Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine TRENTE HUIT

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.



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Semaine TRENTE HUIT

Jour 143 – Lundi 20 juin – Suite des plaidoiries de la défense des avocats d'Ossama Krayem et de Yassine Atar

Bonjour à tous, C'est aujourd'hui le début de la 38e semaine d'audience et le 143e jour du procès des attentats du 13 Novembre 2015. Deuxième et dernière semaine de plaidoiries des avocats de la défense. Et une audience qui débute exceptionnellement le matin ....

... car aujourd’hui, sont attendues les plaidoiries des avocats d'Ossama Krayem et de Yassine Atar.

L'audience reprend. Me Gisèle Stuyck, avocate belge d'Osama Krayem, est la première à plaider aujourd'hui : "monsieur Krayem assume parfaitement le fait qu'il doit être condamné, même sévèrement, mais uniquement et exclusivement pour ce qu'il a commis."

Me Stuyck : "on ne condamne pas un homme à la réclusion à perpétuité pour un attentat commis sur un territoire A alors qu'à ce moment-là il se trouvait sur un territoire B."

Me Stuyck plaide avec son ordinateur portable posé sur le pupitre devant la cour. Elle est la première à faire ainsi.

Me Stuyck plaide sur la compétence de la France à juger Osama Krayem alors que les faits qui lui sont reprochés sont d'avoir envisagé un attentat dans l'aéroport de Schiphol, aux Pays-Bas.

Me Stuyck : "je souhaiterais rappeler que monsieur Krayem n'était pas dans la sphère décisionnelle, n'a pas une place importante dans la cellule, il n'est pas en lien avec les commanditaires et aucun testament n'a été retrouvé pour monsieur Krayem."

Me Stuyck : "nous savons que monsieur Krayem était initialement prévu pour un attentat suicide en Irak et que jusque fin juin, il n'était pas prévu pour l'Europe."

Me Stuyck poursuit sur le projet d'attentat à l'aéroport de Schiphol, "si tant est qu'un tel attentat était prévu le soir du 13 Novembre : on ne peut pas déterminer qu'une telle attaque était prévue du fait de l'absence d'explosifs dans les sacs de messieurs Ayari et Krayem"

Me Stuyck :"après la réquisition [du parquet national antiterroriste, ndlr], monsieur Krayem m'a demandé si en droit français, le fait d'occuper les caches [les planques de la cellule, ndlr] constituait un acte de complicité. Il m'a dit : si c'est le cas, j'accepte la peine".

Me Stuyck : "monsieur Krayem sait qu'il devra assumer. Mais il veut être puni uniquement pour ce qu'il a fait. Après, les réquisitions, je me suis demandé s'il était puni pour son silence. Le silence de monsieur Krayem est loin d'être opportuniste".

Me Stuyck : "il ne s'agissait pas d'un mépris à l'égard de la cour. Monsieur Krayem m'a dit : "vous n'êtes pas obligée de parler pour moi, je ne vous en voudrais pas". Il m'a demandé : vous pensez que la cour a attendu votre plaidoirie pour prendre sa décision ?"

Me Stucyk : "vous pensez qu'après ce procès, d'autres vont encore parler ?" Ils vont se dire : "ce connard de Krayem qui a balancé la moitié de l'équipe s'est pris perpet' avec une période de sûreté de 30 ans"."

Me Stuyck : "Sans les déclarations de monsieur Krayem, on ne retrouve jamais la cache de la rue des casernes et on vit toujours avec la psychose de savoir où se trouve le 2e sac de TATP."

Me Stuyck : "monsieur Krayem a fait machine arrière, il est rentré à l'appartement et a vidé ses explosifs dans la canalisation. Ne pas tenir compte des déclarations de monsieur Krayem serait une erreur. Ce serait un mauvais signal pour le futur. "

Me Stuyck : "pour moi, intervenir dans ce procès n'était pas une occasion professionnelle unique et encore moins incroyable. Si monsieur Krayem n'en valait pas la peine, je ne me serais jamais infligée tout cela."

Me Stuyck : "pour moi, cela m'intéressait de comprendre le point de bascule de l'homme ordinaire. D'autant que du côté maternel, toute ma famille a péri dans le génocide rwandais".

Me Stuyck : "nous savons que monsieur Krayem encourt également la perpétuité à Bruxelles [dans le procès des attentats du 22 Mars ndlr]"Place à la plaidoirie de Me Margaux Durand-Poincloux pour Osama Krayem : "je défends in homme qui n'a pas jugé nécessaire de se défendre lui-même. Je défends l'homme au pilote jordanien", un homme qui ne peut pas dire qu'il a de l'humanité, sans emporter des murmures indignés."

Me Durand-Poincloux : "je défends un homme qui estime qu'il n'y a rien à gagner à vous parler. Un homme qui pense qu'en gros ou au détail, ce sera le même prix et ce sera le plus élevé."

Me Durand-Poincloux : " Osama Krayem a compris au cours des débats qu'il est inaudible de dire qu'un homme qui a commis un acte monstrueux n'est pas le monstre que l'on croit. "

Me Durand-Poincloux : "moi aussi je vis depuis des mois avec les images de cet homme en flamme qui fond au fond de sa cage. Moi aussi j'y pense la nuit. Et je me dis : comment est-il possible de faire une chose pareille ?"

Me Durand-Poincloux : "et comment moi je vais faire pour me lever et me battre pour celui-là. Parce que je ne vais pas l'occulter. Je ne sais pas occulter un truc pareil. Or, on ne se lève pas pour quelqu'un en qui on ne voit rien ou seulement du mal."

Me Durand-Poincloux : "donc la question m'a rongée. Aujourd'hui, je sais pourquoi je me suis levée. Je me suis levée parce que j'ai la certitude que lui aussi maintenant, il y pense la nuit."

Me Durand-Poincloux : "je le sais parce que, malgré tous ses doutes sur cette cour, il n'a jamais voulu manquer un témoignage de partie civile. Et ça aussi, il y pense la nuit."

Me Durand-Poincloux : "je vais vous parler des faits. Et ce sont les faits et le droit qui vont vous amener à conclure que l'accusation le concernant ne constitue pas une complicité des attentats mais une association de malfaiteurs terroristes".

Me Durand-Poincloux cite le professeur de français d'Osama Krayem venu à la barre : "abstraction faite de ce qu'il a commis, monsieur Krayem est quelqu'un qui a beaucoup d'humanité." Alors ça fait frémir. Forcément, ça fait frémir. "

Me Durand-Poincloux : "on sait qu'Osama Krayem est initialement prévu pour se faire sauter en Irak avec un camion. Mais peu de temps avant le départ, il est prévenu qu'il ne sera finalement pas martyr en Irak mais que ce sera en Europe."

Me Durand-Poincloux : "Krayem serait un combattant d'élite. Mais il parle abondamment à l'instruction. Krayem serait d'une grande valeur pour Daech, mais depuis qu'il est blessé il n'est plus bon qu'à se faire sauter."

Me Durand-Poincloux : "Krayem serait haut placé mais il a la même place dans la cellule que les autres, il n'a aucun rôle d'encadrement. Vous devrez à minima douter de la place supposée haut placée de Krayem dans l'Etat islamique".

Me Durand-Poincloux : "Krayem arrive le 3 octobre 2015 à 11 heures dans la planque de Charleroi. Cet appartement, qui a été testé au TATP, ne contient aucun explosif ni élément qui permet d'attester que des armes ont été stockées."

Me Durand-Poincloux : "pendant l'instruction, il y a eu une théorie selon laquelle ils ont démonté la machine à laver pour récupérer des boulons pour fabriquer les ceintures explosives."

Me Durand-Poincloux : "quand on sait qu'il y a une dizaine de boulons dans une machine et la facilité à se procurer des boîtes de 100 boulons chez Bricorama ..."

Me Durand-Poincloux : "ensuite il y a la rue Henri Bergé et l'appartement de Jette. Là, nous avons de nombreuses et abondantes traces de TATP mais cet appartement n'est utilisé par la cellule que jusqu'en janvier 2016. Il n'a donc pas été utilisé pour les attentats de Bruxelles."

Me Durand-Poincloux : "donc le TAPT, c'est celui de Paris. Il est indéniable que les explosifs de Paris ont été fabriqués à Jette. Et l'on sait de manière incontestable qu'Osama Krayem n'est pas allé à Jette avant les attentats de Paris."

Me Durand-Poincloux : "Krayem ne peut matériellement pas aider dans les deux jours qui précèdent [les attentats du 13 Novembre 2015, ndlr]. Le fait de résider dans une autre planque et de ne pas aider à la fabrication des explosifs, ce n'est pas un acte de complicité."

Me Durand-Poincloux : "l'autre élément de la complicité c'est la galvanisation de la cellule. Mesdames et messieurs de la cour, c'est la nouvelle complicité par galvanisation, qui ne figure pas dans le code pénal. Osama Krayem, ce joyeux drille, ce meneur d'homme."

Me Durand-Poincloux : "on sait que la vie organisationnelle des attentats se déroule en français. Krayem a une méconnaissance totale de cette langue. On sait l'amitié de certains. D'autres sont des inconnus, qu'on n'a pas choisi et qu'on ne connaît pas."

Me Durand-Poincloux : "on sait les consignes qui ont été donnés aux étrangers [par l'Etat islamique, ndlr] : ne pas sortir. Car les étrangers ne connaissent pas la langue, pas le pays, ils prennent le risque de se faire contrôler. Donc il ne faut pas sortir".

Me Durand-Poincloux : "on sait qu'il y a cinq planques en même temps. Et Krayem, au matin des attentats, n'a résidé avec aucun des auteurs des attentats de Paris. Il ne les connaît pas."

Me Durand-Poincloux : "j'en arrive à la dernière charge. Schiphol c'est l'exemple ultime que les faits s'alignent parfaitement quand on essaie de les éclairer du même côté. Cela s'appelle la perspective. On va essaie de les éclairer dans l'autre sens. Et voir que rien ne colle".

