Heures supplémentaires : à qui appartient la charge de la preuve ?

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Jean-Luc BRAUNSCHWEIG-KLEIN, avocat au barreau d'Avignon [1]
Septembre 2022


Il résulte des textes et de la jurisprudence que si la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant au salarié, pour étayer sa demande, de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

Les principaux textes et arrêts de jurisprudence

En cas de litige relatif à la durée du travail, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par les salariés (C. trav., art. L. 3171-4).

Néanmoins, la preuve des heures de travail effectif n’incombe spécialement à aucune des parties (Cass. crim., 5 décembre 2000, n° 98-43.328 Cass. soc., 05-12-2000, n° 98-43.328 [2]).

A ce titre, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis à la fois par l’employeur et par le salarié, et après d’éventuelles mesures d’instruction (C. trav., art. L. 3171-4).

La Cour de cassation admet la production de tableaux récapitulatifs établis par les soins du salarié et ne comportant pas le visa de l’employeur, bien que ces éléments n’apportent pas la preuve du bien-fondé de la demande (Cass. soc., 10 mai 2007, n°05-45.932 [3]).

Les derniers arrêts

Ayant relevé que la salariée soutenait que sa présence minimale dans l’entreprise correspondait aux horaires d’ouverture de celle-ci dont elle justifiait, que, si elle s’absentait dans la journée, elle récupérait les heures non travaillées et qu’en sa qualité de secrétaire et d’épouse du gérant, elle travaillait, si nécessaire, les soirs et jours de week-end, la cour d’appel, qui a retenu que la salariée présentait, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétendait avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments, a légalement justifié sa décision de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires [4].

Cass. soc. 14-9-2022 n° 20-22.499 F-D

Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires [5] au motif que celle-ci n’était pas suffisamment étayée, l’arrêt retient, après avoir dit que la convention de forfait était privée d’effet et ne pouvait être opposée au salarié, que le salarié verse aux débats les relevés quotidiens des heures de travail qu’il prétend avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas, des notes de frais ainsi que les tableaux récapitulatifs de ses heures de travail [6], semaine après semaine, et plusieurs attestations de collègues, que cependant ces tableaux sont établis en fonction d’une amplitude théorique de travail [7] sans que le salarié produise les éléments lui ayant permis de déterminer ses horaires de début et de fin de journée, que l’agenda retrace son activité professionnelle, au jour le jour, mais les indications horaires que le salarié a lui-même relevées sont lacunaires, très imprécises et impossibles à contrôler, que les attestations se bornent à évoquer la disponibilité et la charge importante de travail de l’intéressé sans indication de date ni éléments suffisamment précis permettant de corroborer les décomptes de son temps de travail et que l’examen des notes de frais ne permet pas davantage de reconstituer la durée de travail de l’intéressé.

En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations, d’une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre et, d’autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l’article L 3171-4 du Code du travail.

Cass. soc. 21-9-2022 n° 21-13.552 [8] FS-BR