Droit à la déconnexion: le point sur l'article 2242-17 du code du travail (fr)

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Thierry Vallat, Avocat au Barreau de Paris
Juillet 2018



C'est pour beaucoup l'heure tant attendue des congés estivaux.


Mais alors que cela devrait être l'occasion de se relaxer après une année de travail épuisante, les tracas de la vie quotidienne continuent et 6 français sur 10 avouent consulter leurs mails professionnels pendant leurs vacances .


90 % des cadres estiment par ailleurs que les outils de type tablettes ou smartphones contribuent à les faire travailler hors de leur entreprise.


Aussi, l'utilisation excessive des outils en dehors du temps de travail est un facteur de stress et de risques psycho-sociaux, notamment de burn-out pour de nombreux salariés hyper-connectés.


A l'heure du tout digital, beaucoup militent pour le digital detox, une période pendant laquelle les téléphones et autres ipads sont mis au placard.


Et a donc émergée l'idée d'un véritable droit à la déconnexion pour les salariés ayant pour objectif d' "assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale"


L'article 55 de la loi El Khomri du 8 août 2016 a porté sur les fonts baptismaux ce droit à la déconnexion.


Sa consécration dans le code du travail est intervenue avec le nouvel article L2242-17 [1]applicable depuis le 1er janvier 2017.


Sa mise en oeuvre prévoit une modification des accords d'entreprises, et à défaut une charte définissant les modalités d'exercice du droit à déconnexion et prévoyant les actions de formation et sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.


La négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte ainsi sur :


"...7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, en vue d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d'accord, l'employeur élabore une charte, après avis du comité social et économique. Cette charte définit ces modalités de l'exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d'encadrement et de direction, d'actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques".


Nombre de grands groupes, comme Allianz, Orange, ou La Poste, ont mis en place en place un droit à la déconnexion et n'avaient pas attendu la loi travail pour instaurer des mesures comme le blocage des emails entre 20h et 7h du matin et le week-end ou l'envoi différé de courriels passé une heure tardive.


Et encore faudra t-il que les salariés puissent vraiment exercer ce droit sans contrainte de leur employeur, d'où la nécessité d'une charte détaillée.


Ces difficultés sont bien illustrées par l'arrêt rendu par la Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2018, n° 17-13.029 [2] , rendu pour des faits antérieurs à la loi de 2016, qui a confirmé la condamnation de la société Rentokil à verser une indemnité de plus de 60 000 euros à un directeur d'agence licencié en 2011.


Ce dernier avait porté le litige devant la juridiction prud'homale estimant qu'il était resté à disposition immédiate et permanente de son employeur, disponible et prêt à intervenir à tout moment, et que l'entreprise lui devait donc des astreintes.


La Cour d'appel confirma qu'ayant été promu directeur d'agence en 2009, ce salarié avait en effet été tenu de rester joignable téléphoniquement en permanence pour répondre aux urgences, en prenant le cas échéant les mesures appropriées.


Or la convention collective à laquelle l'entreprise adhère restreignait le concept d'astreinte à la permanence téléphonique à domicile.


Cette décision confirme le principe du droit à la déconnexion, même lorsque la notion d'astreinte est restreint par la convention collective.


Sputnik News a interrogé Me Thierry Vallat sur ce droit à la déconnexion et ses conséquences (retrouvez cette interview du 11 juillet 2016 en podcast https://soundcloud.com/sputnik_fr/thierry-vallat-il-faudra-une-charte-detaillee-qui-indique-les-droits-et-les-devoirs-de-chacun)