Me Durand-Poincloux : "Krayem et Ayari, ils vont à Amsterdam en bus Eurolines. Vous savez, ces bus Eurolines, remplis de rastas blancs qui vont à Amsterdam acheter du shit. Donc ils se font contrôler 100% du temps. Et ils prennent ce bus là, pour commettre un attentat ?"

Me Durand-Poincloux : "Krayem est entendu par les enquêteurs néerlandais sur ce prétendu projet d'attentats. Il n'y a pas eu de suites."

Me Durand-Poincloux : "cet un attentat sans repérage, sans explosifs, sans téléphone en lien avec les coordinateurs et qui vise le lieu même de l'exfiltration le lendemain d'Ahmed Dahmani [autre membre de la cellule, ndlr]. Mais c'est d'une absurdité absolue !"

Me Durand-Poincloux : "on vous a requis la complicité par intégration d'un groupe. Mais ça n'existe pas. C'est la définition de [l'infraction, ndlr] d'association de malfaiteurs terroriste."

Me Durand-Poincloux : "et aucune association de malfaiteur terroriste ne peut devenir une complicité du fait de la personnalité ou du parcours de son auteur. Jamais."

Me Durand-Poincloux : "vous pouvez penser qu'il est inadmissible de considérer qu'Osama Krayem a de l'humanité en lui. Mais la justice rationnalise ce qui est irrationnel, pour citer une nouvelle fois, Mme l'avocate générale".

Me Durand-Poincloux : "sûrement que vous condamnerez Osama Krayem pour association de malfaiteurs terroriste au maximum de la peine encourue : 20 ans de réclusion. C'est adapté."

Me Durand-Poincloux : "et en plus, quel luxe ! Vous pourrez dormir sur vos deux oreilles. Car il sera condamné à la perpétuité à Bruxelles pour les attentats."

Me Durand-Poincloux : "vous voulez la sécurité. Vous voulez que cette tuerie ne se reproduise jamais, vous avez raison. Peut-être que pour atteindre ce but, il faut frapper fort. Mais prenez garde car même si vous ne frapperiez pas exactement un innocent, vous frapperiez à côté".

Fin des plaidoiries pour Osama Krayem. L'audience est suspendue jusqu'à 14 heures avant les plaidoiries pour la défense de Yassine Atar. A tout à l'heure.

L'audience va bientôt reprendre avec la plaidoirie de @ChStPalais tout d'abord pour la défense de Yassine Atar contre lequel 9 ans d'emprisonnement ont été requis.

L'audience reprend. Me Christian Saint-Palais se lève pour la défense de Yassine Atar. Il tient tout d'abord à saluer l'aider précieuse et le travail acharné de leurs collaborateurs, à lui et Me Raphaël Kempf."

Me Saint-Palais a ensuite un mot à l'adresse des parties civiles : "je sais qu'une plaidoirie de défense peut heurter. Je veux vous dire, avant de défendre librement, que je sais les souffrances qui sont les vôtres."

Me Saint-Palais : "j'ai le sentiment ici, en plaidant l'acquittement, pour le frère de celui qui a organisé ces attentats et recruté les kamikazes, le cousin des logisticiens, kamikazes à Bruxelles, en portant son intérêt, de poursuivre aussi l'intérêt général".

Me Saint-Palais : "la justice ne peut pas tout. Et l'Etat de droit que je défends ne peut pas répondre à toutes les attentes."

Me Saint-Palais : "je vais plaider, non pas pour l'Histoire, mais plus modestement et c'est déjà beaucoup, pour ce qui crée chez vous, au moment de se lever, un vertige jamais maîtrisé, je vais plaider pour un homme, Yassine Atar."

Me Saint-Palais : "parfois les réponses qui vous sont offertes peuvent paraître maladroites, excessives. Mais c'est souvent parce qu'on répond à une accusation excessive et que c'est bien difficile de se défendre simplement."

Me Saint-Palais : "vous savez d'où est partie l'accusation. D'un message retrouvé dans un ordinateur. Il était écrit : je te remercie de ce que tu as fait pour moi". Et depuis désormais 6 ans et 3 mois, on cherche ce que le terroriste a voulu dire par "je te remercie ..."

Me Saint-Palais : "lui a toujours dit : je n'ai rien à voir avec ces crimes-là. Mais on avait sur la table, dans l'ordinateur : "Atar m'a aidé". Mais quand on est dans sa cellule et qu'on dit : "ce n'est pas moi", c'est difficile de se défendre."

Me Saint-Palais : "ici, en plaider l'acquittement, nous vous disons que ce serait une faute d'accéder aux demandes faites par l'accusation d'entre en voie de condamnation."

Me Saint-Palais : "Yassine Atar a la même ligne téléphonique depuis des années. Avez-vous souvent eu des accusés dont on sait tout de la téléphonie ? Et lui, il a fait produire tous ses SMS. Lui ne s'arrête jamais, il cherche toujours. Parce qu'il est obligé de se défendre."

Me Saint-Palais : "alors c'est vrai que quand nous sortions du parloir de Fleury le samedi, nous arrivions, saoulés par ses paroles. Mais aussi, avec cette boule au ventre qui ne vous quitte pas pendant le week-end parce qu'il y a chez cet homme quelque chose qui vous oblige."

Me Saint-Palais : "voilà un garçon qui se débat depuis 6 ans et qui y croit encore. Voilà un justiciable qui a confiance en la justice. Et ce n'est pas tous les jours. Alors il mérite que nous lui portions l'attention que nous lui portons."

Me Saint-Palais : "la mission de la justice antiterroriste c'est d'amener des hommes pour les juger. C'est aussi de renvoyer cette image que notre Etat de droit tient bon. La difficulté c'est que les assassins sont morts et que nous ne pouvons pas rester sans réponse."

Me Saint-Palais : "Nous citoyens, nous avons besoin d'une réponse, assurément. Mais ils sont morts. On vous a donné, à vous, parquet national antiterroriste, des moyens dérogatoires jamais vus : des durées de garde à vue inédite, des placements en détention provisoire qui durent"

Me Saint-Palais : "quand on nous reproche des stratégies, je dis : mais n'y a-t-il pas des stratégies de la part de l’accusation ? On n'a pas d'auteurs, ils sont morts. Alors, on a recours au co-auteur."

Me Saint-Palais : "c'est ça l'impressionnisme judiciaire : de près, il n'y a rien. Alors, c'est ce que vous a dit la juge Panou : "la défense va vouloir séquencer mais prenez du champ, soyez modernes." Mais c'est vieux comme tout l'impressionnisme, c'est le 19e siècle !"

Me Saint-Palais : "nous sommes ici par choix. J'ai fait le choix de répondre favorablement à la demande d'un homme de l'assister dans un dossier terroriste. Vous n'êtes pas ici pour nous départager au talent. Nous sommes ici parce que cela a un sens qui ne doit pas être oublié"

Me Saint-Palais : "alors je vais plaider pour cet homme qui, comme première qualité, est le frère d'Oussama Atar. Non ça n'est pas rien ! Non, je n'emprunte pas la criminalité de mon frère par le lien de filiation."

Me Saint-Palais : "en réalité, vous évoquez la force d'attraction que peut entraîner un aîné sur un cadet. Est-ce que, dans ce cas, vous n'avez pas négligé la force qu'il a fallu au cadet pour résister. Lui qui ne l'a jamais suivi."

Me Saint-Palais : "lui, n'a donné aucun signe d'adhésion à ce qu'a pu faire son frère Oussama."

Me Saint-Palais : "alors oui, cette famille s'est mobilisée quand Oussama Atar était dans les geôles irakiennes. Parfois, nous avocats, on parle des geôles ici, pour exagérer un peu. Mais là, en Irak, je pense qu'on peut dire les geôles."

Me Saint-Palais : "alors comment peut-on dire à cette famille, qui est soutenue par des avocats, Amnesty International, des députés, à qui ont dit qu'Oussama Atar est très malade, comment peut-on chercher là une complaisance pour le terrorisme ?"

Me Saint-Palais : "est-ce que ce ne sont pas les autorités belges qui lui remettent un passeport grâce auquel il va décoller pour Istanbul en décembre 2013 ? C'est que tout le monde à cru qu'il était rentré d'Irak et ne nourrissait pas d'autre projet terroriste."

Me Saint-Palais : "alors oui, Yassine Atar a donné dans un premier temps, à son fils le prénom de son frère, avant de le changer en Mehdi. Il a donné, dans un premier temps, comme le font beaucoup de cadets, le prénom de son frère, surtout quand il ne donne plus signe de vie".

Me Saint-Palais : "oui, vous allez trouver ça dérisoire, mais c'est important quand on se défend il est allé chercher dans ses SMS et a trouvé une conversation avec un ami : "Eyman, tu trouves que c'est un beau prénom. Parce que j'hésite encore entre Oussama, Eyman et Abdallah".

Me Saint-Palais : "Yassine Atar, c'est comme un feu follet. Il est là, puis là-bas. Et je pense qu'Oussama Atar quand il était là sur sa chaise à lire le Coran et voyait celui-ci partir à droite et à gauche, il a vite compris qu'il n'avait pas là une recrue de choix."

Me Saint-Palais : "on n'a trouvé dans aucun élément objectif une preuve de culpabilité. Yassine Atar a été placé sur écoute et on ne trouve rien."

Me Saint-Palais : "alors les juges ont cherché et l'on accusé de tant de choses. Pendant des années, on va dire qu'on a trouvé dans ses cheveux des traces de nitroglycérines. Puis, on a eu la réponse : le taux est tellement bas qu'il n'est pas significatif."

Me Saint-Palais : "mais pendant ce temps, Yassine Atar reste en prison. "Merci pour tout ce que tu as fait". On a beaucoup cherché. Vous vous souvenez qu'on lui a reproché aussi, quand même, la participation aux faux-papiers."

