Les exceptions de procédure dans le cadre du divorce : les exceptions dilatoires et de nullité (fr)
France > Droit privé > Droit de la famille > Divorce
Par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo — édition privée
La Commission "Droit de la famille" du barreau de Paris, sous la responsabilité de Madame Hélène Poivey- Leclercq, ancien membre du conseil de l'Ordre, organisait le 2 février 2016, une réunion sur le thème "Les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir dans le cadre du divorce", animée par Aurélie Torchet et Graciane Païtard.
La question de la procédure est assez rarement évoquée en droit de la famille, alors que cette matière intéresse
les praticiens au premier plan. Tout particulièrement dans le cadre du divorce, où le contentieux reste important,
malgré la volonté croissante du législateur de recourir en priorité à la voie négociée. A l'ère de la promotion des
modes de règlement amiable des litiges, le sujet traité peut sembler à contre-courant, mais il n'est pas sans intérêt.
On le sait, le non-respect des règles procédurales peut engager la responsabilité des avocats. En défense, quatre
voies sont ouvertes au plaidant : la défense au fond ; la demande reconventionnelle ; l'exception de procédure, qui
permet de discuter de la régularité de la procédure ; la fin de non-recevoir, qui vise à contester l'action elle-même.
Ces deux derniers moyens de défense constituent le coeur du sujet ici traité.
Il convient avant tout de définir brièvement ces notions procédurales. Concernant l'exception de procédure, l'article 73 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1290H4K) la définit comme "tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours". Le Code de procédure civile en énonce cinq catégories : l'exception d'incompétence ; l'exception de litispendance ; l'exception de connexité ; l'exception dilatoire et l'exception de nullité. A priori, cette liste donnée par le code n'est pas limitative, mais la présente intervention se limitera à celle-ci, à quelques exceptions près. Il est important de souligner que les exceptions de procédure doivent en principe être invoquées toutes simultanément, et in limine litis, soit avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. A défaut, le moyen est irrecevable. Il existe toutefois des tempéraments à cette règle.
Quant à la fin de non-recevoir, elle constitue un autre moyen d'éluder le débat au fond. L'article 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47) précise que "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée". Là encore, l'énumération du législateur n'est pas limitative et n'épuise pas la liste des fins de non-recevoir, dont on trouve des exemples importants dans le droit de la famille. Les fins de non-recevoir peuvent en principe être soulevées en tout état de cause, contrairement aux exceptions de procédure.
Il ne s'agit pas ici de traiter de manière exhaustive de l'ensemble des exceptions de procédure et fins de nonrecevoir, tant la matière est vaste et souvent confuse, mais avant tout de rappeler des règles procédurales et d'en donner des applications concrètes en matière de divorce.
Sur les exceptions de compétence et de litispendance (lire Les exceptions de procédure dans le cadre du divorce
(1/2) N° Lexbase : N1777BWQ).
Les exceptions dilatoires
Les différentes exceptions dilatoires
L'exception dilatoire constitue un moyen de défense par lequel le défendeur demande au juge de suspendre l'instance. Les exceptions dilatoires sont prévues par le Code de procédure civile aux articles 108 (N° Lexbase : L1383H4Y) et suivants.
Aux termes de l'article 108, "le juge doit suspendre l'instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d'un délai pour faire inventaire et délibérer, soit d'un bénéfice de discussion ou de division, soit de quelque autre délai d'attente en vertu de la loi". Cet article est divisé en trois exceptions :
1) délai reconnu à l'héritier pour faire inventaire et délibérer (en droit des successions) ;
2) délai pour évoquer le bénéfice de discussion ou de division (en matière de cautions) ;
3) délai accordé à un plaideur en vertu de la loi : "quelque autre délai d'attente en vertu de la loi" : la dernière formule
est très générale. Toutes les fois que le défendeur bénéficie d'un délai pour adopter une certaine attitude juridique,
exercer une option, il peut invoquer une exception dilatoire.
La liste des exceptions dilatoires n'est donc pas limitative. En effet, le juge sera tenu de surseoir à statuer dès lors qu'un texte législatif l'y obligera.
