La fin d’un CDD à terme imprécis n’est pas exigée par écrit : La Chambre sociale de la Cour de cassation semble se satisfaire d'une information donnée par téléphone (fr)
France > Droit privé > Droit social > Droit du travail
Franc Muller, avocat au barreau de Paris
Septembre 2019
Si le Code du travail met en exergue que le contrat à durée déterminée ne constitue pas la forme normale du contrat de travail, qui demeure le contrat à durée indéterminée, une telle affirmation peut légitimement susciter un certain scepticisme lorsqu’on sait qu’il représente, et de loin, la forme de contrat la plus répandue d’entrées sur le marché du travail, sa part représentant 88 % des embauches en 2017.
Cette statistique [1] laisse à supposer que de nombreux employeurs font un recours fréquent au contrat à durée déterminée en méconnaissance des dispositions légales, utilisant les salariés sous contrat à durée déterminée comme une forme de variable d’ajustement.
Rappelons que le contrat de travail à durée déterminée [ https://www.francmuller-avocat.com/le-recours-au-contrat-a-duree-determinee-est-strictement-limite/] ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas limitativement prévus par le Code du travail, que sont (article L 1242-2 [2]) :
- Le remplacement d’un salarié,
- L’accroissement temporaire d’activité,
- L’emploi à caractère saisonnier,
- Le remplacement d’un chef d’entreprise (artisanale, industrielle ou commerciale) ou d’un chef d’une exploitation agricole,
- Le recrutement d’ingénieurs et de cadres, en vue de la réalisation d’un objet défini.
La violation par l’employeur de ces dispositions est sanctionnée par la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée (article L 1245-1 du Code du travail [3]).
La Chambre sociale de la Cour de cassation vient cependant de rendre un arrêt assez déconcertant, dans lequel elle considère que l’information donnée verbalement à une salariée, qui remplaçait une salariée absente, suffit à mettre un terme à son contrat de travail.
L’intéressée avait été engagée le 12 avril 2012 par contrat à durée déterminée pour une durée minimale de deux mois et huit jours en remplacement d’une salariée absente pour congé de maladie.
La loi prévoit en effet que dans le cas d’un remplacement à terme imprécis, le contrat de travail à durée déterminée comporte une durée minimale, et qu’il a pour terme la fin de l’absence de la personne remplacée, sans autre précision (article L 1242-7 du Code du travail).
Par lettre du 11 décembre 2014, l’employeur avait notifié à la salariée la fin de son contrat de travail en raison du licenciement pour inaptitude, le 10 décembre 2014, de la salariée qu’elle remplaçait, intervenu.
La salariée considérait néanmoins que l’envoi tardif de cette lettre, un jour après l’expiration du contrat de travail de la salariée remplacée, ne répondait pas aux exigences légales et avait demandé la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée.
L’employeur soutenait lui avoir donné une information téléphonique le 10 décembre 2014, et en déduisait que sa notification était valable.
La salariée échoue en appel aussi bien que devant la Chambre sociale de la Cour de cassation.
La Haute juridiction énonce que le contrat à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent a pour terme la fin de l’absence de ce salarié, il n’est pas exigé que l’employeur y mette fin par écrit.
Elle s’en remet à l’appréciation souveraine des Juges du fond ayant retenu que l’intéressée avait été informée par un appel téléphonique de son employeur le jour de fin du contrat de la salariée remplacée, cette information étant donc suffisante (Cass. Soc. 18 sept. 2019 n° 18-12446 [4]).
Cette décision laisse un goût d’inachevé car on a connu d’autres circonstances où la Chambre sociale se montrait plus exigeante sur la nécessité d’une notification écrite dans un délai déterminé…