La procédure interne de recueil et de traitement des alertes professionnelles

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Olivier Philippot, avocat au barreau de Strasbourg [1]
Octobre 2022


La loi Sapin II [2], modifiée par la loi Waserman du 21 mars 2022 [3], a créé l’obligation pour les entreprises d’au moins 50 salariés de mettre en place une procédure de recueil et de traitement des alertes professionnelles.

Un décret du 4 octobre 2022[4] vient préciser les modalités de mise en place et le contenu de cette procédure.

Cette obligation est applicable immédiatement.

Entreprises concernées par la mise en place de la procédure de recueil et de traitement des alertes professionnelles

  • Personnes morales de droit public employant au moins 50 agents, à l’exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leurs sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucunes communes excédant ce seuil de population
  • Administrations de l’Etat
  • Personnes morales de droit privé et entreprises exploités en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins 50 salariés
  • Toute autre entité relevant du champ d’application des actes de l’UE
  • Autorités compétentes au sens du 1°du II de l’article 8 de la loi Sapin II


Modalités de calcul de l’effectif : le seuil de 50 salariés s’apprécie à la clôture de deux exercices consécutifs et est déterminé selon les modalités prévues au I de l’article L.130-1 du code de la Sécurité Sociale. Cet article prévoit que l’effectif annuel correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente.

Mise en commun possible : les personnes morales de droit privé et entreprises exploités en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins 250 salariés peuvent prévoir, après décision concordante de leurs organes compétents, que le canal de réception des signalements ainsi que l’évaluation de l’exactitude des allégations formulées dans le signalement font l’objet de ressources partagées entre elles, sans préjudice des autres obligations qui leur incombent à chacune.

Mise en place de la procédure de recueil et de traitement des alertes professionnelles

Modalités de mise en œuvre et consultation des instances de dialogue social

Le décret prévoit que l’entreprise conserve le libre choix de l’instrument juridique dans lequel elle prévoit cette procédure, qui peut donc être une note de service comme un accord d’entreprise.

L’employeur doit consulter au préalable les « instances de dialogue social » présentes au sein de l’entreprise.

Diffusion de la procédure

La procédure de recueil et de traitement doit être diffusée par tout moyen assurant une publicité suffisante, notamment par voie de notification, affichage ou publication, le cas échéant sur son site internet ou par voie électronique, dans des conditions permettant de la rendre accessible de manière permanente.

L’entité doit également mettre à disposition des informations claires et accessibles concernant les procédures de signalement externes.

Procédure de recueil et de traitement des alertes professionnelles

Première étape : recueil du signalement

La procédure instaure un canal de réception des signalement qui permet à toute personne d’adresser un signalement écrit ou oral, selon ce que prévoit la procédure.

La procédure peut prévoir, mais cela n’est pas obligatoire, la possibilité d’adresser un signalement par oral. Dans ce cas, elle doit préciser que ce signalement peut s’effectuer par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale et, sur la demande de l’auteur du signalement et selon son choix, lors d’une visioconférence ou d’une rencontre physique organisée au plus tard vingt jours ouvrés après réception de la demande.

Tout signalement oral doit être consigné dans les conditions suivantes :

  • Lorsqu’il est recueilli sur une ligne téléphonique sécurisée ou sur un autre système de messagerie vocal enregistré, avec le consentement de l’auteur : soit en enregistrant la conversation sur un support durable et récupérable, soit en la transcrivant de manière littérale ;
  • Lorsqu’il est recueilli sur une ligne téléphonique non enregistrée ou sur un autre système de messagerie vocale non en

registré : en établissant un PV précis de la conversation ;

  • Lorsqu’il est recueilli dans le cadre d’une visioconférence ou d’une rencontre physique : en établissant avec le consentement de son auteur soit un enregistrement de la conversation sur un support durable et récupérable, soit un PV précis.
  • L’auteur du signalement a la possibilité de vérifier, rectifier et approuver la transcription de la conversation ou le PV par l’apposition de sa signature
  • Les enregistrements, transcriptions et PV ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement et à la protection des auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent

Le canal de signalement doit permettre de transmettre tout élément, quel que soit sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée.

La procédure doit prévoir que l’auteur du signalement est informé par écrit de la réception de son signalement dans un délai de 7 jours ouvrés à compter de cette réception.

La procédure peut prévoir, hormis le cas où le signalement est anonyme, que l’auteur du signalement transmet en même temps que son signalement tout élément justifiant qu’il appartient à l’une des catégories mentionnées aux 1° à 5° du A du I de l’article 8 de la loi Sapin II [personnes pouvant réaliser un signalement interne].

Deuxième étape : analyse de la recevabilité du signalement

Lorsque le signalement est recueilli, l’entreprise doit vérifier, sauf si le signalement est anonyme, que les conditions de l’exercice du droit d’alerte sont remplies.

L’entreprise peut à cette fin demander tout complément d’information à l’auteur du signalement.

La procédure doit prévoir que l’auteur du signalement est informé des raisons pour lesquelles l’entreprise estime que son signalement ne respecte pas les conditions.

La procédure doit préciser les suites données aux signalement qui ne respectent pas les conditions cet celles données aux signalements anonymes.

Troisième étape : traitement du signalement

Lorsque les conditions d’exercice de l’alerte prévues par la loi sont respectées, l’entreprise doit assurer le traitement du signalement.

  • L’entreprise peut, pour évaluer l’exactitude des allégations formulées, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement.

Si les allégations paraissent avérées, l’entreprise met en œuvre les moyens à sa disposition pour remédier à l’objet du signalement.

La procédure doit prévoir que :

L’entreprise communique par écrit à l’auteur du signalement, dans un délai raisonnable qui ne peut excéder 3 mois (à compter de l’AR du signalement ou à défaut d’AR à compter de l’expiration du délai de 7 jours ouvrés suivant le signalement) des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations et le cas échéant remédier à l’objet du signalement, ainsi que sur les motifs de ces dernières.

  • L’entreprise procède à la clôture du signalement lorsque les allégations sont inexactes ou infondées ou lorsque le signalement est devenu sans objet.
  • L’auteur du signalement est informé par écrit de la clôture du dossier.

Personnes ou services recueillant et traitant le signalement

La procédure doit indiquer la ou les personnes ou le ou les services désignés par l’entité pour recueillir et traiter les signalements.

Les personnes ou services désignés disposent, par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de leurs missions.

La procédure doit prévoir les garanties permettant l’exercice impartial de ces missions.

L’entité peut prévoir dans sa procédure que le canal de réception des signalements est géré pour son compte en externe par un tiers.

Possibilité de mutualiser les procédures pour les entreprises de moins de 250 salariés

Les entreprises de moins de 250 salariés peuvent prévoir, après décision concordante de leurs organes compétents, que le canal de réception des signalements ainsi que l’évaluation de l’exactitude des allégations formulées font l’objet de ressources partagées entre elles.

Protection des données recueillies et traitées dans le cadre de la procédure de recueil et de traitement des alertes professionnelles

La procédure doit :

  • Garantir l’intégrité et la confidentialité des informations recueillies dans un signalement, notamment l’identité de l’auteur, des personnes visées et de tout tiers mentionné dans le signalement ;
  • Interdire l’accès à ces informations aux membres du personnel qui ne sont pas autorisés à en connaître ;
  • Prévoir la transmission sans délai aux personnes ou services désignés pour recueillir et traiter les signalements lorsque ceux-ci sont reçus par d’autres personnes ou services.