L'article 109 du Code de procédure civile est prévu en matière de garantie.
L'article 110 du Code de procédure civile dispose que : "le juge peut également suspendre l'instance lorsque l'une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation". Cette exception dilatoire qui permettra d'attendre ce qui sera décidé par la juridiction qui connaît de l'un de ces trois recours.
Aux exceptions textuellement prévues par le Code de procédure civile, s'ajoutent les exceptions dilatoires que la jurisprudence a progressivement identifiées, telles que les questions préjudicielles en vue de saisir le juge administratif
- ou encore la règle "le criminel tient le civil en l'état".
Forme et qualité requises pour soulever les exceptions dilatoires
S'agissant de la forme, en principe, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute dépense au fond ou fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 74 N° Lexbase : L1293H4N). Par dérogation à cette règle, le bénéficiaire du délai pour faire inventaire et délibérer peut ne proposer ses autres exceptions qu'après l'expiration de ce délai (C. pr. civ., art. 111 N° Lexbase : L1388H48). S'agissant de la qualité du requérant, tous les plaideurs en "état de défense" peuvent soulever une exception dilatoire. Sont donc exclues les demandes de suspension sollicitées par le demandeur. Ainsi une demande de sursis à statuer sollicitée par le demandeur ne constitue pas un moyen de défense (catégorie à laquelle appartiennent les exceptions dilatoires). Par conséquent, ce dernier n'est notamment pas soumis aux obligations posées par l'article 74 du Code de procédure civile (in limine litis).
L'exception dilatoire ne peut être soulevée d'office par le juge (jurisprudence appliquée pour article 108 Code de procédure civile, qui a été étendue à l'ensemble des exceptions dilatoires : Cass. soc., 16 novembre 1977, n˚ 76- 40.477 N° Lexbase : A8730AAL).
Conséquence de l'exception dilatoire
Le juge rend une décision de sursis à statuer.
Distinction exceptions dilatoires obligatoires et facultatives
Les articles 108 et suivants du Code de procédure civile conduisent à distinguer les cas dans lesquels l'exception dilatoire invoquée provoque une suspension obligatoire ou facultative de l'instance. Cette distinction est importante puisqu'elle va permettre de savoir en fonction de l'exception dilatoire soulevée si le juge doit obligatoirement suspendre ou s'il bénéfice d'un pourvoir d'appréciation.
- Exceptions obligatoires
Quand les exceptions dilatoires sont soulevées en vertu de l'article 108 du Code de procédure civile, le juge doit suspendre l'instance et ne dispose alors d'aucun pouvoir d'appréciation. Il y a deux types d'exception dilatoire obligatoire : celles de l'article 108 du Code de procédure civile et les questions préjudicielles en vue de saisir le juge administratif.
- Exceptions facultatives
Lorsque le juge civil est amené à statuer sur le bien-fondé d'une exception dilatoire facultative, la jurisprudence lui reconnaît un pouvoir discrétionnaire quant à l'opportunité de suspendre la procédure en cause. C'est notamment le cas pour ce qui concerne les exceptions prévues aux : article 109 Code de procédure civile (N° Lexbase : L1385H43) (Cass. civ. 1, 22 avril 1976, n˚ 74-14.606 N° Lexbase : A5464CI9) ; article 110 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1386H44) (Cass. civ. 2, 4 octobre 2001, n˚ 99-15.576 N° Lexbase : A1518AW7 et Cass. civ. 2, 7 janvier 1998, n˚ 95-19.770 N° Lexbase : A8874CNY) ; et pour la règle "le criminel tient le civil en l'état", en vertu de l'article 4, alinéa 3, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9885IQ8) (Cass. civ. 2, 17 juin 2010 n˚ 09-13.583, FS-P+B N° Lexbase : A0952E3N).
Les exceptions dilatoires dans la procédure de divorce
S'agissant du moment où l'exception doit être soulevée, sont applicables les mêmes règles que pour les exceptions d'incompétence.
En matière de divorce, il existe peu d'exceptions dilatoires, voici toutefois quelques exemples utiles.
