 2006, deux arrêts, n˚ 04-20.405, FS-P+B N° Lexbase : A4344DQX et n˚ 05-19.231, FS-P+B N° Lexbase : A4636DQR). Cependant, la Cour de cassation a ajouté une condition en précisant que la requête initiale doit avoir été suivie d'une assignation en divorce dans le délai de trente mois prévu par l'article 1113 du Code de procédure civile (Cass. civ. 1, 26 juin 2013, n˚ 12-24.001, F-D N° Lexbase : A3059KI7).

Il résulte de l'article 16 du Règlement "Bruxelles II bis" que ce ne sont donc pas les règles procédurales nationales qui décident du moment de la saisine mais les règles issues du droit de l'Union. Ce système, destiné à assurer une uniformité dans l'espace judiciaire européen, ne semble pas remettre en cause la solution française. Afin de s'assurer que le juge français soit saisi, il convient de faire horodater la requête en divorce lors du dépôt, à côté du tampon du greffe, afin d'être en mesure d'apporter la preuve de la saisine en premier en cas de litispendance (en ce sens, Cass. civ. 1, 11 juin 2008, n˚ 06.20.042, FS-P+B+I N° Lexbase : A0526D9D : la preuve peut être apportée par tout moyen par chacun des époux).

Exception d'incompétence soulevée d'office par le juge

En droit interne

Le juge délégué aux affaires familiales peut (c'est une simple faculté) se déclarer d'office incompétent dans les conditions de l'article 92 (N° Lexbase : L1339H4D) (incompétence d'attribution) ou 93 (N° Lexbase : L1344H4K) (incompétence territoriale) du Code de procédure civile. A noter que, lorsque le tribunal entend se déclarer incompétent, les parties doivent être appelées à présenter leurs observations (C. pr. civ., art. 14 N° Lexbase : L1131H4N à 17 : règles du contradictoire) (en ce sens, CA Besançon, ch. civ. 1, 6 septembre 1994, n˚ 744/94 N° Lexbase : A9226QD3).

Il convient donc de distinguer les exceptions d'incompétence d'attribution et territoriale.

Incompétence d'attribution

Selon l'article 92 du Code de procédure civile "l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas. Devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française".

Ces règles sont applicables en matière de divorce dans la mesure où l'on admet que la compétence d'attribution du juge délégué aux affaires familiales est d'ordre public. L'exemple le plus commun serait si un demandeur saisissait un autre juge que le juge délégué aux affaires familiales d'une demande en divorce ou saisissait le tribunal d'instance au lieu du tribunal de grande instance. Même si le juge ne dispose que d'une faculté, il est quasi certain qu'un juge autre que celui délégué aux affaires familiales saisi d'une requête en divorce se déclarera incompétent d'office, compte tenu de la compétence exclusive du juge délégué aux affaires familiales. Il est d'ailleurs probable que le greffe fasse le tri avant même que le juge ne puisse se déclarer d'office incompétent.

Incompétence territoriale

L'article 93 du Code de procédure civile énonce qu'"en matière gracieuse, le juge peut relever d'office son incompétence territoriale. Il ne le peut, en matière contentieuse, que dans les litiges relatifs à l'état des personnes, dans les cas où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction ou si le défendeur ne comparaît pas". Or, le divorce touche à l'état des personnes (CA Paris, 23 septembre 1988, D., 1988, inf. rap., p. 252 ; TGI Toulouse, 6 janvier 1977, JCP éd. G, 1977, II, 18 729, R. Lindon). En conséquence, si le demandeur saisit un juge sans respecter les règles de compétences posées par l'article 1070 du Code de procédure civile, le juge pourra d'office soulever son incompétence.

Il faut bien noter que ces dispositions ouvrent une simple faculté pour le juge qui n'est pas tenu de relever d'office son incompétence (Cass. civ. 2, 19 février 1986, n˚ 84-13.589 N° Lexbase : A3069AAW, JCP éd. G, 1986, IV, 118, Bull. civ. I, n˚ 22).

