Paiement des commissions au salarié après son départ de l’entreprise: dans quelle mesure le salarié y a-t-il droit lorsque le contrat de travail prévoit qu'après son départ, aucune commission ne lui sera due ? (fr)

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Auteur : Franc Muller, avocat au barreau de Paris




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Janvier 2020


Parmi les dernières décisions de l’année 2019 rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation, il en est une qui retient particulièrement l’intérêt, et qui concerne les salariés dont la rémunération est constituée d’une part variable.


En effet, une difficulté apparaît fréquemment pour ces salariés lorsqu’ils quittent l’entreprise, après un licenciement, une démission ou une prise d’acte : qu’en est-il du paiement des commissions [1] liées à l’activité qu’ils ont déployée lorsqu’ils étaient en poste, alors que le paiement par le client est intervenu après leur départ de l’entreprise ?


Le contrat de travail peut prévoir la solution à adopter, et mentionne alors souvent que le salarié n’aura aucun droit au paiement de sa rémunération variable sur les affaires en cours à l’expiration du contrat (après qu’il ait quitté l’entreprise) ; plus rarement il indique les modalités selon lesquelles l’employeur procédera au paiement.


Plusieurs questions se posent en conséquence : l’employeur est-il fondé à stipuler dans le contrat de travail une clause refusant le paiement, et celle-ci est-elle valable ? qu’en est-il par ailleurs en l’absence de précision dans le contrat, comment se résout cette difficulté ?


La Chambre sociale vient de trancher cet important débat.


Un salarié bénéficiait d’une rémunération fixe, à laquelle s’ajoutait une part variable [2] assise « sur le bénéfice net de chaque dossier apporté par ses soins provenant des nouveaux correspondants du fait de son travail de prospection ».


Son contrat de travail prévoyai en outre « qu’en cas de départ pour quelque cause que ce soit, le salarié n’aura plus aucun droit sur les dossiers (…) non réglés et aucune commission ne lui sera due à compter de la date de cessation du contrat ».


Le salarié est licencié alors qu’il avait de très nombreux dossiers en souffrance qui auraient dû donner droit au paiement de commissions après son licenciement, que l’employeur refuse de lui régler.


Il saisit donc la juridiction prud’homale de la contestation de son licenciement, d’une part, et du paiement d’un rappel de ses commissions, d’autre part.


Le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse en appel, mais les magistrats, se fondant sur les termes du contrat de travail, déboute l’intéressé du paiement des commissions qu’il réclamait.


Devant la Cour de cassation, le salarié s’appuie sur l’article 1304-3 du code civil (ancien article 1178), qui dispose que « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement ».


La Chambre sociale censure la Cour d’appel et suit le salarié dans son argumentation, elle juge que la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement et alors que le salarié, éligible à ces commissions, avait été licencié sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 18 déc. 2019 n° 18-20275 [3]).


On retiendra donc de cette décision, très juridique, qu’en dépit des prévisions du contrat de travail, qui s’opposaient au paiement, le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse a droit au paiement d’un rappel de commissions pour les ventes réalisées avant son licenciement, et qui ne lui avaient pas été payées.


L’employeur doit en conséquence les lui régler.


Il demeure en outre une interrogation, la référence au licenciement sans cause réelle et sérieuse par les Hauts magistrats pouvant prêter à interprétation, quant à la situation du salarié en cas de démission.


On guette donc avec attention d’autres arrêts statuant sur ce point particulier…