Me Saint-Palais : "Mme Panou [juge d'instruction belge, ndlr] a du talent, elle nous a dit elle-même : elle fut avocate. Ne négligez pas quand même son aptitude a vous dire des certitudes."

Me Saint-Palais : "alors notre nouvelle pythie, puisque c'est ainsi qu'on l'a érigée, qui nous a dit aussi qu'elle fut procureur et en a gardé une gourmandise pour les formules accusatoires, nous a dit qu'il y avait des rencontres. Des rencontres."

Me Saint-Palais : "les verbes qui nous sont reprochés ne sont guère des verbes d'action. Ce qu'on lui reproche c'est d'avoir accompagné."

Me Saint-Palais : "je sais qu'il avait tellement d'autres choses à dire et à les dire autrement. Et je sais que cet homme si anxieux, parce qu'il a confiance en votre cour, aura l'élégance de ne rien dire de ses frustrations."

Me Saint-Palais : "comme on m'a vu à cette audience, on m'a dit : "tu es encore là". Oui, parce que petits bras, @NoguerasXavier qui nous a parlé de ses audiences de 2014. Mais moi j'étais déjà là pour les attentats terroristes de 1995."

Me Saint-Palais : "je suis encore là parce que j'y crois. Je crois à la nécessité de ce débat contradictoire. Je ne crois pas à une frontière infranchissable entre nous. Je crois à des débats libres."

Me Saint-Palais : "nous avons besoin de juges qui ne s'éloignent pas des dossiers mais s'approchent du box. Qui ne regardent pas le frère et le cousin, mais eux. Nous avons besoin de juges qui tiennent. C'est dans cet esprit que je vous demande d'acquitter Yassine Atar."

Fin de la plaidoirie de Me Christian Saint-Palais. L'audience est suspendue avant celle de Me Raphaël Kempf pour la défense, là aussi, de Yassine Atar.

L'audience reprend pour la plaidoirie de Me Raphaël Kempf

Me Kempf : depuis 6 ans, je cherche comment démontrer l'innocence de Yassine Atar. Et peut-être que la réponse est dans la bouche de Mme Panou [juge d'instruction belge, ndlr] où lors du seul interrogatoire qu'elle fait de Yassine Atar, elle dit "il est raisonnable d'imaginer..."

Me Kempf : "voici une magistrate qui a imaginé. Et il en faut de l'imagination. Elle nous a dit aussi : "Yassine Atar c'est complexe." Oui, c'est tellement complexe qu'on ne sait plus de quoi l'accuser : les charges viennent et repartent. Et c'est pour cela qu'il faut imaginer"

Me Kempf : "on n'est pas parti d'un crime pour identifier son auteur, on est parti d'un homme qu'on a tenté par tous les moyens de rattacher à son crime."

Me Kempf : "que l'on adopte une vision rapprochée ou éloignée, il me semble que d'où que l'on regarde, Yassine Atar n'a rien à faire dans ce box."

Me Kempf : "Yassine c'est un peu pour moi comme un enfant qu'on a jeté dans l'eau et qui ne sait pas nager. Il se débat sous des accusations absurdes. Comment on se défend d'accusations absurdes ? Pour se défendre, il faut déjà savoir précisément de quoi on est accusé."

Me Kempf : "et au cours de ces années, des accusations, il y en a eu un très grand nombre."

Me Kempf : "Je trouve que pour Yassine Atar ses absences en disent aussi long que sa présence. Et on voit bien que Yassine Atar n'est pas là quand on loue des planques, quand on s'organise, quand on loue des voitures en Belgique, quand on achète des téléphones."

Me Kempf : "dans ce dossier, s'il y a eu des déclarations évolutives, c'est du côté de l'accusation, des enquêteurs belges, des juges d'instruction. Alors oui, vous pouvez imaginer que Yassine Atar s'est coordonnée pour organiser le retour du trio du Bataclan ou je ne sais ..."

Me Kempf : " le 11 novembre, Yassine Atar fait du sport, il envoie un sms à un ami. Le 11 novembre, il cherchera faire garder son fils et envoie des messages à mère. Voilà ce que fait Yassine Atar autour du 13 Novembre."

Me Kempf : "malgré ces obligations, Yassine Atar se serait occupé de l'organisation des attentats ? Alors qu'il prépare sa sortie au sport et organise la garde de son fils, les coordinateurs se seraient arrêtés chez lui pour activer les cartes SIM pour les attentats ?"

Me Kempf : "alors il y a cette histoire de tuyau d'aspirateur, que Mme Panou [juge d'instruction belge, ndlr] appelle à l'audience tuyau d'arrosage. Et cela fait rire."

Me Kempf : "mais moi je ne rigole pas beaucoup. Parce que voilà ne magistrate qui vient tourner en ridicule les explications d'un mis en cause qu'elle a sous sa charge. On n'enquête pas, on le tourne en ridicule. "

Me Kempf : "on vous a cité Hannah Arendt en vous disant que l'idéologie c'est la dérive d'une idée qui devient comme folle. Mais moi je vois une idée qui s'échappe quand on en vient à vous demander de punir le fait de n'avoir pas vu alors qu'on aurait dû voir. Mais voir quoi ?"

Me Kempf : "on demande que chacun et chacune d'entre nous doivent détecter les signes d'une religiosité, musulmane disons le clairement, chez ses proches et les dénoncer. On en vient à demander au citoyen de se substituer aux services de renseignement."

Me Kempf : "ce qu'on reproche à Yassine Atar c'est de n'avoir rien su, rien compris, de la radicalisation de ses cousins. Mais la connaissance de la radicalisation ne peut même pas être érigée en connaissance du but terroriste."

Me Kempf : "on peut avoir des opinions qui dérangent, même religieuses. Des opinions sexistes, misogynes, réactionnaires. Mais qu'importe. Ce qui compte c'est que ces opinions ne mènent pas à l'action violente."

Me Kempf : "le parquet, pour évoquer la radicalisation de Yassine Atar a parlé de ses amis Facebook : les Kamikazes Riders. Et je remercie mon collaborateur, Me Theo Gauthier, qui a cherché ce week-end et qui a trouvé un clip des Kamikazes Riders avec Booba ..."

Me Kempf : "alors bon, moi j'ai demandé qui était Booba. Il paraît que c'est un rappeur. Sur le Facebook de Yassin Atar, on trouve aussi une vidéo avec Djibril Cissé. Bon oui, j'ai aussi dû demander qui était Djibril Cissé, j'ai appris que c'était un footballeur."

Me Kempf : "mais donc on a quelqu'un qui s'intéresse au rap, au football, ce genre de choses et on vient vous dire que cela démontre qu'il est radicalisé."

Me Kempf : "il y a quelques années, lorsque j'ai commencé à défendre Yassine Atar, nous allions voir Yassine Atar à la maison d'arrêt de Fresnes, à l'isolement. Et nous avions remarqué qu'après les parloirs avec nous, avocats, Yassine Atar était fouillé à nu."

Me Kempf : "on regardait dans les replis de son sexe et son anus s'il ne cachait pas quelque chose que nous, avocats, nous aurions pu lui donner. Cette suspicion m'était insupportable."

Me Kempf : "je vous demande de l’acquitter. Il a un fils. ll aura 7 ans en juillet, je voudrais que Yassine Atar pour la première fois de sa vie puisse fêter son anniversaire avec lui."

Fin de cette journée d'audience. Reprise demain à 12h30 avec les plaidoiries des avocats de Mohamed Bakkali.

Jour 144 – Mardi 21 juin – Suite des plaidoiries de la défense de l'avocat de Mohamed Bakkali

Jour 144 au procès des attentats du 13 Novembre Aujourd'hui, ce sont les avocats de l'accusé Bakkali qui doivent plaider. Bakkali déjà condamné à 25 ans de réclusion dans le procès du Thalys ; il attend son procès en appel.

Le LT @franceinter de ce jour 144 sur ce fil et @ChPiret racontera l'audience à la radio.

Me Orly Rezlan, avocate de Mohamed Bakkali commence à plaider. "Au cours de ce très long procès, on a la tentation de penser que tout a été dit"

Me Orly Rezlan fait confiance aux magistrats de la cour pour éclairer encore l'accusé qu'elle défend.

Me Orly Rezlan parle de la mémoire de ceux qui ne se sont pas relevés du 13 Novembre, elle dit que les kalachnikovs auraient pu viser n'importe qui.

Me Orly Rezlan dit qu'avec ce procès on a évité "le Guantanamo". Mais "quelle liberté de jugement attendre de chacun d'entre vous ?"

Me Orly Rezlan : "Face au terrorisme, une question qui nous concerne tous, savoir comment on réagit à la peur ?"

Orly Rezlan : "Mohamed Bakkali a exercé son droit au silence, et disons-le, ce silence ne lui a pas été favorable, il a exacerbé toutes sortes de fantasmes"

Orly Rezlan : "A l'heure de la police scientifique, on continue la religion des aveux"

Me Orly Rezlan plaide d'une voix très posée, cheveux longs, lunettes carrées, elle plaide les mains derrière le dos

Me Orly Rezlan était déjà l'avocate de Mohamed Bakkali dans le procès du Thalys Elle dit qu'il en est ressorti avec "un sentiment d'impuissance, il a compris que le doute ne profitait pas à l'accusé"

Elle dit qu'on lui prête des calculs et des stratégies. Rappelle que Mohamed Bakkali s'est beaucoup exprimé pendant l'instruction. Rappelle qu'il a fait des déclarations contre Daech, "mais ici qui l'aurait cru ?"

Me Orly Rezlan, avocate de l'accusé Mohamed Bakkali : "Je ne vais pas me faire le ventriloque des déclarations qu'il n'a pas faites, mais je vais essayer de faire un point entre lui et vous"

Me Orly Rezlan rentre dans le détail de ce qu'on reproche à Bakkali. Elle parle par exemple d'une "carte Castillo", fausse carte, elle note que "chaque fausse carte n'a été utilisée qu'une seule fois", plaide que cette carte n'a pas été utilisée pour la cellule terroriste.