En droit international (droit commun et Règlement "Bruxelles II bis")

Contrairement au droit interne, en matière internationale, le juge doit (c'est une obligation) vérifier si l'absence de contestation par les parties de la compétence ne correspond pas à une prorogation implicite de compétence (Règlement "Bruxelles II bis", art. 17). Toutefois, lorsque le Règlement "Bruxelles II bis" n'est pas applicable, c'est

le droit commun qui s'applique et donc le juge n'a plus qu'une faculté de soulever d'office son incompétence. Sont donc exclusivement abordées ici les règles posées par le Règlement "Bruxelles II bis" puisque dans les autres cas, ce sont les règles de droit commun déjà exposées qui s'appliquent.

Vérification par le juge de sa compétence

L'article 17 du Règlement "Bruxelles II bis" pose une obligation pour le juge de se déclarer d'office incompétent lorsque sa compétence n'est pas fondée au regard des dispositions du Règlement et qu'en revanche les tribunaux d'un autre Etat membre sont compétents en vertu des dispositions du Règlement. Ceci implique pour le juge l'obligation de vérifier, d'office, sa propre compétence (en ce sens, Cass. civ. 1, 22 février 2005, n˚ 02-20.409, FS-P+B N° Lexbase : A8579DGT).

Lorsqu'aucune disposition du Règlement ne donne compétence ni à un tribunal français, ni à un tribunal d'un Etat membre, le juge français peut appliquer les règles de droit conventionnel et de droit commun, conformément à l'article 14 du Règlement.

Vérification par le juge de la recevabilité de l'action

En vertu de l'article 18 du Règlement "Bruxelles II bis", le juge doit vérifier la recevabilité de l'action lorsque le défendeur réside dans un autre Etat membre et ne comparaît pas. Le tribunal doit alors surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n'est établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent en temps utile afin de pourvoir à sa défense ou que toute diligence a été faite à cette fin. L'article 18 du Règlement "Bruxelles II bis" est assez complet et indique les règlements et conventions applicables en la matière. Conseils pratiques : au vu de ces informations, il apparaît essentiel de bien justifier dans la requête en divorce, qu'elle soit conjointe ou contentieuse, les règles de compétence en vertu desquelles l'on saisit le juge Français afin qu'il ne relève pas d'office son incompétence. Dès qu'il existe un élément d'extranéité, il faut indiquer sur quel fondement est fondée la compétence du juge saisi. A défaut, le juge risque de renvoyer l'affaire et de demander une justification de sa compétence dans les écritures. En effet, comme il s'agit d'une obligation pour le juge (dans le cadre du Règlement "Bruxelles II bis") et non d'une faculté, le juge demande des développements sur la compétence pour être en mesure de vérifier d'office sa compétence. Même si ce n'est qu'une faculté (pays hors UE) les juges font aujourd'hui très attention aux règles de compétence et demandent systématiquement que les parties justifient de la compétence territoriale du juge.

Attention il existe plusieurs règles de compétence à reprendre dans le cadre d'une procédure de divorce puisque le divorce regroupe trois domaines de compétences : compétence du tribunal pour prononcer le divorce ; compétence du tribunal pour statuer sur les conséquences financières ; compétence du tribunal pour statuer sur les mesures relatives aux enfants.

Effets du jugement de l'exception d'incompétence

La juridiction dont la compétence est contestée se prononce sur l'exception suivant la procédure applicable devant ladite juridiction (C. pr. civ., art. 749 N° Lexbase : L6963H7Z).

— Si le JAF se déclare incompétent : il doit désigner la juridiction qu'il estime compétente, cette désignation s'imposant aux parties et au juge de renvoi, conformément à l'article 96 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1352H4T).

— Si le juge se reconnaît compétent : il peut alors dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige (C. pr. civ., art. 95 N° Lexbase : L1350H4R), sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond (C. pr. civ., art. 76 N° Lexbase : L1298H4T).

— Obligation de conclure sur le fond et la compétence (C. pr. civ., art. 77 N° Lexbase : L1300H4W) : lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le tribunal doit dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes.

— La décision d'exception a autorité de chose jugée sur la question de fond (C. pr. civ., art. 95 N° Lexbase : L1350H4R).

Voies de recours contre une décision d'incompétence

Le principe est que l'appel n'est recevable que si, dans un même jugement, le tribunal s'est déclaré compétent et a

statué sur le fond du litige (C. pr. civ., art. 78 N° Lexbase : L1302H4Y).

