La clause de mobilité en droit du travail (fr)
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Didier Reins, avocat au barreau de Strasbourg
décembre 2019
La clause de mobilité, ou la mutation contractuellement prévue, se retrouve dans de nombreux contrats de travail en fonction du poste occupé. Pourtant son application n’est pas simple et déconcerte parfois tans les employeurs que les salariés.
Explications.
Hypothèse de départ
Le contrat de travail prévoit toujours le lieu d’affectation du salarié, c’est à dire le lieu où celui-ci doit travailler.
Il peut aussi contenir une clause de mobilité qui prévoit la possibilité de muter le salarié.
On retrouve généralement ce type de clause dans les postes à responsabilités.
L’employeur peut donc décider de muter son salarié dans une filiale, ou une agence ou tout autre entité de son entreprise en fonction des nécessités.
Conditions de validité de la clause de mobilité
Pour être valable, la clause doit respecter certaines conditions :
- La clause doit figurer dans le contrat de travail ou un avenant.
Cela signifie que l’employeur ne peut muter son salarié si aucune clause de mobilité n’est prévue.
Le salarié pourrait en l’absence de clause, refuser sa mutation car il s’agirait là d’une modification substantielle du contrat de travail.
- La clause doit préciser son étendue géographique.
Cependant l’étendue géographique peut être large et recouvrir l’ensemble du territoire national.
Ainsi, une clause qui prévoirait la possibilité de déplacer un salarié d’un bout à l’autre du territoire serait valable.
Par contre, il faudra tenir compte du degré de responsabilités du salarié muté.
Plus les responsabilités sont importantes, plus l’étendue géographique visée par la clause de mobilité peut être vaste.
- La clause doit être nécessaire aux intérêts de l’entreprise.
Cela signifie que l’on ne peut prévoir une clause de mobilité pour tout type de poste.
Sont concernés les postes à responsabilité.
Cela signifie également que la clause doit être nécessaire au fonctionnement de l’entreprise et que l’impossibilité de muter un salarié occupant un poste à responsabilités entraînerait des difficultés d’organisation ou des difficultés financières.
Application de la clause
L’employeur qui décide de muter son salarié en application d’une clause de mobilité doit respecter un délai de prévenance.
Le délai de prévenance s’analyse comme un “préavis” dans l’application de la clause.
Autrement dit, l’employeur ne peut muter son salarié du jour au lendemain.
Plusieurs hypothèses sont envisageables :
- Le contrat de travail et/ou la convention collective prévoient la durée du délai de prévenance : l’employeur devra le respecter.
- La durée du délai de prévenance n’est pas prévue par l’un ou l’autre : dans ce cas, l’employeur devra laisser à son salarié un délai raisonnable. L’appréciation de ce délai sera discrétionnairement apprécié par le conseil de prud’hommes en cas de litige.
Hypothèses dans lesquelles la clause de mobilité ne peut pas s’appliquer
Il existe diverses hypothèses dans lesquelles la mise en ouvre d’une clause de mobilité est interdite :
- L’employeur ne peut muter son salarié en l’absence d’une clause de mobilité figurant dans le contrat de travail ou un avenant.
- Le salarié peut refuser l’application de la clause lorsque celle-ci entraînerait une modification substantielle de son contrat de travail.
Exemple 1 : La mutation entraînerait une diminution du salaire ou du pouvoir d’achat du salarié.
Exemple 2 : la clause de mobilité entraîne un changement important des horaires de travail, le salarié passant d’un travail de jour à un travail de nuit.
- Le salarié peut refuser sa mutation si celle-ci entraînerait une violation grave de sa vie personnelle ou privée.
La vie privée et familiale est protégée par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.
La clause de mobilité reste valable mais il faut alors apprécier si son application est compatible. Pour cela il faudra tenir compte du poste occupé et des responsabilités attachées à l’emploi du salarié.
- Le salarié peut refuser sa mutation si elle entraîne pour lui un changement d’employeur.
L’hypothèse est celle des groupes de sociétés.
Si l’employeur appartient à un groupe de sociétés, il ne pourra muter son salarié dans une autre société du groupe car chaque société appartenant au groupe est indépendante.
Les sociétés intègrent parfois un groupe afin d’accroître leur réseau d’influence. Mais chacune de ces sociétés reste indépendante. Chaque société est donc différente des autres sociétés du groupe et chacune d’entre elle est donc un employeur différent.
Muter un salarié dans une société appartenant à un groupe reviendrait à lui imposer un changement d’employeur, ce qui est illégal.
Pour bien comprendre la qualité d’employeur attachée à une société d’un même groupe, je vous invite à lire l’article qui suit : la qualité d’employeur dans les groupes de sociétés [1].
Le refus du salarié
Si la clause de mobilité n’est pas valable, le salarié est en droit de refuser sa mutation.
Par contre, si la clause est valable, le salarié ne peut pas refuser d’être muté. S’il refuse sa mutation, il commet une faute disciplinaire qui autorisera son employeur à le licencier.
ATTENTION : il est conseillé aux employeurs de ne pas prononcer de licenciement pour faute grave, c’est à dire exclusive de tout préavis car les conditions jurisprudentielles ne seraient pas réunies. Il est donc conseillé aux employeurs qui souhaitent licencier un salarié pour refus de la clause de mobilité de le faire pour faute simple, c’est à dire en lui octroyant son préavis.
A retenir
- La clause de mobilité doit être prévue par écrit.
- Elle doit respecter certaines conditions pour être valable.
- Elle ne peut être mise en oeuvre du jour au lendemain.
- Si la clause de mobilité est valable, le salarié doit accepter sa mutation, sous peine de licenciement.
- Si la clause n’est pas valable, le salarié peut refuser d’être muté.