Elle plaide que Bakkali n'a "pas été sollicité pour aider Ibrahim El Bakraoui à se rendre en Syrie". El Bakraoui, l'un des logisticiens en chef avant de se faire exploser dans les attentats de Bruxelles le 22 mars 2016.

Elle parle de l'autre frère, aussi kamikaze du 22 mars, Khalid El Bakraoui, qui a loué une planque. "Pour que les frères El Bakraoui puissent agir sous les radars, il a fallu que d'autres s'exposent, et notamment Mohamed Bakkali"

Me Rezlan : "Mohamed Bakkali est entré dans cette bande organisée par une voie détournée. On a tenté de le présenter comme le 3e frère". Mais elle plaide que c'est exagéré, en somme.

Me Rezlan : "Mohamed Bakkali n'a rien mis en place, il n'interviendra qu'une fois les choses mises en place. Aucun rôle dans les cartes".

Me Rezlan : "Mohamed Bakkali qui n'a pas participé aux recherches d'appartements du mois d'août louera deux appartements", des planques ayant servi à la cellule terroriste

Me Rezlan : "Sur les retours on demandera à Mohamed Bakkali d'intervenir qu'au 3e retour" -retour de Syrie/Budapest des terroristes qui frapperont ensuite le Bataclan le 13 Novembre

Me Rezlan : "Les locations de voiture de Bakkali au moment du 4e retour", retour du duo Krayem-Ayari notamment.

Me Rezlan : "Bakkali n'est qu'un maillon, certes utile mais qu'on peut remplacer", et elle plaide que même sans Bakkali, il y aurait eu des attentats le 13 Novembre

Me Rezlan plaide que El Bakraoui échange avec Bakkali sur une ligne normale, non cachée (ce qu'El Bakraoui n'a fait ni avec Abaaoud ni avec Brahim Abdeslam), sous-entendu, Bakkali "est à la fois dedans et dehors, dans ce qu'il faut appeler la zone grise".

Me Rezlan : "Pour faire partie d'une association de malfaiteurs terroriste, il faut avoir conscience qu'il y a un but terroriste"

Me Rezlan plaide que la participation de Mohamed Bakkali s'arrête avec le commencement d'exécution du projet des attentats, or il est poursuivi pour "complicité" considérant qu'il connaissait le projet.

Me Orly Rezlan demande "quel est le point de bascule entre le but et le projet ?"

Me Orly Rezlan plaide que Bakkali n'a pas été sollicité quand Abaaoud et Akrouh cachés dans le buisson d'Aubervilliers après le 13 Novembre

Me Orly Rezlan : "On ne peut pas faire de Bakkali une pièce maîtresse, un coordinateur et constater qu’au moment décisif, il n’intervient à aucun titre"

Me Orly Rezlan : "Alors, que savait Mohamed Bakkali ?"

Me Orly Rezlan : "Bakkali il se sait impliqué dans la machine infernale, mais il n'est pas intervenu dans la phase opérationnelle"

Me Orly Rezlan : "Khalid El Bakraoui a pu dire à Bakkali qu'il cherchait des kalachnikovs, ce qui étant donné son profil pas étonnant". Rappelle leur amitié

Me Orly Rezlan revient sur la reddition de Bakkali. Les avocats généraux pensent qu'il s'est rendu le 13 Novembre pour mieux protéger la cellule.

Me Orly Rezlan note que "Bakkali n'a pas hésité à y aller"

Me Orly Rezlan : "Quel est le profil de Bakkali ? Cela veut dire qu'il décide pour lui-même et c'est la preuve qu'il n'est pas avec Daech"

Me Orly Rezlan : "Chez Daech, on ne se présente pas à la police, on met un chapeau et on se planque"

Me Orly Rezlan dit que la reddition de Bakkali avait paniqué El Bakraoui.

Et Me Orly Rezlan continue à plaider avec cette même voix posée, la même que celle qu'elle a eue à chaque fois qu'elle a posé des questions durant ce procès

Me Orly Rezlan : "alors pourquoi Mohamed Bakkali a-t-il décidé de les aider ? Lui, homme intelligent, marié, père de famille", qui avait un bébé, une petite fille qui a aujourd'hui 7 ans.

Me Orly Rezlan : "Je ne soutiens pas qu'il était l'idiot des frères El Bakraoui"

Me Orly Rezlan : "Il y a dans cette zone grise quelque chose de très difficile à comprendre pour nous qui sommes dans une laïcité individualiste"

Me Orly Rezlan : "Pour Bakkali, il suffisait de tirer sur les fils pour aider les frères, la mauvaise conscience religieuse..."

Me Orly Rezlan : "Bakkali qui n'aurait pas aidé à commettre un attentat a été sensible au discours sur l'islam". Elle plaide que Bakkali était "un gentil"

Me Orly Rezlan : "Si les choses s'étaient déroulées différemment, et que Mohamed Bakkali avait comparu aux côtés des frères El Bakraoui, est-ce qu'on aurait demandé contre lui la peine perpétuelle ? Cela n'aurait eu aucun sens"

Me Orly Rezlan : "Et c'est le principal reproche aux réquisitions". Elle reproche au PNAT d'avoir requis plusieurs peines perpétuelles, "le prix du sang".

Me Orly Rezlan : "On vous a réclamé le prix du sang ! Et sur le plan symbolique, la figure du logisticien..."

Me Orly Rezlan : "il faut que la justice passe, soit impitoyable, au risque de faire oublier que la première fonction de la justice, c’est être équitable"

Me Orly Rezlan : "Quel sens cela a de dire que Bakkali est un homme intelligent et n'a pas la possibilité d’évoluer ?" Elle plaide sur "ses études de sociologie qui lui ont ouvert l’esprit, et même comprendre les leviers des actes qu’il a pu commettre"

Me Orly Rezlan : "Vous allez donc juger un homme qui n’a participé à aucune exaction, n'a jamais été condamné !"

Me Orly Rezlan rappelle que la mère de Lamia est venue devant les accusés dire "défendez-les !" et "cette femme n'a pas marqué qu'Ayari"

Me Orly Rezlan : "Si, au nom de l’émotion suscitée par ces crimes, on en arrive à condamner à l’égal de l’assassin, le complice d’actes préparatoires, le loueur de voitures et de maisons, alors il faudra admettre que l’Etat de droit aura fondu sous le choc"

Me Orly Rezlan, avocate de Mohamed Bakkali, conclut face à la cour : "Je vous demande de ne pas briser les digues de l’état de droit, je vous demande simplement de faire un effort, celui de ne pas vous laisser glisser".

A la fin de la plaidoirie de Me Orly Rezlan, aussi posée que brillante, plusieurs confrères se disent admiratifs, même sur les bancs des parties civiles.

Après une suspension, c'est Me Abraham Johnson qui commence à plaider pour Mohamed Bakkali. Et il salue de manière très chic la plaidoirie de sa consœur Me Orly Rezlan : "le plaideur a toujours peur de nuire quand il vient après l'excellence"

Et il se met à plaider sur le silence de Mohamed Bakkali.

Me Abraham Johnson : "Nous croyons en la vérité, laquelle est la mieux acquises avec les outils de la raison"

Me Abraham Johnson plaide "l'élément du cloisonnement".

Me Abraham Johnson, l'autre avocat de Mohamed Bakkali plaide lui aussi avec un ton très posé. Dans son box, Bakkali écoute attentivement, crâne rasé, barbe noire sous son masque chirurgical bleu.

Me Abraham Johnson plaide sur les vidéos d'Abaaoud - cette vidéo atroce dans laquelle on le voyait traîner des cadavres derrière un pick-up. Il plaide que les jeunes aujourd'hui voient aussi des vidéos aussi violentes, dit-il.

Me Abraham Johnson plaide que ces vidéos même niveau de violence que celles de cartels de la drogue.

Me Abraham Johnson parle maintenant des assassins du 13 Novembre, ou des "défunts" comme les frères El Bakraoui, comme "de très vilaines personnes".

Me Abraham Johnson : "Je veux terminer avec cette dernière analyse, ce baiser de la mort que El Bakraoui a livré à Bakkali dans audio de la rue Max-Roos"

Audio retrouvé dans un ordinateur retrouvé dans une poubelle devant cette planque, juste après les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, attentats dans lesquels les frères El Bakraoui se sont fait exploser.

Me Johnson plaide que Mohamed Bakkali "est intelligent, a été vulnérable parce que certains l'ont cherché, trouvé"

Me Abraham Johnson conclut ainsi sa plaidoirie pour l'accusé Mohamed Bakkali : "Le juge H lui a demandé ce qu'il pensait de ces attentats, il lui a répondu une abomination". Ainsi s'achève la très brève plaidoirie de Me Johnson. Fin des plaidoiries pour aujourd'hui.

Jour 145–Mercredi 22 juin – Plaidoiries des avocats de l'accusé Sofien Ayari

Bonjour à tous, L'audience reprend pour le 145e jour d'audience au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Aujourd'hui, place aux plaidoiries des avocats de l'accusé Sofien Ayari. C'est Me Ilyacine Maallaoui qui est le premier à plaider aujourd'hui.

Me Maallaoui : "je vais tenter d'être votre voix, monsieur Sofien Ayari, comme je le pourrais. Vous me l'avez confiée il y a déjà des années et je vais tâcher d'en faire bon usage."

Me Maallaoui : "j'ai appris la consistance matérielle de la sérendipité. J'ai appris que vous puissiez me haïr et je l'ai accepté. Et puis un soir nos regards se sont croisés. Je ne vous nommerai pas. Mais sachez que vous m'avez littéralement bouleversé."

Me Maallaoui : "nous avons trouvé tant de terrains d'entente, nous avons dîner ensemble et refait le monde."

Me Maallaoui : "il est important de revenir sur le réquisitoire du parquet national antiterroriste. Il faut savoir ne pas céder à toutes les passions. Je salue d'abord les mots juste de Mme l'avocat générale rappelant que seule une vérité judiciaire sortirait de cette enceinte"

Me Maallaoui : "il nous a été indiqué que les attentats étaient une opération unique dont tous les membres étaient interchangeables et qu'il ne fallait pas se méprendre et voir dans cette nouvelle posture juridique des commisérations inavouées de répression."