En matière de divorce, comme il a été indiqué supra, le juge conciliateur a le pouvoir de statuer sur les exceptions d'incompétence ; le Code de procédure civile organise donc un régime spécial à l'article 98 Code de procédure civile (N° Lexbase : L1356H4Y) qui énonce que "la voie de l'appel est seule ouverte contre les ordonnances de référé et contre les ordonnances du juge conciliateur en matière de divorce ou de séparation de corps". L'appel est ouvert quelle que soit la décision du juge, ce dernier se déclarant incompétent ou compétent (Cass. civ. 2, 14 décembre 1992, n˚ 91-17.352 N° Lexbase : A5956AH3).

Les exceptions de litispendance

La litispendance est définie en droit français par l'article 100 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1362H49) : c'est lorsque le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré qui sont compétentes pour en connaître. L'objet de l'exception de litispendance ne tend pas à faire déclarer l'instance irrégulière ou éteinte, mais d'éviter que deux juridictions différentes statuent sur le même litige et entre les mêmes parties. Son objet est donc d'obtenir que l'une des juridictions se dessaisisse au profit de l'autre, de façon à éviter une contradiction de jugement. Afin d'examiner cette exception, nous verrons d'abord quand, par qui et comment les différents cas d'exception de litispendance en droit interne, droit international et droit communautaire peuvent être soulevées, puis nous verrons brièvement les effets du jugement de l'exception et les voies de recours.

Quand peut être soulevée l'exception de litispendance ?

Comme en matière d'exception d'incompétence, l'article 74 du Code de procédure civile prévoit que l'exception de litispendance doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et simultanément aux autres exceptions. En matière de divorce, c'est donc au stade de la tentative de conciliation et à défaut de comparution en appel. Le juge conciliateur a donc le pouvoir de régler définitivement les exceptions de compétence (Cass. civ. 1, 19 septembre 2007, n˚ 06-20.208, FS-P+B N° Lexbase : A4339DYD, arrêt relatif à l'exception de litispendance).

Par qui peut être soulevée l'exception de litispendance ?

Contrairement à l'exception d'incompétence, le renvoi pour litispendance peut être demandé par l'une ou l'autre des parties. Le juge peut (simple faculté) également soulever d'office le moyen tiré de la litispendance. Lorsque les deux juridictions saisies sont de même degré, le moyen doit être proposé devant la juridiction saisie en second lieu qui est tenue de se dessaisir au profit de l'autre. Si les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l'exception de litispendance ne peut être soulevée que devant la juridiction de degré inférieur (CA Metz, 1ère ch. civ., 16 mai 2002, n˚ 01/01 825 N° Lexbase : A9228QD7). Cette règle s'applique même si la saisine de la juridiction de degré inférieur est antérieure en date (C. pr. civ., art. 102 N° Lexbase : L1368H4G).

Les différents cas d'exception de litispendance en droit interne

En droit interne, l'exception de litispendance est définie sans être nommée par l'article 100 du Code de procédure civile. La litispendance emporte, lorsque deux juridictions sont saisies du même litige dans le même temps, obligation pour la seconde juridiction de se dessaisir au profit de la première.

La situation de litispendance sera caractérisée, si trois conditions sont réunies :

— un même litige (identité de parties et identité d'objet et de fondement de la demande, sachant que la Cour de cassation est assez restrictive : Cass. civ. 2, 23 juin 1982 n˚ 81-11.700 N° Lexbase : A7185CIX, Bull. civ. II, n˚ 93) ;

— pendant devant des juridictions distinctes ;

— lesquelles sont toutes compétentes pour trancher le litige.

En matière de divorce, afin que l'exception de litispendance soit reconnue, il faut que deux juridictions distinctes aient été saisies d'une requête en divorce ; comme il a déjà été évoqué, le dépôt de la requête en divorce au greffe suffit pour que la juridiction soit saisie. En conséquence : si deux instances ne sont pas engagées, il n'y a pas litispendance ; il n'y a pas non plus dualité d'instances si l'instance préalablement engagée se trouve terminée au jour où la seconde instance est formée (ex. : dans l'hypothèse où un jugement de divorce aurait d'ores et déjà été prononcé, nous reviendrons plus tard sur ce cas de figure).

Les exceptions de litispendance sont régulièrement soulevées en matière de divorce et particulièrement en matière de divorce international. Elles sont la conséquence logique des courses à la juridiction (cf. supra).

