Réforme de la procédure d’appel en matière civile

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Me Vincent Ribaut, avocat au barreau de Paris ,ancien avoué à la cour, Membre de l’ASPRA France
Octobre 2024


Entretien avec Vincent Ribaut, spécialiste de la procédure d’appel et responsable de bureau d'aide à la procédure et à la communication électronique (BAPCE) du barreau de Paris.


La rentrée judiciaire 2024 apporte avec elle son lot de réformes impactant la procédure civile. Ainsi, deux nouveaux décrets sont désormais applicables :

-L’un à compter des instances introduites depuis le 1er septembre 2024 : le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile

-L’autre aux instances en cours (à une exception près ayant trait à la rédaction du nouvel article 906 du CPC) : le décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile et relatif aux professions réglementées


Pouvez-vous nous détailler les points de vigilance de cette réforme de la procédure d’appel en matière civile ?


Pour ce qui concerne le décret du 29 décembre 2023, les modifications sont assez nombreuses et pourraient être source de difficultés pour les confrères.

Les apports du décret sont les suivants :

  • Il consacre l’autonomie de la procédure d’appel : il n’y a plus de renvois aux dispositions concernant les assignations pour la rédaction de la DA, ni aux dispositions applicables devant le tribunal judiciaire pour consacrer les pouvoirs du conseiller de la mise en état.
  • Il y a une renumérotation de l’ensemble des articles.
  • Il supprime l'exception liée à l'indivisibilité du litige s'agissant de l'indication des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel.
  • Il impose de mentionner, à peine de nullité, l'objet de l'appel dans la déclaration d'appel (annulation ou infirmation/réformation de la décision entreprise)
  • Il augmente à vingt jours le délai pour signifier la DA aux intimés défaillants et à deux mois le délai pour conclure dans la procédure à bref délai.
  • Il donne pouvoir au CME et au président de la chambre saisie (ou du magistrat désigné par le premier président) d’augmenter l'ensemble des délais pour conclure dans les procédures avec mise en état et à bref délai.
  • Il définit, pour ce qui concerne la procédure à bref délai, les pouvoirs du président de la chambre saisie (ou du magistrat désigné par le premier président) et ceux du conseiller de la mise en état, notamment pour ce qui concerne les fins de non-recevoir liées à l’irrecevabilité de l’appel.
  • Il permet d’étendre l'effet dévolutif de la déclaration d'appel dans le dispositif des premières conclusions déposées dans les délais prescrits aux articles 906-2 et 908 du CPC.
  • Il impose de formuler une prétention à la réformation ou à l'annulation au dispositif des conclusions d'appel et de préciser, lorsque la réformation est requise, les chefs de jugement critiqués dans ce même dispositif.


Quelles sont selon vous les principales difficultés auxquelles les consœurs et confrères risquent de se heurter ?


L’attention des confrères est particulièrement attirée sur la date d’entrée en vigueur de ce décret : il n’est applicable qu’aux instances introduites à compter du 1er septembre 2024, de sorte que ce sont les anciens textes qui continuent de s’appliquer aux instances introduites antérieurement.

Deux régimes procéduraux vont donc coexister pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, ce qui pourrait entraîner des confusions notamment pour ce qui concerne les délais applicables en matière d’appel à bref délai (ceux-ci ne sont doublés que pour les appels interjetés à compter du 1er septembre 2024) ou la possibilité d’étendre l’effet dévolutif de l’appel dans le dispositif des premières écritures.

A cet égard, c’est l’apport le plus significatif de la réforme : il est désormais possible, pour les confrères, de « compléter, retrancher ou rectifier » dans le dispositif de leurs premières conclusions au soutien de l’appel les « chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d’appel » (cf. article 915-2 du CPC) alors que pour les appels interjetés antérieurement au 1er septembre 2024, il n’était possible d’étendre l’effet dévolutif de l’appel qu’en régularisant une nouvelle DA dans le délai pour conclure – ce qui générait un nouveau RG et contraignait à solliciter une jonction.

Revers de la médaille, les confrères devront lister les chefs de jugement critiqués dans le dispositif de leurs écritures – la sanction de cette omission pouvant être l’absence d’effet dévolutif de l’appel.

Le u>décret du 3 juillet 2024 dit « MAGICOBUS 1 », en son article 5, réforme, quant à lui, le traitement des fins de non-recevoir par le JME et les recours ouverts à l’encontre de ses ordonnances.

Ainsi, à compter du 1er septembre 2024, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l'état d'avancement de l'instruction le justifie, le JME pourra décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l'issue de l'instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond (nouvelle rédaction de l’article 789 du CPC).

Les confrères devront donc veiller à reprendre leur FNR dans leurs conclusions au fond.

Par ailleurs, il ne sera plus possible d’interjeter appel immédiatement des décisions du JME qui ne mettent pas fin à l’instance (cf. article 795 du CPC).

Il s’agit d’un alignement de l’article 795 sur l’article 544 alinéa 2 du CPC.

Ainsi, dès lors que le JME statuera dans le cadre d’un incident postérieurement au 1er septembre 2024 – et ce même si l’incident a été introduit antérieurement, sa décision, si elle ne met pas fin à l’instance, ne pourra faire l’objet que d’un appel différé avec le jugement sur le fond.

Telles sont les précisions qu’il semblait nécessaires d’apporter aux confrères pour éviter toute difficulté quant à l’application de ces deux réformes.

Bien entendu, n’hésitez pas à me contacter au BAPCE pour toute question que vous pourriez vous poser en matière de procédure civile et plus particulièrement en matière de procédure d’appel.