Me Maallaoui : "Sofien Ayari s'est tu et il était ainsi un être méprisable Il s'est mis à parler et il devenait un être charismatique, capitaine du box des accusés. Quel triste dilemme judiciaire. Alors autant se taire et subir le procès. "

Me Maallaoui : "le droit est dur tout comme la loi, mais il faut s'y plier, même dans un procès hors norme. Car ce dernier ne peut perdurer que dans le respect de nos normes juridiques."

Me Maallaoui : "durant cette audience, il y a eu des vraies tentatives de glissements insupportables : lorsqu'on interroge monsieur Haddadi sur la péridurale en islam, la demande de mariage en islam. Nous étions à des années lumières de ce qui vous intéressait. Je me suis levé."

Me Maallaoui : "ce monde assurantiel nous pousse à tout prévoir et il faudra se prémunir du crime. Telle une maladie. L'association de malfaiteur à elle seule est une infraction à rebours de tous nos principes pénaux. Consécration de suspects, glissement vers la condamnation."

Me Maallaoui : "l'association de malfaiteurs n'est que l'échec d'une philosophie pénale émanant d’une société pensant qu'il faut éradiquer le crime, se contente du doute. Un changement de paradigme."

Me Maallaoui : "on nous a parlé de glissement de granularité pour ensuite nous assommer de vocable particulièrement péremptoire."

Me Maallaoui : "Sofien Ayari n'a jamais nié être allé en Syrie, il a même apporté des éléments à vote cour, il a parlé de sa blessure. Et on a trouvé le moyen de faire passer cet élément pour de la complicité".

Me Maallaoui : "je trouve cela terrifiant de vouloir s'absoudre de ce qui fonde une condamnation : le caractère probatoire. On vient vous dire qu'il paraît impossible que Sofien Ayari n'ait pas assisté à la fabrication d'explosifs. Mais quel élément pour le dire ?"

Me Maallaoui : "il ne faut pas faire dire à des éléments qui n'existent pas ce que finalement on voudrait qu'ils disent. Ce n'est pas parce qu'il y a son ADN sur des T-shirt ou du mobilier qu'il a participé à une quelconque matérialisation dans la fabrication des explosifs"

Me Maallaoui : " On nous dit encore, sans élément, que Sofien Ayari a participé au ciblage des cibles [des attentats du 13 Novembre 2015, ndlr].

Me Maallaoui : "il y a ensuite l'aide effective apportée : aucun élément. Ni matériel, ni moral. Vous le jugerez à l'aune des faits matériels du dossier mais aussi à l'aune de ce qu'il est."

Me Maallaoui : " on peut comprend aussi qu'il y a un certain mutisme quand des accusés arrivent devant une cour d'assises parce qu'ils sortent de six ans d'isolement. Mon client disait : "ce qui est simple et spontané devient un exercice"."

Me Maallaoui : "on vous demande une peine au sein de laquelle les jours ne se compteront plus. On vous le demande sur base de convictions et non de preuve. On vous demande une mort carcérale."

Me Maallaoui : "je vous demande de punir pas plus qu'il n'est juste, pas plus qu'il n'est utile. Parce que c'est un impératif sociétal. Ne croyez pas que vous serez plus considérables parce que vous serez plus terribles. La justice ne s'accommodera jamais du lit de l'injustice."

Fin de la plaidoirie de Me Ilyacine Maallaoui. L'audience est suspendue pour une pause.

L'audience reprend. Le président s'excuse pour "cette suspension qui a duré en raison de problèmes techniques". "Ce n'était pas un sabotage du Pnat (parquet national antiterroriste) ?", sourit Me Isa Gultaslar pour qui c'est l'heure de plaider pour la défense de Sofien Ayari.

Me Gultaslar, avocat belge débute sa plaidoirie : "avant de venir ici, il y a beaucoup de choses qu'on appréhende : c'est un procès de neuf mois, on sait que son cabinet va couler, et il a coulé, ce sont des habitudes qu'on ne connaît pas."

Me Gultaslar : "mais ce que j'appréhendais le plus c'était de voir les victimes et le regard qu'elles pourraient porter sur les avocats de la défense. Et puis, elles sont venues. Et la seule chose que j'ai vue c'est beaucoup de bonté et d'humanité."

Me Gultaslar : "je n'ai pas perdu un frère ou un parent. Je n'ai pas été appelé à 4 heures du matin pour reconnaître un corps. Je ne sais pas ce que c'est que d'attendre un coup de fil qui ne viendra pas. Je ne sais pas ce que c'est que cette souffrance, mais je la respecte."

Me Gultaslar : "je vais commencer ma plaidoirie par l'histoire d'un petit garçon. Il avait 13 ans, il venait d'Era, une ville dans le sud de la Syrie. Avec d'autres enfants, il avait écrit un mot à l'adresse du président syrien : "ton tour viendra". Ils ont été arrêtés"."

Me Gultaslar : "le petit Hamza qui avait 13 ans était accusé d'être un terroriste par le régime syrien. Après avoir été torturé à mort, son corps a été remis à son père. Il avait été brûlé au visage, aux pieds. Son cou avec été brisé et son sexe tranché. Il avait 13 ans."

Me Gultaslar : "en mars 2014, une journaliste du Monde avait fait un article. Cela s'appelait : "Le viol comme arme de destruction massive en Syrie".

Me Gultaslar : "il y a aussi cette histoire où il a été exigé de trois hommes qu'ils violent leur soeur. Le premier a refusé, ils lui ont coupé la tête. Le deuxième a refusé, il a subi le même sort. Le 3e a accepté, ils l'ont tué sur le corps de la fille".

Me Gultaslar : "si je vous dis cela c'est que tous ces crimes ont pour matrice la sauvagerie, la cruauté et la barbarie de l'Etat syrien. Je tenais à le dire."

Me Gultaslar : "Sofien Ayari a été arrêté dans le cadre de la fusillade de Forest [qui a conduit à son arrestation et à celle de Salah Abdeslam, ndlr]. Puis, il a été inculpé pour les attentats de Paris."

Me Gultaslar : "et là, Sofien Ayari m'a dit : "Me, je sais que je vais payer pour ce que j'ai fait mais les attentats de Paris, je n'ai rien à voir". Et moi, je lui répétais comme un mantra : "ça va aller, ne vous inquiétez pas".

Me Gultaslar : "tout au long de ces années, je lui ai dit : "ne vous inquiétez pas". Mais c'est comme s'il était au fond d'un puit que je voyais l'eau qui montait. Vous avez quelqu'un qui a pris 20 ans de prison, je ne dis pas que c'est une injustice, mais qui a pris 20 ans ..."

Me Gultaslar : "... qui est ici, va prendre une lourde peine et va repartir à 9 mois à Bruxelles. Alors quand il a dit : "à quoi ça sert de me défendre, c'était ça qu'il y avait dans son esprit. Pas du mépris à l'égard des parties civiles."

Me Gultaslar : "ce que le réquisitoire explique c'est que le terrorisme a toujours existé mais que le terrorisme contemporain a une spécificité : le passage à l'acte s'accompagne de la mort de l'auteur. Parce que la finalité par excellence serait le statut de martyr."

Me Gultaslar : "lors de la fusillade de Forest, la première chose que fait Sofien Ayari, et d'ailleurs Salah Abdeslam, c'est de partir. De partir. Ils laissent leur kalachnikov et ils sortent. Si l'objectif était de terminer en martyr, vous faites un carnage."

Me Gultaslar : "dans l'appartement, il y a 11 chargeurs. Si Sofien Ayari voulait faire un carnage, ils l'auraient fait."

Me Gultaslar : "ce que j'essaie d'expliquer c'est que quelqu'un qui ne serait pas mort ne pourrait pas être poursuivi pour une finalité terroriste, ce n'est pas ce que je dis. Mais ce que je dis c'est qu'avoir eu la possibilité de finir comme ça, peut vous aider à comprendre."

Me Gultaslar : "certains ne sont pas morts parce qu'ils ont refusé. Et ils sont là. Depuis quelques années, on assiste à la normalisation de l'exception et à l'exceptionalisation de la norme. Mais il faut que la rationalité et la cohérence ne deviennent pas dérogatoires."

Me Gultaslar : "s'il y a des gens qui ont refusé de mourir, de participer à d'autres actions, on ne peut pas dire qu'ils sont tous interchangeables. Sinon, même si c'est une phrase facile, cela revient à faire payer aux vivants pour ceux qui sont morts."

Me Gultaslar : "lorsque Mme Panou [la juge d'instruction belge, ndlr] est venue, elle a parlé pendant 4 heures. Et elle a terminé par Sofien Ayari. Elle a eu une seule phrase : "il faut comprendre l'homme"."

Me Gultaslar : "pour comprendre Sofien Ayari, il faut comprendre les soubresauts de son pays, la Tunisie, la solidarité de la jeunesse pour ce qu'ils se passe dans les autres pays arabes, il faut comprendre qu'à 21 ans, on ne fait peut-être pas les bons choix."

Me Gultaslar : "il faut comprendre que la guerre ce n'est pas ce que l'on croit, il faut comprendre qu'on n'a peut-être pas été utile, il faut comprendre l'humiliation et les visages de enfants sous les décombres."

Me Gultaslar : "il faut comprendre qu'on s'est peut-être trompé mais qu'on n'ose pas le dire. Il faut comprendre tout cela pour juger Sofien Ayari."

Me Gultaslar : "ici, nous avons eu des débats sur la radicalisation. Je ne veux faire de procès d'intention à personne. Mais je regrette que ce soient les défenseurs d'une seule thèse qui sont venus témoigner devant votre cour."