Le droit commun de la litispendance internationale

Une situation de litispendance internationale suppose que le juge français, compétent selon la loi française, a été saisi en second d'une instance entre les mêmes parties ayant le même objet et la même cause que celle qui a été engagée devant le juge étranger qui a retenu sa compétence selon sa propre loi de compétence directe. Avant 1974, la Cour de cassation considérait que les exceptions de litispendance ne devaient pas être admises par les tribunaux français lorsqu'elles tendaient à les dessaisir au profit d'une juridiction étrangère, que la saisine de celle-ci soit postérieure ou antérieure à celle de la juridiction française. Un important revirement s'est produit en 1974, par deux arrêts où l'exception de litispendance internationale a été admise par la Cour de cassation pour la première fois et où la Cour a transposé l'article 100 du Code de procédure civile en matière internationale en ajoutant un quatrième critère, à savoir que le jugement étranger soit susceptible d'être reconnu en France (Cass. civ. 1, 25 juin 1974, n˚ 73-12.452 N° Lexbase : A9665CIS ; Cass. civ. 1, 26 novembre 1974, n˚ 73-13.820 N° Lexbase : A1277CKI). Comme en droit interne, le juge n'a donc qu'une faculté de soulever l'exception de litispendance.

Attention, le droit commun de la litispendance internationale ne s'applique que lorsque l'une des juridictions saisies n'est pas celle d'un Etat membre de l'Union européenne (à l'exception du Danemark qui n'est pas un Etat membre au sens du Règlement "Bruxelles II bis") ou s'il n'existe aucune convention bilatérale entre les deux pays des tribunaux saisis. Il faut rappeler, en effet, que le Règlement "Bruxelles II bis" n'a pas un caractère universel. Comme déjà évoqué, en matière de divorce la recevabilité de l'exception de litispendance est soumise à l'appréciation souveraine du juge du conciliateur, en ce sens (Cass. civ. 1, 19 septembre 2007, n˚ 06-20.208, précité). Pour être déclarée recevable, l'exception de litispendance internationale requiert donc quatre conditions : l'existence de deux demandes pendantes ; devant des juridictions compétentes ; une identité de litige (entre les mêmes parties et dont l'objet et la cause sont identiques) ; le jugement étranger doit être susceptible d'être reconnu en France.

Vérification de l'existence de deux demandes pendantes

Pour la date de la saisine en France, il faut retenir la date du dépôt de la requête en divorce et non la date de l'assignation (Cass. civ. 1, 11 juillet 2006, n˚ 05-19.231, FS-P+B N° Lexbase : A4636DQR ; Cass. civ. 1, 11 juin 2008 n˚ 06-20.042, FS-P+B+I N° Lexbase : A0526D9D). D'où l'importance de faire horodater sa requête par le greffe en cas de course à la juridiction.

Vérification de la compétence des juridictions concurremment saisies

Le juge doit vérifier que le tribunal du for et le tribunal étranger sont tous deux compétents, en ce sens (Cass. civ. 1, 24 octobre 2012, n˚ 11-25.278, F-D N° Lexbase : A0709IW8). La compétence du tribunal français est contrôlée au regard des règles de compétence directe ; alors que la compétence du tribunal étranger est contrôlée au regard des règles de compétence indirecte (fameux arrêt "Simitch", Cass. civ. 1, 6 février 1985, n˚ 83-11.241 N° Lexbase : A0251AHR). Cet arrêt pose les trois critères de la compétence indirecte : il faut que le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi ; il ne faut aucune compétence exclusive du juge ; il ne faut pas que la juridiction ait été choisie frauduleusement.

S'agissant du deuxième critère, il faut rappeler qu'en droit français, il n'y a désormais plus de compétence exclusive en matière de divorce :

— ni en vertu de l'article 1070 du Code de procédure civile (depuis l'arrêt "Simitch"), donc lorsque la compétence française repose sur ce texte, il est possible d'admettre le jeu de l'exception de litispendance au profit d'un tribunal étranger (Cass. civ. 1, 15 juin 1994, n˚ 92-22.111 N° Lexbase : A3981ACG) ;
— ni en vertu de l'article 14 du Code civil (depuis l'arrêt Cass. civ. 1, 22 mai 2007 n˚ 04-14.716, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4818DWD) ;
— ni en vertu de l'article 15 du Code civil (depuis l'arrêt "Prieur" : Cass. civ. 1, 23 mai 2006 n˚ 04-12.777, FSP+ B+R+I N° Lexbase : A6654DP7 ; dans le même sens, Cass. civ. 1, 1er décembre 2010, n˚ 09-70.132, F-P+B+I N° Lexbase : A4105GMY).