1) Les exceptions dilatoires fondées sur les dispositions de l'article 110 du Code de procédure civile : "le juge peut également suspendre l'instance lorsque l'une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation". On pourrait envisager qu'une des parties soulève l'exception dilatoire afin que le juge suspende la procédure si un pourvoi en cassation a été formé à l'encontre de l'ordonnance de non conciliation.
2) Les questions préjudicielles : la question préjudicielle constitue un point de droit devant être jugé avant un autre, dont il commande la solution, mais qui ne peut l'être que par une juridiction autre que celle qui connaît de ce dernier, de sorte que celle-ci doit surseoir à statuer sur le point subordonné, et renvoyer à la juridiction compétente pour en connaître le point devant être jugé en premier. Aujourd'hui, les questions préjudicielles peuvent amener le juge judiciaire à surseoir à statuer afin de saisir : soit le juge administratif ; soit le juge de l'Union européenne ; soit le Conseil constitutionnel. Toutefois, seules les questions en vue de saisir le juge administratif sont des exceptions de procédure, ce qui n'est pas le cas de celles en vue de saisir le juge de l'UE et le Conseil Constitutionnel. Ce point est intéressant en matière de divorce, car des questions sont régulièrement posées sur des points de droit précis au juge de l'UE et au Conseil constitutionnel. Alors pourquoi les questions préjudicielles en vue de saisir juge de l'Union européenne et le Conseil constitutionnel ne sont pas des exceptions de procédure ? Tout simplement pour que ces questions ne soient pas soumises aux règles trop restrictives de l'article 74 du Code de procédure civile. Ainsi, ces questions peuvent être valablement formées en tout état de cause.
3) Règle "le criminel tient le civil en l'état"
Initialement l'article 4 du Code de procédure pénale fondait une exception dilatoire obligatoire, le juge était tenu de surseoir à statuer dès lors que le juge pénal était saisi du même litige. Cette obligation de suspension, génératrice
d'abus par les plaideurs exerçant des actions pénales afin de paralyser les procédures civiles, commerciales et prud'homales, a été dénoncée. Dans le but d'y mettre un terme, la loi du 5 mars 2007 a modifié l'article 4 du Code de procédure pénale en y ajoutant un troisième alinéa. Celui-ci dispose que "la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil".
Voici un exemple où l'exception dilatoire a été admise, en matière de divorce pour faute (Cass. civ. 1, 17 décembre 2008, n˚ 07-20.247, F-D N° Lexbase : A9067EBG, cassation partielle).
Cette exception peut être utile à soulever dans le cadre d'une procédure de divorce, l'issue d'une procédure au pénale à l'encontre de l'un ou l'autre des époux pouvant avoir une réelle influence tant sur le prononcé que sur les conséquences du divorce.
Il ne faut donc pas hésiter à soulever une exception dilatoire, si une instance pénale est en cours. Rappelons toutefois, que le juge ne sera pas tenu de suspendre l'instance puisqu'il s'agit d'une exception facultative.
Portée de la décision de surseoir à statuer
Tout d'abord, la décision suspend l'instance. Ainsi, dès lors qu'elle est favorablement accueillie, une exception dilatoire ne produit aucun effet sur le fond de l'affaire. L'instance est seulement suspendue temporairement pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'il détermine (C. pr. civ., art. 378 N° Lexbase : L2245H4W). Ensuite, la décision a autorité de la chose jugée, en vertu de l'article 480 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6594H7D).
Voies de recours
Les voies de recours peuvent être exercées contre la décision statuant sur une exception dilatoire. Toutefois, le sursis ne provoquant pas l'extinction mais la suspension de l'instance, l'appel à l'encontre de la décision de sursis est possible mais différée à la date de l'extinction de l'instance (C. pr. civ., art. 544 N° Lexbase : L6695H74, 545 N° Lexbase : L6696H77 et 776 N° Lexbase : L7010H7R). Une dérogation est toutefois prévue à l'article 380 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7845I4C), qui dispose qu'un appel immédiat est néanmoins possible à l'encontre d'une décision statuant sur une demande de suspension présentée par le défendeur lorsque le premier président de la cour d'appel l'autorise et qu'il est "justifié d'un motif grave et légitime".