Me Gultaslar : "il existe un endroit dans le monde on l'on décapite des gens. Il y a même eu 82 exécutions le même jour. Il y a des crucifixions. On coupe les mains des voleurs, on viole les femmes. Ce pays c'est l'Arabie saoudite."

Me Gultaslar : "ce pays, depuis 50 ans, a distillé son venin partout, à coups de milliards. Pourtant l'Arabie saoudite n'a jamais été bombardée, envahie, boycotté. Elle fait l'objet d'une imputé totale. Ses princes héritiers sont mêmes décorés de la légion d'honneur ici, à Paris"

Me Gultaslar : "alors je ne suis pas sûr que l'objectif principal soit de lutter contre le salafisme. Je n'ignore pas que je vais susciter des interrogations mais nous sommes tous des juristes et nous devons appliquer le droit. Moi, j'ai un problème de qualification."

Me Gultaslar : "la première notion est celle de conflit armé. En cas de conflit armé international, entre deux Etats, la situation est réglée par la convention de Genève. En cas de conflit armé non international, la protection est plus limitée."

Me Gultaslar : "dans un conflit armé non international, il suffit qu'il y ait un conflit entre deux groupes armés sur une durée prolongée."

Me Gultaslar : "la qualification du groupe terroriste ne permet pas de lui dénier le statut de groupe armé. Ça a été vrai au Mali avec Aqmi [Al-Qaeda au Maghreb islamique, ndlr]"

Me Gultaslar : "il faut distinguer deux choses : le terrorisme en tant de paix et le terrorisme en tant de guerre. Cela ne signifie pas l'impunité des actions, mais quelle est la qualification qui doit être applicable."

Me Gultaslar : "si on transpose ça à la Syrie, cela signifie que le droit des conflits armés est applicable. Les actes, mêmes criminels, commis par des étrangers sont régis par la convention sur les conflits armés."

Me Gultaslar : "si vous considérez que Sofien Ayari est membre de l'Etat islamique et qu'il avait un statut de combattant, ce qui est le cas, au regard de ces principes, les actes commis en France le 13 Novembre 2015 doivent être qualifiés de crimes de guerre."

Me Gultaslar : "par conséquent, vous devez qualifier ces actes de crimes de guerre. Cela signifie que ces faits-là ne peuvent être régis par le droit domestique français. Le code pénal belge, allemand, italien le prévoient. Pas le code pénal français."

Me Gultaslar :"mais cela n'a pas beaucoup d'importance car le droit international a une valeur supérieure au droit national. "

Me Gultaslar : "il y a une thèse qui existe aux Etats-Unis depuis 30 ans, c'est la thèse du choc des civilisation. C'est la thèse qui a permis de justifier la guerre contre la terreur sous toutes ses formes. Peu importe qu'elle ait été infondée depuis."

Me Gultaslar : "ce n'est pas le djihadisme qui précède la guerre, c'est la guerre qui précède le djihadisme. La seule chose que les guerres antiterroristes ont produit, c'est encore plus de terrorisme. Si on traite les hommes comme des bêtes, ils deviennent des bêtes."

Me Gultaslar : "nous croyons tous ici au caractère sacré de la vie. Mais il faut croire au caractère sacré de toutes les vies et ne pas en considérer certaines comme des dommages collatéraux."

Me Gultaslar : "ce n'est pas la religion qui est à l'origine de ces attentats. C'est la guerre". Fin de la plaidoirie de Me Gultaslar et de cette journée d'audience.

Jour 146–Jeudi 23 juin – Plaidoiries des avocats de l'accusé Mohamed Abrini

Jour 146 au procès des attentats du 13 Novembre Ce sont les avocats de Mohamed Abrini qui vont plaider aujourd'hui. Avant-dernier jour de plaidoiries de la défense.

L'audience reprend. Me Marie Violleau a la parole pour la défense de Mohamed Abrini.

Me Marie Violleau : "Jamais nous n'oublierons ces souffrances. C'est sincère. Et maintenant, je vais vous parler un peu de Mohamed Abrini"

Me Marie Violleau pour Mohamed Abrini : "Serrer sa mère dans ses bras, entendre le vol des oiseaux, border son gamin qui vient de s'endormir. Tout ça c'est terminé pour lui"

Me Marie Violleau parle de la dignité qui reste à Abrini, "il a essayé de rester digne", digne avec "sa virilité". Elle parle d'Abrini sorti de l'isolement, aveuglé par la "lumière clinique de la salle d'audience le premier jour", "ses yeux ronds, les yeux d'un homme"

Me Marie Violleau : "Un homme avec du sang qui coule dans ses veines". Elle répète à "mesdames et monsieur de la cour", un homme qu'elle défend, qui "a essayé de porter des chemises", a "fait des efforts" à ce procès

Me Marie Violleau parle de l'isolement, ruminer "du matin au matin", "et on arrive là, comment répondre à ces érudits en robes noires, rouges, après 70 mois d'isolement ? C'est impossible"

Me Marie Violleau parle de la peine : "réclusion criminelle à perpétuité, 22 ans de sûreté, sans un seul mot sur la personnalité de Mohamed Abrini, mais pourquoi, pourquoi vous faites ça ?"

Me Marie Violleau : "Mohamed Abrini, c'est le clair-obscur, c'est l'homme qui répond puis s'arrête, l'impréparable".

Me Marie Violleau : "Vous connaissez L'homme épouvantable ?" déclame-t-elle. Elle parle de poésie. Baudelaire. "Parce que lui m'en parle". Elle précise que lui "n'est pas un homme épouvantable"

Me Marie Violleau : "Mohamed Abrini n'est pas le soldat de EI". Elle le répète une deuxième fois, fort. Elle dit cet homme, date de naissance, 1984, nom des parents. Et cet "homme qui doute".

Me Marie Violleau pour Mohamed Abrini : "Cet homme qui sait qu'il est coupable", dit-elle. Qui sait qu'il va être condamné. "Il nous le rappelle", il l'assume.

Me Marie Violleau demande à la cour de ne pas se préoccuper de l'opinion publique : "la balance de la justice c'est vous, le recul c'est vous"

Me Marie Violleau oppose la cour au parquet national antiterroriste, "la réponse au crime de manière excessive c'est le parquet"

Me Marie Violleau tâcle gentiment le chercheur @MicheronH : "J'étais sous le charme, son costume, son teint éclatant, mais il y connaît quoi à Abrini, Hugo Micheron ?"

Me Marie Violleau : "Gilles Kepel n'est pas venu. Mesdames, messieurs de la cour, vous êtes mille fois plus compétents que ces gens-là !"

Me Marie Violleau : "Vous allez devoir partir délibérer en vous demandant si la peine est juste. Vous n'êtes pas tenus par les réquisitions. Vous pouvez descendre, monter, vous êtes libres"

Me Marie Violleau : "La pitié et la colère ça va servir un discours médiatique et politique, mais pas la cour. La justice, c'est pas l'arme de la colère"

Me Marie Violleau note que Abrini a reconnu son implication dans la cellule des attentats du 13 Novembre, et "vous avez la Syrie, liens avec Abaaoud, déplacements pour acheter détonateurs, présence dans les caches, ect, ça fait 10 éléments..."

Me Marie Violleau : "On va commencer par Molenbeek, et vraiment j'insiste on a pas besoin de @MicheronH pour le faire"

Me Marie Violleau raconte l'enfance de Mohamed Abrini. Passion du foot. Son père qui l'emmène sur les terrains. Et la chambre partagée avec son frère, Souleymane (mort en Syrie), "le bruit de l'autre qui respire"

Me Marie Violleau cite un accusé, Chouaa, qui avait dit d'Abrini : "Il était désespéré du départ de son frère en Syrie"

Me Marie Violleau : "Quand le frère disparaît, vous avez envie d'aller le chercher, je dis pas ça pour vous émouvoir, c'est comme ça que ça marche un homme !"

Me Marie Violleau raconte ainsi le départ de Mohamed Abrini en Syrie, après avoir appris la mort de son petit frère Souleymane qui s'était engagé dans les rangs EI

Puis elle revient sur un élément: Abrini au retour de Syrie, au stade de foot de Manchester. Elle dénonce la thèse du repérage en Angleterre. "Abrini il prend quelques photos car il adore le foot. Ce sont peut-être aussi des photos, c'est vrai, qui serviront d'alibi à son voyage"

Me Marie Violleau : "Mais des photos pour un repérage pour un attentat, ça n'a aucun sens ! Et puis voyez si on a des émissaires EI en Angleterre, pourquoi on va l'envoyer lui ?" Elle plaide que c'est ridicule. Et qu'il faut "arrêter le ridicule" au moment de juger.

Me Marie Violleau plaide les éléments qu'on ne peut imputer à Abrini, selon elle. Exemple une rencontre avec le djihadiste Reda Hame. Elle plaide sur "la téléphonie qui ne déclenche pas la même borne, vous allez devoir considérer qu'il n'y a pas eu de rencontre"

Me Marie Violleau : "Vous allez faire comme dans n'importe quel dossier"

Autre élément : passage aux Magiciens du Feu, "on a pas de téléphonie avec Abdeslam, pas de caméras... Et donc, vous allez faire quoi ? Vous allez écarter, c'est tout, y a pas de Magiciens du Feu"

Dans cette boutique, achat d'oxygène selon l'accusation, pour fabrication d'explosifs. Mais Me Marie Violleau plaide que pas de preuves de culpabilité pour Abrini pas reconnu par le vendeur, pas plus que dans un autre magasin. Pas de preuves, répète-t-elle.

Me Marie Violleau s'emporte contre "les éléments de contexte" de l'accusation, "c'est vicieux, pourquoi est-ce qu'on pinaillerait comme si on était en compa immédiate à Bobigny ?"

Me Marie Violleau : "La justice, c'est la condamnation pour ce qu'on a fait, pas pour autre chose"

Et Me Marie Violleau répète que Mohamed Abrini sait qu'il va être condamné, il était dans le convoi de la mort le 12 novembre, il a reconnu une rencontre avec Abdelhamid Abaaoud.

