L'insanité d'esprit : Un risque vers l'annulation du testament (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Sabine Haddad , Avocat au Barreau de Paris
Janvier 2018


L'absence de discernement au moment de la rédaction d'un testament ou d'une donation peut avoir des conséquences sur sa validité.
On parle d'insanité d'esprit pour demander son annulation.


Qui peut faire un testament ?

Rappel: Quel type de testament ?

Il faut distinguer Trois sortes de testaments.

1-Les testaments avec intervention d’un notaire du vivant du testateur


Authentique

Le testament peut être établi par deux notaires, ou un notaire et deux témoins. Le testateur dicte ses volontés au(x) notaire(s) et signe ensuite l'acte après lecture.

Mystique

Contraignant, déposé clos et scellé chez un notaire devant deux témoins pour éviter tout risque de perte ou de destruction, le testateur indiquera que le contenu de ce papier est son testament.


Il doit préciser le mode d'écriture employé et le notaire en dresse un procès-verbal, qui est signé par le notaire, le testateur et les témoins.


Ne peuvent être témoins les mineurs, les clercs des notaires, deux époux ensemble pour le même testament, les bénéficiaires d'un legs et leurs parents jusqu'au 4ème degré inclus.).


L’intérêt, de ces testaments permettra de les porter au « fichier central des dispositions de dernières volontés » des notaires, lequel suite au décès, sera consulté par tout notaire chargé de la succession…


2-Le testament avec intervention du notaire au décès du testateur :


Le testament olographe, manuscrit, daté et signé de la main de son auteur, peut être aussi après le décès, être remis au notaire chargé de la succession qui l'ouvrira et dressera un procès-verbal.


L’intérêt, des deux premiers le notaire le fera porter au « fichier central des dispositions de dernières volontés » des notaires, lequel suite au décès, sera consulté par tout notaire chargé de la succession…


Qu'en est-il des personnes handicapées, sourdes, muettes et « non saines d’esprit ? »

L'article 414-1 du Code civil dispose:


« Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. » et


L’article 901 du Code civil dispose :


« Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence ».


En cas de contestation, c'est au juge de décider si le testateur était ou non en pleine possession de ses facultés mentales au moment de la rédaction du testament.


La question de l’annulation d’un testament est soumise au Tribunal de Grande instance du lieu d’ouverture de la succession avec présence d’un avocat obligatoire.


Le consentement doit donc exister et ne pas être vicié.


Le rôle du juge sera de vérifier cela en cas de saisine, puis dans certains cas de donner son accord.


La loi N° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, entrée en vigueur 1er janvier 2009, est venue modifier l'ensemble du dispositif de protection des personnes vulnérables, en fixant, en particulier les conditions dans lesquelles les personnes placées sous mesure de protection peuvent tester ou consentir des donations…


Elle a été complétée par la Loi N° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures en particulier en ses articles 972 et 986 du code civil.


1°- La personne handicapée peut envisager un testament notarié .


L’article 972 du code civil complété par la Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 prévoit en ses alinéas 5 et suivants;

«  …Lorsque le testateur peut écrire en langue française mais ne peut parler, le notaire écrit lui-même le testament ou le fait écrire à la main ou mécaniquement d'après les notes rédigées devant lui par le testateur, puis en donne lecture à ce dernier. Lorsque le testateur ne peut entendre, il prend connaissance du testament en le lisant lui-même, après lecture faite par le notaire.

Lorsque le testateur ne peut ni parler ou entendre, ni lire ou écrire, la dictée ou la lecture sont accomplies dans les conditions décrites au quatrième alinéa.

Il est fait du tout mention expresse. »


Quid des personnes placées sous régime de protection de la loi : la question de la tutelle et de la curatelle ?


2°- La personne sous tutelle, représentée dans les actes de la vie civile; ne peut tester sans accord du juge, mais se faire assister par son tuteur pour donner


Article 476 du code civil

"La personne en tutelle peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations.Elle ne peut faire seule son testament après l'ouverture de la tutelle qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, à peine de nullité de l'acte. Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion. Toutefois, elle peut seule révoquer le testament fait avant ou après l'ouverture de la tutelle. Le testament fait antérieurement à l'ouverture de la tutelle reste valable à moins qu'il ne soit établi que, depuis cette ouverture, la cause qui avait déterminé le testateur à disposer a disparu."


Le juge des tutelles contrôlera sa capacité à exprimer clairement sa volonté.


1 ere Civ, 8 mars 2017, pourvoi N°16-10.340


« Mais attendu que la cour d'appel, qui a exactement rappelé qu'il ne lui incombait pas, à l'occasion de la demande d'autorisation dont elle était saisie, d'examiner le contenu de l'un ou l'autre des testaments établis par le majeur protégé, a relevé, par motifs adoptés, que celui-ci avait démontré, lors de son audition, être en capacité d'exprimer clairement sa volonté quant à ses dispositions testamentaires et que le projet de testament correspondait à ses souhaits ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »


3°- La personne sous curatelle assistée dans les actes de la vie civile peut librement tester sous réserve de son "insanité d'esprit"

Article 470 du code civil


La personne en curatelle peut librement tester sous réserve des dispositions de l'article 901


Elle ne peut faire de donation qu'avec l'assistance du curateur.