Les exceptions de nullité
Rappel des règles procédurales
Pour rappel, il existe deux catégories d'exception de nullité des actes (actes judiciaires et actes extrajudiciaires) : le vice de forme ; l'irrégularité de fond.
Le vice de forme (C. pr. civ., art. 112 N° Lexbase : L1390H4A à 116), c'est l'omission ou le non-respect d'une règle formelle de rédaction ou de notification d'un acte. Il existe deux principes directeurs : pas de nullité sans texte sauf violation d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; pas de nullité sans grief, étant précisé que le grief ressort à l'appréciation souveraine et in concreto des juges du fond. Le juge prononçant une nullité doit motiver l'existence de ce grief.
L'exception de nullité n'appartient qu'à la partie contre laquelle l'acte a été fait et le juge ne peut soulever d'office la nullité.
L'exception de procédure doit en principe être soulevée in limine litis, c'est-à-dire avant toute défense au fond. Mais pour des raisons évidentes, l'exception de nullité pour vice de forme peut être invoquée au fur et à mesure de l'accomplissement des actes. Mais attention car la nullité est couverte si ont été invoquées, postérieurement à l'acte nul, une défense au fond ou une fin de non-recevoir, avant l'exposé de l'exception de nullité. L'irrégularité de fond (C. pr. civ., art. 117 N° Lexbase : L1403H4Q à 121) affecte l'exercice irrégulier de l'action en justice à savoir : le défaut de capacité d'ester en justice ; le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ; le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. On ne sait pas vraiment si cette liste est limitative, mais il semblerait que oui, d'après Serge Guinchard. Une différence essentielle avec le vice de forme est que la preuve d'un grief n'est pas exigée.
A priori l'exception de nullité pour irrégularité de fond peut être soulevée par les deux parties. Elle ne doit être relevée d'office par le juge que lorsqu'elle est d'ordre public (notamment les règles d'organisation judiciaire). Le juge peut mais n'est pas tenu de relever d'office la nullité pour défaut de capacité d'ester en justice. L'article 118 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8421IRC) prévoit que cette exception de nullité peut être soulevée en tout état de cause, même si des conclusions au fond ont été notifiées. Mais elle doit bien entendu être invoquée avant la clôture de l'affaire.
Il convient d'être vigilant car dans les deux cas d'exception, l'effet de la nullité est l'anéantissement rétroactif de l'acte attaqué et de ceux qui en sont la suite et la conséquence. L'article 698 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6903H7S) prévoit la possibilité pour le plaideur victime de l'acte déclaré nul de solliciter des dommages et intérêts contre l'auxiliaire de justice fautif de l'acte.
Conseils pratiques
S'agissant de l'avocat de la partie contre laquelle l'acte nul a été fait, il doit, dans ses écritures, présenter au juge l'exception de nullité de telle sorte qu'elle puisse être examinée de manière efficace ; autrement dit, il convient d'éviter les formules types, vagues ou banales, qui, sans viser un acte précis, soulèvent la nullité de tout acte pouvant être irrégulier. L'exception de nullité doit être soulevée expressément et comporter toutes les précisions de nature à la faire recevoir. Il faut préciser quel acte est vicié et quelle irrégularité a été commise. Si l'on soulève un vice de forme, il ne faut pas oublier de rapporter la preuve du grief subi par le client et le lien avec le vice allégué. Il convient d'établir qu'il a été empêché ou limité dans ses possibilités de défense.
Par ailleurs, les exceptions de nullité n'ont pas à être présentées dans des conclusions séparées. Mais les écritures doivent chronologiquement soulever d'abord le moyen de nullité, avant les fins de non-recevoir ou la défense au fond (à nuancer pour l'irrégularité de fond car elle peut être soulevée en tout état de cause). Et puisque le juge examine la forme avant le fond, les nullités pour vice de forme doivent être soulevées in limine litis, avant les nullités pour irrégularité de fond, qui sont en principe recevables en tout état de cause (J. Beauchard, Jur. "nullité des actes de procédure"). Et l'on peut conclure subsidiairement au fond.