Me Marie Violleau : "Mais à quand remonte sa présence dans la cache Henri Bergé ? La version d'Abrini, il connaissait existence de la planque mais n'y était jamais allé" avant le 13 Novembre

Me Marie Violleau est habitée par la plaidoirie qu'elle est en train de faire. Elle plaide avec ses mains, son cœur, en regardant beaucoup la cour. La salle est happée par ses mots. Elle plaide très brillamment.

Me Marie Violleau demande à la cour d'écarter la charge de la cache Henri-Bergé avant le 13 Novembre. Elle égrène ses arguments. Dit "voyez, Abrini il ment pas, enfin il ment pas tout le temps".

Me Marie Violleau : "On arrive dans la journée du 12 novembre. Il a loué une voiture, il est à ce moment-là, un soutien moral, matériel, aide précieuse à la cellule"

Me Marie Violleau : "C'est incontestable, il sera condamné pour ça, mais nous ce qui nous intéresse, c'est ce qui s'est passé dans sa tête ? Il laisse tout tomber"

Me Marie Violleau pour Mohamed Abrini : "Il se fait la malle, il claque la porte, ne tiendra pas de kalachniov, il n'ira pas tirer sur les terrasses, il n'enfilera pas de gilet explosif, le 13 Novembre, il ne tuera personne, il rentre chez lui" en Belgique.

Me Marie Violleau rappelle que dans sa fuite, "il sème la zizanie" dans la cellule

Me Marie Violleau plaide que Mohamed Abrini "ne connaît pas les cibles. Il n'était pas au briefing", briefing qui a été évoqué à l’audience.

Me Marie Violleau plaide que Mohamed Abrini "espère passer sous les radars", puis "El Bakraoui va le chercher"

Me Marie Violleau plaide avec colère aussi par moments. Cette colère qui l'a plusieurs fois traversée durant ces 9 mois d'audience. Elle dit sa colère parce que "celui-là" (elle désigne Abrini), "on n'a pas toujours tenu compte de ce qu'il disait"

Me Marie Violleau : "Vous allez le condamner à une peine extrêmement lourde, mais vous n'allez pas oublier qu'il n'a jamais cessé de douter"

Me Marie Violleau pour Mohamed Abrini répète que l'accusation a retenu dix charges contre lui et qu'elle en a fait tomber 4 ou 5...

Me Marie Violleau pour Mohamed Abrini : "Depuis le 1er jour de sa garde à vue, il parle, il ment parfois c’est vrai"

Me Marie Violleau parle du lien entre Mohamed Abrini et son autre avocat Stanislas Eskenazi, "un avocat c’est pas seulement une plaidoirie, un avocat c’est un fil rouge, c’est pas simple de s’insérer entre deux Belges de Molenbeek" Me Eskenazi vient de Molenbeek.

Me Marie Violleau : "Un avocat, c’est parfois une boussole. On sait très bien qu’on n'est pas des chirurgiens. Nous, on se bat pour qu’il puisse recharger de 50 euros sa cabine tél pour appeler sa mère. Avancer sur le chemin de la vérité"

Me Marie Violleau : "Mohamed Abrini, c’est l’incertitude, c’est le clair obscur. Malgré la virilité des hommes du box, il a expliqué son 12 novembre, qu'un gilet explosif était prévu pour lui le 13 Novembre, a a assumé le testament, sa détermination, jamais ne s’est justifié".

Me Marie Violleau avait alors parlé d'un "pas de géant" et regrette avoir "été moquée" par des commentateurs. "Jamais il n'a fait deux pas en arrière, mais à force de voir le verre à moitié vide..."

Me Marie Violleau, face à la cour, pour l'accusé Abrini : "Vous oublierez ces frasques à l’audience"

Et elle raconte ce jour, où une avocate de parties civiles devant les caméras -Me Maktouf qu'elle ne cite pas- avait dit que dans leur monde de l'EI, les femmes ne plaidaient pas, "oubliant que la plupart des accusés étaient défendus par des femmes" rappelle Me Violleau.

Me Marie Violleau poursuit : ce jour-là, l'avocate de victimes avaient dit devant des caméras que les accusés "s'étaient délectés de la douleur des victimes", et de retour en cellule, Abrini l'avait vue à la télé.

Me Marie Violleau : "Il l’a entendue dire que les accusés s'étaient délectés de la douleur des victimes, qu’il n’avait plus de coeur, bien sûr que ça l’a rendu fou et je le comprends !"

Me Marie Violleau rappelle que quand le président lui a demandé de s'asseoir lors de "frasques", il s'est assis.

Me Marie Violleau plaide que Mohamed Abrini "aimait le foot, lit des romans" et que la cour doit se demander s’il mérite réclusion criminelle à perpétuité ?

Me Marie Violleau parle de la perpétuité, ce mot "plein de fantasmes, un mot qui impose un ciel noir et bas sur la beauté de la justice"

Me Marie Violleau : "La perpétuité, c'est enlever le morceau de ciel entre les barreaux de la cellule, supprimer l'air pur dans la cour de promenade, c’est prendre un homme et le ramener au statut animal, c’est condamner l'esprit à jamais"

Me Marie Violleau achève sa plaidoirie en disant que "le désespoir n’est pas humain, on ne ferme les yeux qu’aux morts, même en pleine nuit, on n’éteint pas les étoiles"

Me Marie Violleau pour Mohamed Abrini : "Gardez en tête que c’est un homme qui assume. Avec Abrini, l'EI a failli. Il a toujours douté, jusqu'à ne pas y aller".

Me Marie Violleau : "La réclusion à perpétuité, c’est trop quand on renonce, quand on fait un pas vers la collectivité, quand on fait un pas pour se rapprocher de la communauté des hommes"

Me Marie Violleau, pour Mohamed Abrini : "La perpétuité, c’est trop pour un type capable de réfléchir au sens de la peine, trop pour un type capable d'écrire un vers dans un box, sur un petit morceau de papier avec dix gendarmes derrière lui"

Me Marie Violleau, pour Mohamed Abrini : "N’oubliez pas qu'il avait dit si j’avais pu, j’aurais acheté la paix universelle ! Personne ne l'a relevé. Et pourtant, c’est ça aussi Mohamed Abrini !"

Ainsi s'achève la plaidoirie de Me Marie Violleau pour Mohamed Abrini. Plaidoirie formidable, d'une très grande puissance.

C'est Me Stanislas Eskenazi qui va prendre le relais. Il est donc l'avocat belge de Mohamed Abrini. Il vient aussi de Molenbeek.

Me Stanislas Eskenazi salue la cour, les victimes, les avocats et "Mohamed", dit-il avec l'accent.

Et l'avocat de Mohamed Abrini dit avec son accent belge : "Au début, je me suis dit ils sont fous ces Gaulois", quand il a appris qu'il y avait une cour spécialisée.

Me Stanislas Eskenazi : "Que pour moi, la cour la plus noble ne devienne pas un nid à erreur judiciaire"

Me Stanislas Eskenazi à la cour : "Une fois que vous avez qualifié les faits, que vous tombiez votre toge, et que vous jugiez en votre qualité d'êtres humains"

Me Stanislas Eskenazi sourit face à la cour : "Cette appellation de cour d'assises, mais vous n'êtes pas les seuls obligés. La façade d'avocat de la défense, elle tient pas longtemps, quand on voit le torrent de douleurs" à la barre. Il parle des victimes.

Me Stanislas Eskenazi : "Nous, on repart pas avec ces douleurs, mais eux, ils repartent avec".

Me Stanislas Eskenazi est drôle dans le début de sa plaidoirie. Plus encore que Me Marie Violleau qui avait déjà fait de l'humour plusieurs fois.

Me Eskenazi raconte aussi une rencontre avec des parents d'une victime un jour dans Paris. Lui était en famille. Eux ont donc perdu un enfant. Il dit "ça m'oblige".

Me Eskenazi reparle de "Mohamed", avec l'accent arabe. "Excusez-moi, je l'appellerai Mohamed, car pour moi, après six ans, c'est pas monsieur Abrini". Mohamed Abrini qui "a un coeur", plaide l'avocat.

Me Eskenazi parle de Molenbeek : "Souvent on fume à l'intérieur du café, même si c'est interdit, on fume du shit, même si c'est doublement interdit. A Molen', on a des tours. On achète parfois un GSM tombé du camion"

Me Eskenazi parle de Molenbeek : "Y a eux, l'Occident, et nous. Y a celui qui est toujours prêt à vous aider. C'est plus que des amis, c'est des frères"

Me Eskenazi parle de la "fraternité" de Molenbeek : "Elle vous apporte le meilleur, mais peut aussi vous amener sur le banc des accusés alors que vous n'avez rien fait. Il cite les accusés Amri, Attou, Oulkadi, Chouaa.

Me Eskenazi demande pourquoi on n'a pas coupé le "matériel de propagande" #EI ? Il dit que quand il y a eu la guerre en Ukraine, "il n'a pas fallu un jour avant de couper RT France"

Me Eskenazi s'inclut. Dit qu'il a vu ces vidéos. Que celle d'Abaaoud qui traîne des corps, atroce, lui "donne envie de vomir", mais comme beaucoup à Molenbeek, "ça faisait rien", "il faut que vous l'entendiez"

Me Eskenazi raconte Mohamed Abrini tombé dans la délinquance. Et son petit frère, Souleymane, "différent" bon élève, "pratiquant depuis ses 14 ans, il allait pas dire à ses parents qu'il allait partir, il a attendu le départ au Maroc pour partir"

Me Eskenazi rappelle que Mohamed Abrini est en prison quand son petit frère est en Syrie. Un jour, "on l'installe dans une pièce, on lui laisse un téléphone, des cris, des pleurs, Souleymane est mort". Me Eskenazi raconte que Mohamed Abrini s'est peu après "évanoui"

Me Eskenazi demande à la cour de projeter une photo. On voit quatre jeunes hommes au bord de la mer en Syrie. Souleymane Abrini, souriant aux côtés d'Abaaoud. "Je sais que cette photo peut choquer, c'est à dessein que je la montre"

Me Stanislas Eskenazi veut montrer qu'Abaaoud le dernier "à avoir tenu la main de son frère". Son petit frère, qui dormait dans la même chambre que lui enfant comme l'a plaidé juste avant Me Marie Violleau.