Vérification que c'est bien le même litige

Quelques points spécifiques au divorce doivent être mentionnés en ce qui concerne l'identité de parties, ainsi que l'identité d'objet et de cause. S'agissant de l'identité de parties, il faut savoir qu'elle est également remplie même si les parties n'ont pas les mêmes positions procédurales dans les deux instances. S'agissant de l'identité d'objet et de cause, il faut préciser que la jurisprudence est assez restrictive et n'admet pas si facilement l'exception si l'objet n'est pas exactement le même (exemple d'une demande en divorce pour faute formée en France, qui n'avait pas la même cause qu'une demande en divorce par volonté unilatérale formée à l'étranger, CA Paris, 24 novembre 1977 ; cette solution est sans aucun doute condamnable car elle aboutit en réalité à nier toute possibilité de litispendance internationale puisque les systèmes juridiques en présence seront toujours différents).

Il y a cependant des cas où les juridictions françaises ont accueilli l'exception de litispendance quand deux demandes en divorce étaient pendantes (CA Paris, 1ère ch., 24 mai 1983 ; Cass. civ. 1, 6 décembre 2005, n˚ 03- 17.542, FS-P+B N° Lexbase : A9123DLH ; Cass. civ. 1, 21 mai 1997, n˚ 95-15.213 N° Lexbase : A0502ACL ; Cass. civ. 1, 17 juin 1997, n˚ 95-17.031 N° Lexbase : A0583ACL ; Cass. civ. 1, 17 juin 2009, n˚ 08-12.456, précité). 2.4.4. Décision étrangère susceptible d'être reconnue en France Pour rappel, la jurisprudence pose quatre critères à respecter pour que le jugement puisse être reconnu en France (Cass. civ. 1, 7 janvier 1964, n˚ 62-12.438, "Munzer" N° Lexbase : A1009AUW ; Cass. civ. 1, 4 octobre 1967, n˚ 66- 10.294, "Bachir" N° Lexbase : A3124DR7 ; Cass. civ. 1, 20 février 2007, n˚ 05-14.082, "Cornelissen" N° Lexbase : A2537DUI) :

1 — le juge étranger doit être compétent en vertu des règles de la compétence indirecte (cf. supra) ;
2 — l'absence de fraude à la loi (exemple : arrêt "Princesse de Bauffremont" 18 mars 1878) ;
3 — le respect de l'ordre public de fond (exemple : cas de répudiation, en ce sens : Cass. civ. 1, 23 février 2011, n˚ 10-14.101, F-P+B+I N° Lexbase : A4670GXA, Bull. civ. I, n˚ 33) ;
4 — le respect de l'ordre public procédural et notamment le respect des droits de la défense (par exemple lorsque le défendeur est irrégulièrement cité).

Application des conventions bilatérales

Lorsqu'il existe une convention bilatérale avec l'autre juridiction saisie, le juge doit en tenir compte (il convient donc de se rendre sur le site du ministère des Affaires étrangères pour vérifier s'il existe une convention) ; deux arrêts récents de la Cour de cassation illustrent la mise en oeuvre des dispositions des conventions bilatérales en matière de reconnaissance des décisions étrangères (Cass. civ. 1, 3 décembre 2014, n˚ 13-26.548, FS-P+B N° Lexbase : A0565M73 concernant la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 ; Cass. civ. 1, 11 février 2015, n˚ 13-25.572, F-P+B N° Lexbase : A4294NBN concernant la Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949).