S'agissant de l'avocat de la partie dans l'intérêt de laquelle l'acte nul a été fait, il faut savoir que la régularisation est possible, le plus souvent en complétant une indication insuffisante ou en refaisant l'acte. Si l'acte a été régularisé avant la forclusion ou la prescription de l'action, la nullité sera couverte, a priori même si elle concerne une formalité substantielle ou d'ordre public. En cas de vice de forme, il ne doit subsister aucun grief.
Applications dans la procédure de divorce
La nullité des actes pour vice de forme
Il s'agit d'examiner ici les nullités, majoritairement textuelles, qui peuvent affecter les principaux actes de la procédure de divorce, en suivant l'ordre chronologique de cette procédure.
– Tentative de conciliation
— Requête en divorce
L'article 58 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1442I8W) prévoit que la requête doit contenir à peine de nullité un certain nombre de mentions obligatoires (1˚ indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ; 2˚ indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ; 3˚ objet de la demande). Cet article a été complété par le décret n˚ 2015-282 du 11 mars 2015 (N° Lexbase : L1333I8U) aux termes duquel il faut désormais préciser dans la requête les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, sauf motif légitime tenant à l'urgence ou matière intéressant l'ordre public. La sanction de ce défaut de mention n'est pas la nullité ; l'article 127 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1452I8B) précise, en effet, que s'il n'est pas justifié de ces mentions, le juge peut seulement proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.
Outre les mentions de droit commun de l'article 58, la requête doit comporter les indications relatives aux organismes sociaux des époux (cf. C. pr. civ., art. 1075 N° Lexbase : L1480H4L), étant précisé que ces mentions ne sont pas exigées à peine d'irrecevabilité, mais de nullité pour vice de forme (Cass. civ. 2, 4 février 1981, n˚ 79-12.670 N° Lexbase : A7001CKI). En conséquence, cette nullité ne peut être prononcée que s'il est établi que leur omission a causé un grief.
En l'espèce, il a été jugé que les mentions relatives aux organismes de retraite n'ont à être fournies que si l'intéressé
perçoit effectivement une pension de retraite. On peut raisonnablement penser qu'il en est de même pour les autres prestations sociales.
— Convocation par le greffe à la tentative de conciliation
Les règles sont organisées par l'article 1108 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8972K3P) qui prévoit que l'époux défendeur est convoqué par LRAR, doublée d'une lettre simple. A peine de nullité, la LR doit être expédiée 15 jours au moins avant l'audience et accompagnée d'une copie de l'ordonnance fixant la date de la tentative de conciliation. A titre informatif, il est joint à la LR une notice rappelant certaines dispositions du Code civil. On peut donc observer que c'est seulement l'expédition 15 jours à l'avance de la LR qui est prévue à peine de nullité.
Rien n'est prévu concernant l'absence de la notice d'information ou l'insuffisance de renseignements qu'elle doit contenir. Mais si l'on considère qu'il s'agit d'une formalité substantielle à l'information du défendeur, l'annulation de la notification pourrait être prononcée pour vice de forme, en cas de grief. En outre, même si cette exigence n'est pas prévue par le Code de procédure civile, il semblerait qu'une copie de la requête en divorce doive être jointe pour éviter la nullité de la convocation (en ce sens, TGI Rouen, 2 novembre 1988, n˚ 3213/88).
Il convient d'être vigilant si l'époux défendeur demeure à l'étranger, puisque les délais sont augmentés de deux mois (C. pr. civ., art. 643 N° Lexbase : L5814ICC). L'inobservation de ce délai peut entraîner la nullité de la citation en conciliation, et par conséquent, celle de l'ONC (Cass. civ. 2, 12 mars 1980, n˚ 78-15.428 N° Lexbase : A1461CHL ; également, CA Versailles, 23 mars 2005, n˚ 2003/06 996 N° Lexbase : A0909DLA). Dans ce dernier arrêt, a été considérée comme tardive la signification à parquet d'une convocation à une audience de conciliation moins de 2 mois et demi avant celle-ci à l'initiative d'un époux qui savait que son épouse résidait à l'étranger pour une durée indéterminée et à une adresse connue. La cour d'appel a considéré que le non-respect du délai de comparution qui aurait dû être constaté à l'audience de conciliation, ne pouvait être régularisé ni par l'envoi d'une LR ni par la connaissance officieuse que pouvait avoir l'épouse de la teneur de l'acte. Il a été jugé qu'une telle irrégularité faisait grief à l'épouse privée en son absence de l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant commun. La citation introductive d'instance a été déclarée nulle par la cour d'appel et l'ordonnance de non conciliation annulée. En pratique, le greffe fait attention et fixe la date d'audience au moins deux mois et demi à l'avance pour permettre la citation en conciliation. Dans la négative, il convient de prévenir le greffe.