Le curateur est réputé en opposition d'intérêts avec la personne protégée lorsqu'il est bénéficiaire de la donation.

Les raisons de remise en cause du testament

Rappel , cette remise en cause est concevable pour:


  • Irrespect des conditions de la forme d’un testament olographe lequel doit être manuscrit, daté et signé de la main de son auteur, d’où contestations possible s'il est dactylographié, non daté, photocopié, d'une écriture différente révélée par expertise graphologique...
  • Irrespect des charges par le légataire exigées par le défunt,
  • Ingratitude extrême (violences, vol, etc.).qui suppose une action engagée dans l'année à compter des faits ou de la condamnation.
  • Incapacité juridique si le testateur n'était pas sain d'esprit ; ou si le bénéficiaire n'a pas le droit de recevoir de legs (médecin ayant soigné le testateur...)


Je me cantonnerai à la notion d’insanité d’esprit non définie par la Loi.


Ce sont les tribunaux qui l’analysent.


Qui peut agir et sous quel délai ?

Le testateur de son vivant et à tout moment


Un testament peut être annulé de son vivant, par la personne rédactrice de l'acte unilatéral à tout moment:


*Expressément, par un acte notarié déclarant caduques les précédentes dispositions, ou par un nouveau testament annulant explicitement le précédent, ou bien

*Tacitement en cédant le bien, en détruisant le testament, ou en rédigeant un testament postérieur incompatible en ses termes avec le précédent.

L’article 414-2 alinéa 1 du code civil dispose:

De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.

Au décès du testateur


1 ère Civ, 17 février 2010, Pourvoi N° 08-21927


Seuls les héritiers légaux ou les légataires universels qui recueillent la totalité des biens, peuvent invoquer la nullité pour insanité d’esprit, contrairement au légataire particulier qui ne recueille qu’un part des biens cette impossibilité est de mise, même si le défunt l’a qualifié part erreur de légataire universel.


Article 414-2 alinéa 2

.....Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants :

  • Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;
  • S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
  • Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future.


L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304

Le délai de l’action

1ère Civ ,11 janvier 2005, Pourvoi N° 01-13133


Aux visas des articles 901 et 1304 du code civil, a été jugé que l’action en nullité pour insanité d’esprit des donations entre vifs ou des testaments pour insanité d’esprit se prescrit par cinq ans et est soumise à la prescription abrégée de l’article 1304 du Code civil.


1ère Civ, 20 mars 2013, Pourvoi N°11-28318


« l'action en nullité d'un acte à titre gratuit pour insanité d'esprit ne pouvant être introduite par les héritiers qu'à compter du décès du disposant, la prescription n'avait pu commencer à courir avant le décès du testateur ».

La preuve libre de l’insanité d’esprit , une preuve assimilable à celle faite pour établir l’abus de faiblesse.

Cette notion est analysée par les juges au cas par cas et soumise à l’appréciation souveraine du juge du fond sans contrôle de la cour de cassation.


Il faut vérifier l’absence de lucidité au moment de l’acte.


Elle s’apparente à un trouble mental qui vicie le consentement et prive la personne de discernement Cass. 1 ère Civ, 5 novembre 1996, Pourvoi N° 94-19851


L’insanité d’esprit est un motif d’annulation des libéralités et doit être établie au moment de la rédaction de l’acte .


Pour 1ere Civ, 4 février 1941, l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant :


« toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée » .


Cass. 1ère Civ, 25 mai 1987 Pourvoi N° 85-18684


Mais attendu que le notaire, qui énonce que le testateur a déclaré que le testament contenait bien ses volontés et qu'il y persistait, ne fait que relater les déclarations du testateur ; qu'en décidant que l'on peut, sans recourir à la voie de l'inscription de faux, être admis à prouver, en dépit des énonciations du testament authentique, que le testateur n'était pas sain d'esprit, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 1319 du Code civil ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


La liberté de la preuve pourra se faire via le dossier médical du testateur, des témoignages probants émanant de médecins par exemple, d’experts…, du versement d’allocations adultes handicapées , de l’établissement d’un régime de protection de la loi etc…


1 ere Civ, 6 mars 2013 Pourvoi N°12-17360


Mais attendu que, sous couvert d’un grief non fondé de manque de base légale au regard de l’article 901 du code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l’appréciation des juges du fond qui ont souverainement estimé que le rapport d’expertise, corroboré par les témoignages, établissait la dégradation de l’état mental de Jeanne X... et qu’il n’était pas démontré que celle-ci ait pu se trouver dans un instant de lucidité lors de la rédaction des testaments litigieux ; qu’il ne saurait être accueilli ;