Traitement de la litispendance internationale par le Règlement "Bruxelles II bis" (art. 19)

Pour être accueillie, l'exception de litispendance doit remplir seulement deux conditions :

1. il faut que deux juridictions d'Etat membre soient saisies (le Règlement se contente d'exiger que deux juridictions relevant des Etats membres soient saisies. Ainsi, contrairement au droit commun, il n'est pas exigé que les tribunaux soient compétents pour faire jouer l'exception de litispendance) ;
2. et seulement une identité de parties et non d'objet.
En effet, l'identité d'objet et de cause n'est pas requise. Il est apparu en effet qu'il fallait admettre qu'il y avait une "quasi-litispendance" lorsqu'un époux demande le divorce devant un tribunal d'un Etat membre et que son conjoint agit en séparation de corps ou en nullité de mariage. Toutefois, la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit qu'il n'y avait pas litispendance au sens du Règlement "Bruxelles II bis" lorsque la juridiction première saisie ne l'était que pour des mesures provisoires (CJUE, 9 novembre 2010, aff. C-296/10 N° Lexbase : A2074GEK ; il s'agissait de mesures à l'égard d'enfants mais la même solution s'appliquerait pour des mesures provisoires concernant les époux).
En cas de litispendance communautaire, l'article 19 du Règlement prévoit que la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie. Le cas échéant le juge devra alors se dessaisir. Contrairement au droit commun, il s'agit pour le juge d'une obligation. Ce système, plus rigide que le droit commun, a pour but d'éviter tout risque de déni de justice puisque le juge saisi en second ne pourra décliner sa compétence que si le juge saisi en premier accepte bien la sienne.

En résumé

Dans un cas de litispendance internationale, le juge aux affaires familiales a le pouvoir dans l'ordonnance de nonconciliation de régler définitivement les incidents de compétence (en ce sens, Cass. civ. 1, 19 septembre 2007, n˚ 06-20.208, FS-P+B N° Lexbase : A4339DYD). Le juge conciliateur peut donc apprécier la recevabilité et le bienfondé d'une exception de litispendance. A cette occasion, il sera confronté à la superposition actuelle des sources du droit des conflits de juridictions. Pour statuer sur l'exception de litispendance internationale, il devra mettre en oeuvre :

— soit l'article 100 du Code de procédure civile, tel que transposé dans les rapports internationaux (Cass. civ. 1, 26 novembre 1974, n˚ 73-13.820 N° Lexbase : A1277CKI ; c'est-à-dire qu'il faudra en plus des règles posées par l'article 100 du Code de procédure civile vérifier que la décision à intervenir est susceptible d'être reconnue en France) ;
— soit des règles d'origine conventionnelle (exemple : convention franco-Marocaine 10 août 1981) ; — soit l'article 19 du Règlement "Bruxelles II bis".
L'identification du corps de règles applicables est essentielle car elle conditionne le rôle et le pouvoir d'appréciation du juge. En effet, comme il a été vu précédemment les conditions de recevabilité ne sont pas les mêmes en fonction du corps de règles mis en oeuvre.

Voies de recours et effets du jugement d'exception

Les voies de recours et effets du jugement d'exception sont régis par les dispositions des articles 104 (N° Lexbase : L1374H4N) à 107 du Code de procédure civile. Il faut préciser que, si l'exception de litispendance n'a pas été soulevée ou l'a été tardivement, les deux instances suivent leur cours jusqu'à ce qu'un jugement ait terminé l'une d'elles. Celle des parties à laquelle ce jugement a profité est fondée à s'en prévaloir pour faire rejeter l'autre instance en se fondant sur ce qu'il y a chose jugée, même si ce jugement était frappé d'appel (autrement dit, la chose jugée se substitue à l'exception de litispendance) (ex. : CA Paris, ère ch., sect. C, 22 novembre 2001, n˚ 2000/12 291 N° Lexbase : A9231QDA : lorsqu'un jugement de divorce a été rendu par un juge étranger, aucune exception de litispendance ne peut être soulevée en cas d'introduction postérieure d'une demande en divorce en France ; seule peut être invoquée une éventuelle fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la décision étrangère ; Cass. civ. 1, 30 septembre 2009, n˚ 08-18.769, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5918ELR : le mari français et la femme américaine étaient en instance de divorce ; le mari avait saisi le premier les tribunaux français, puis la femme avait saisi les tribunaux américains. Le jugement américain est rendu et est devenu définitif avant que le juge français statue ; ce jugement, régulier au regard du droit français, est donc reconnu de plein droit en France et la procédure française devient sans objet ; ex. : Cass. civ. 1, 23 juin 2010, n˚ 09-14.807, FS-D N° Lexbase : A3312E33 : lorsque deux litiges ont été définitivement tranchés avant le dépôt de la requête aux fins d'exequatur, il ne peut y avoir lieu à litispendance).