– PV ou déclaration d'acceptation du principe de la rupture du mariage
Pour rappel, cette acceptation peut intervenir soit lors de l'audience de tentative de conciliation, elle est alors constatée dans un PV annexé à l'ONC ; soit en cours d'instance, elle est alors constatée dans une déclaration écrite annexée aux conclusions.
L'article 1123 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1670H4M) prévoit que le PV ou la déclaration doit rappeler les mentions de l'article 233, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2791DZE) à peine de nullité ("Cette acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel").
Par ailleurs, la Cour de cassation a précisé qu'un PV ne comportant pas la signature des deux époux pouvait être déclaré nul mais que cette irrégularité ne pouvait être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation, le moyen étant mélangé de fait et de droit (Cass. civ. 1, 6 juin 2012, n˚ 11-18.206, F-D N° Lexbase : A3907INZ).
– Assignation en divorce
L'article 56 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1441I8U) prévoit que l'assignation doit comporter à peine de nullité un certain nombre de mentions. Depuis le décret n˚ 2015-282 du 11 mars 2015 (N° Lexbase : L1333I8U), il faut en principe justifier d'une tentative préalable de résolution amiable du litige. Mais il semblerait que ces mentions puissent être exclues de l'assignation en divorce pour des motifs tenant "à la matière considérée". En effet, il existe des dispositions spécifiques à la procédure de divorce qui permettent au juge d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur et de concilier lui-même. Puisque l'instance en divorce est une procédure devant le TGI, il faut ajouter aux mentions de l'article 56 précité, celles de l'article 752 du même code (N° Lexbase : L6968H79). L'omission de ces mentions obligatoires constitue un vice de forme qui peut être sanctionné par la nullité, s'il est prouvé que cette irrégularité cause un grief.
La régularisation est possible. La nullité n'a pas à être prononcée si l'indication erronée de l'acte ou l'omission d'une mention est corrigée ou précisée par un autre acte. Mais attention, il faut rappeler qu'une assignation annulée perd son pouvoir interruptif de prescription, de sorte que l'action ne peut être reprise que si elle l'est dans les délais. Or, les époux ne disposent que d'un délai de 30 mois pour assigner en divorce à compter du prononcé de l'ONC, sous peine de caducité. Il faut donc éviter d'attendre la veille de l'expiration de ce délai pour permettre éventuellement une régularisation.
Enfin, l'omission du bordereau de communication de pièces annexé à l'assignation n'entraîne pas de nullité. Il ne s'agit pas davantage d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Cette omission n'est donc assortie d'aucune sanction (Cass. civ. 2, 3 avril 2003, n˚ 00-22.066, FS-P+B N° Lexbase : A6572A7K).
– Déclaration d'appel
L'article 901 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0352IT9) prévoit les mentions que la déclaration d'appel doit contenir à peine de nullité (1˚ La constitution de l'avocat de l'appelant ; 2˚ L'indication de la décision attaquée ; 3˚ L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ; ainsi que les mentions prescrites par l'article 58 du même code). Le défaut de l'une de ces mentions constitue un vice de forme, qui peut être sanctionné par la nullité de l'acte, sous réserve de la démonstration d'un grief (Cass. civ. 1, 19 novembre 2014, n˚ 13-18.902, FS-P+B N° Lexbase : A9381M3T). En l'espèce, il était mentionné une adresse inexacte d'une épouse qui était partie à l'étranger avec l'enfant du couple. Il a été jugé que cette dissimulation faisait grief à l'époux en le privant de la possibilité d'apprécier l'environnement dans lequel évoluait son fils et compromettait toute chance d'une solution amiable au litige. En refusant de communiquer son adresse réelle, l'épouse avait porté atteinte au principe d'un procès équitable et rompu l'égalité des armes entre les adversaires en empêchant toute investigation sur les conditions de vie et l'état de l'enfant.
– Notification et signification par huissier de justice
C'est l'un des domaines d'élection des nullités textuelles de procédure. Or, les intérêts de la notification sont considérables puisqu'elle a pour effet de porter à la connaissance de l'intéressé un acte de procédure ou une décision de justice ; par ailleurs, elle a souvent pour effet de faire courir les délais (de comparution, de constitution d'avocat, de recours...). Il convient de se reporter aux articles 653 (N° Lexbase : L4834IST) à 694 du Code de procédure civile qui traite de la forme des notifications. La plupart de ces règles est prévue sous peine de nullité (C. pr. civ., art. 693 N° Lexbase : L4841IS4).
Pour rappel, s'agissant des règles de signification des actes d'huissiers de justice, l'article 654 (N° Lexbase : L6820H7Q) pose le principe selon lequel la signification est faite à personne. La jurisprudence tient assez fermement à la hiérarchie des formes de signification et considère comme nulles les significations autres qu'à personne si l'impossibilité de cette signification n'est pas démontrée (Cass. civ. 3, 21 février 2001, n˚ 99-14.688 N° Lexbase : A6852C8B). L'article 655 (N° Lexbase : L6822H7S) prévoit que lorsque la signification à personne s'avère impossible, elle peut être faite à domicile, ce qui suppose qu'une personne présente puisse recevoir l'acte et l'accepte. L'article 656 (N° Lexbase : L6825H7W) précise que, si personne ne peut ou ne veut recevoir l'acte, la signification pourra être faite à domicile dès lors que l'huissier a pu vérifier que le destinataire demeurait bien à l'adresse indiquée. Lorsque l'intéressé n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, les diligences accomplies par l'huissier doivent être mentionnées avec précision dans le PV de recherches infructueuses, qui vaut signification selon l'article 659 (N° Lexbase : L6831H77).
S'agissant de la notification des jugements, l'article 675 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6858H77) prévoit que les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n'en dispose autrement, et ce sous peine de nullité. L'article 678 (N° Lexbase : L6861H7A) impose à peine de nullité, lorsque la représentation est obligatoire, que le jugement soit notifié à avocat avant la signification à partie. La jurisprudence a précisé que cette absence de notification à avocat constituait une nullité qui pouvait être prononcée sans qu'il y ait lieu de rechercher un grief (Cass. civ. 2, 15 février 1995, n˚ 93-15.459 N° Lexbase : A7812ABX, JCP éd. G, 1999, II 22.506, note E. de Rusquec). Par ailleurs, la notification à avocat est désormais possible par l'envoi d'un message RPVA ; pour cela, il convient de numériser la copie certifiée conforme de la décision et de la joindre au message de notification à l'attention du confrère adverse ; lorsque la représentation n'est pas obligatoire, par exemple au stade de l'ONC, la notification à avocat n'est pas requise ; mais à titre confraternel, il est correct d'informer le confrère de la signification de l'ONC à son client. Enfin, l'article 680 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1240IZX) précise que l'acte de signification du jugement à partie doit indiquer de manière très apparente le délai de recours, ainsi que les modalités d'exercice de ce recours. La sanction applicable est celle de la nullité ; dans ces hypothèses, le délai de recours ne court pas (Cass. civ. 2, 12 février 2004, n˚ 02-13.332, F-P+B N° Lexbase : A2724DBI).
La nullité des actes pour irrégularité de fond
Dans le cadre de la procédure de divorce, l'irrégularité de fond concerne essentiellement deux hypothèses : l'avocat constitué ; les majeurs protégés.
– Défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice
Constitue une irrégularité de fond un avocat constitué qui n'a pas la capacité de postuler devant la juridiction saisie, que ce soit en première instance ou en appel (Cass. civ. 2, 9 janvier 1991, n˚ 89-12.457 N° Lexbase : A4357AHT, au sujet d'une assignation en divorce). Cette irrégularité peut être couverte par la constitution d'un nouvel avocat appartenant au barreau qui relève du TGI compétent (Cass. civ. 2, 20 mai 2010, n˚ 06-22.024, FS-P+B N° Lexbase : A7198EXU).
– Défaut de capacité d'ester en justice
La question est assez délicate à traiter car des règles particulières sont prévues pour les majeurs protégés aux articles 249 (N° Lexbase : L8331HWH) à 249-4 du Code civil (notamment le divorce par consentement mutuel et le divorce accepté sont toujours exclus). La sanction de la violation de ces règles n'est pas toujours très claire. Il s'agit tantôt d'une irrégularité de fond, tantôt d'une fin de non-recevoir. L'on peut citer quelques exemples d'irrégularités de fond, par régime :
— Tutelle
Les articles 249 et 249-1 (N° Lexbase : L2609ABA) du Code civil prévoient que la demande en divorce formée au nom d'un majeur sous tutelle est présentée par le tuteur, avec l'autorisation du conseil de famille s'il a été institué, ou du juge des tutelles. Si l'époux sous tutelle est en défense, l'action est exercée contre le tuteur. La régularisation est possible (Cass. civ. 1, 10 mai 1984, n˚ 83-10.945 N° Lexbase : A0744AAS). En cours de procédure de divorce, un majeur avait été placé sous tutelle. L'épouse avait soulevé une exception de nullité tirée de l'irrégularité de l'action en justice exercée par un incapable majeur. Mais cette nullité n'a pas été prononcée car au moment où la cour d'appel a statué, elle a constaté que le majeur était représenté devant elle par son tuteur, autorisé par une délibération du conseil de famille.
— Curatelle
Il résulte des articles 249 et 249-1 du Code civil que l'époux sous curatelle exerce l'action lui-même avec l'assistance du curateur et se défend lui-même, également avec l'assistance de celui-ci. L'article 467, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L8453HWY) (C. civ., anc. art. 510-2) précise que "toute signification faite au majeur en curatelle doit l'être aussi à son curateur, à peine de nullité". L'absence d'acte d'appel dirigé contre le curateur constitue une nullité de fond, qui ne peut être couverte qu'avant l'expiration du délai d'appel (Cass. civ. 1, 17 décembre 1991, n˚ 90-15.687 N° Lexbase : A5360AHY ; Cass. civ. 1, 6 février 1996, n˚ 93-21.053 N° Lexbase : A9482ABS). Le jugement doit être signifié non seulement au majeur protégé mais aussi à son curateur, sous peine de nullité (Cass. civ. 1, 20 décembre 2001, n˚ 00-17.173, F-D N° Lexbase : A6947AXL).
— Sauvegarde de justice
Selon l'article 249-3 du Code civil (N° Lexbase : L2804DZU), si l'un des époux se trouve placé sous la sauvegarde de justice, la demande en divorce ne peut être examinée qu'après organisation de la tutelle ou de la curatelle. Cette disposition étant d'ordre public, elle est applicable même en cas d'ignorance par l'autre conjoint de la mesure de sauvegarde de justice (CA Paris, 17 avril 1985, n˚ 1379 N° Lexbase : A9230QD9). En l'espèce, la cour d'appel a prononcé la nullité de l'ensemble de la procédure de divorce intentée contre l'épouse depuis l'ONC jusqu'au jugement de divorce. La femme était hospitalisée dans un établissement psychiatrique d'une autre ville, placée sous sauvegarde de justice, ce qu'ignorait son mari, et l'assignation en divorce lui avait été signifiée en mairie. L'assignation dirigée contre un majeur placé sous sauvegarde de justice entraîne la nullité de toute la procédure. Si l'ouverture de la curatelle est postérieure au jugement de divorce prononcé contre l'époux alors sous sauvegarde de justice, ce jugement est entaché de nullité (CA Toulouse, 29 avril 1986, n˚ 3073/83 N° Lexbase : A9233QDC).