Me Stanislas Eskenazi plaide que Mohamed Abrini part donc en Syrie pour se recueillir sur la dépouille de son frère, "revient et fait sa vie normale".

Me Stanislas Eskenazi : "Mohamed Abrini va voir Abaaoud. Pourquoi ? Conflit de loyauté. Pour nous, c'est des plus grands criminels. Pour lui, celui qui a tenu son frère. Et son voisin"

Me Stanislas Eskenazi pour Mohamed Abrini : "Vous avez la preuve dans votre dossier qu'il renonce"

Me Stanislas Eskenazi dit quelques gros mots face à la cour. Et raconte les "septante visites à Monsieur Abrini", qu'il défend depuis sa première garde à vue, 8 avril 2016.

Me Stanislas Eskenazi : "Vous devez faire abstraction que Mohamed Abrini a réintégré une cellule" après le 13 Novembre et il pose la question du sens de la peine.

Me Eskenazi parle de la peine donc. Compare avec Reda Hame, djihadiste arrêté à l'été 2015, missionné aussi par Abaaoud, arrêté avant, "condamné à 14 ans", "mais est-ce qu'il aurait été jusqu'au bout ?"

Me Eskenazi plaide "la lâcheté" de Mohamed Abrini. Et "vous garderez les paroles de Abaaoud : tu finiras en prison si tu n'y vas pas", avait-il dit à Abrini, qui finalement n'y est donc pas allé, a renoncé le soir du 13 Novembre

Mohamed Abrini, alias "l'homme au chapeau", avait aussi renoncé au dernier moment à se faire exploser le 22 mars 2016, en laissant le chariot qu'il poussait aéroport de Zaventem.

Me Eskenazi achève sa plaidoirie en demandant comme juste peine trente ans de réclusion criminelle pour Mohamed Abrini.

Me Eskenazi répète les mots d'Abaaoud à Abrini : "Si tu n'y vas pas, tu finiras ta vie en prison". "Faites-le mentir, je vous en conjure"

Jour 147–Vendredi 24 juin – Dernières plaidoiries de la défense et presque dernier jour d’audience. Avocats de Salah Abdeslam.

Bonjour à tous, 147e et presque dernier jour d'audience, aujourd'hui, au procès des attentats du 13 Novembre 2015. Avec les dernières plaidoiries de la défense, celles de Mes Olivia Ronen et Martin Vettes pour la défense de Salah Abdeslam.

L'audience reprend. C'est Me Martin Vettes qui s'avance le premier à la barre pour la défense de Salah Abdeslam : "quelques jours avant l'ouverture du procès, j'ai pris connaissance, comme tout le monde, des informations pratiques pour me rendre dans cette salle d'audience".

Me Vettes : "pour essayer de voir comment allait se passer V13. Et j'apprenais que votre cour d'assises spécialement composée allait siéger au milieu d'un véritable bunker. Ce qui est un peu désagréable et inquiétant parce que cela trahit une justice frileuse".

Me Vettes : "et je me suis posé la question : comment pourriez-vous juger au milieu de policiers en armes de guerre ? Mais on m'a dit que c'était justement pour garantir la sérénité des débats. "

Me Vettes : "alors, je me suis, comme tout le monde, plié aux mesures de sécurité. Et j'ai, comme tout le monde, bu une gorgée d'eau de ma gourde chaque jour pour montrer que ce n'était ni de l'acide, ni du poison."

Me Vettes : "mais surtout, ce que j'ai vu c'est la dignité des victimes. Et encore ce matin, nous avons reçu des encouragements. Et toutes ont eu la délicatesse de nous laisser bien faire notre travail."

Me Vettes : "je ne sais pas ce que l'Histoire retiendra de ce procès mais pour ma part, ceci : nous avons pu faire notre travail, correctement notre métier et nous le devons, aussi, aux victimes."

Me Vettes : "nous avons le sentiment qu'en dehors des parties civiles, beaucoup sont arrivées à l'audience avec un certain nombre de certitudes et la conviction chevillée au corps qu'elles ont bien raison de penser ce qu'elles pensent."

Me Vettes : " Salah Abdeslam vous a dit, lors de son premier interrogatoire : "par où commencer ?". C'est vrai. Par où commencer ? Surtout quand tout semble déjà avoir été dit et écrit. Mais je ne pense pas que tout ait déjà été écrit."

Me Vettes : "est-ce qu'un jour cet homme pourra revenir ans la société ou est-ce qu'il est définitivement perdu ? Alors, je vais vous donner notre lecture, avec Olivia Ronen, de ce que nous observons ici depuis 9 mois."

Me Vettes : "notre propos a pour seule ambition de vous démontrer en quoi la peine que vous réclamez est démesurée."

Me Vettes : "C'est quoi V13 ? A quoi ça sert ce procès ? Cette question, en apparence saugrenue, vous a été plaidée avec le plus grand sérieux par les confrères de parties civiles. V13 ce n'est pas une commission parlementaire, pas d'avantage une cérémonie mémorielle."

Me Vettes : " un procès historique ce n'est pas nécessairement un bon procès. C'est souvent même le contraire quand on y regarde de plus près et qu'on se penche sur les peines prononcées dans les procès dits historiques."

Me Vettes : "en revanche, un procès historique est toujours un procès politique. Monsieur le président, vous avez voulu contenir les propos politiques de certains. Sauf qu'à chaque fois que vous avez voulu chasser la politique du prétoire, elle est revenue au galop."

Me Vettes : " une certaine lecture politique est même faite par l'accusation elle-même pour vous demander à l'encontre de Salah Abdeslam, la peine maximale."

Me Vettes : "Salah Abdeslam vous a dit, et cela a beaucoup dérangé, que pour lui, ces attentats sont une réponse aux bombardements [en Syrie, ndlr]. Il ne les a pas justifié par une soif de sang."

Me Vettes : "qu'importe les faits, qui a frappé qui en premier, à mes yeux, ça ne justifie rien. Jamais, jamais. Ce qui compte à mes yeux, c'est que Salah Abdeslam a, à un moment, adhéré à un certain discours. Et c'est ce glissement qui m'intéresse."

Me Vettes : "Alors François Hollande est venu à cette barre, à la demande de parties civiles; François Hollande c'est celui qui s'est réjouit de la tenue de ce procès. Mais ce procès ne doit pas être une prolongation de la lutte contre le terrorisme. C'est le procès d'accusés."

Me Vettes : "reste aussi, la question du découpage judiciaire entre la France et la Belgique. Et le coût est très lourd pour celui qu'on défend, qui risque de cumuler 20 ans de prison et deux perpétuités. Cela fait quand même beaucoup pour un seul homme, même Salah Abdeslam."

Me Vettes : "je crois qu'on n'a pas besoin d'être un grand expert psychiatre pour voir que du côté de Salah Abdeslam, septembre dernier représente un choc social, que c'était quelque chose pour lui de ce retrouver dans ce box, face au monde hostile."

Me Vettes : "alors les médias se sont régalés de ses sorties pour entretenir la figure du mal, du diable qui sort de sa boîte".

Me Vettes : "contrairement à ce que beaucoup craignaient, il n'a pas transformé ce procès en tribune pour déverser la propagande de Daech. Il est venu presque tous les jours à cette audience."

Me Vettes : "il n'a pas raté un seul des 415 témoignages de parties civiles. Alors évidemment, on ne va pas lui décerner une médaille pour avoir écouté les victimes. C'était, quelque part la moindre des choses. Mais il a reçu ces paroles, pour lui, et aussi tous les autres."

Me Vettes : "alors oui, il a entendu toutes ces victimes, chacune d'entre elles, c'était sans doute la moindre des choses. Et il n'en a pas fini de se souvenir de ces dépositions. Soyez-en certains, Salah Abdeslam a emporté chaque témoignage avec lui. Et pour longtemps."

Me Vettes : "lors de son dernier interrogatoire, il y eu des excuses en larmes. Certains y ont vu une stratégie de défense. Alors, je le dis et chacun en fera ce qu'il voudra. Mais les excuses et les larmes de Salah Abdeslam n'étaient ni prévues, ni demandées."

Me Vettes : "elles étaient spontanées et sincères. Mais je vais quand même vous dire pourquoi nous n'avons jamais mis en place une stratégie lacrymale. Parce que je suis convaincu que ce n'est pas le rôle de l'avocat. Mais aussi parce que nous redoutions le prix des larmes".

Me Vettes : "je suis certain, quoi qu'on en dise, ce procès n'aura pas du tout été le même si Salah Abdeslam avait gardé le silence et qu'il y aurait eu un profond sentiment d'échec si tel avait été le cas."

Me Vettes : "il n'a pas gardé le silence, mais que vaut sa parole. J'ai le sentiment que du côté du Pnat [parquet national antiterroriste, ndlr] n'a jamais rien valu. Et ce, avant même qu'il ouvre la bouche".

Me Vettes : "Salah Abdeslam est accusé de de multiples faits. Mais il encourt la réclusion criminelle à perpétuité incompressible pour une seule infraction : les tirs au Bataclan contre les policiers de la BRI."

Me Vettes : "mais en neuf mois de procès, il n'y a pas une seule question sur ce prétendu projet de tuer des policiers auquel Salah Abdeslam aurait adhéré. "

Me Vettes : "Salah Abdeslam n'est, pas plus que d'autre dans cette salle, pourvu d'une mémoire illimitée. Comme chacun d'entre nous, il ne se souvient pas de tout ce qu'il s'est passé il y a 6 ans ou plus. Mais on dirait que l'accusé n'a tout pas le droit aux trous de mémoire".

Me Vettes : "Salah Abdeslam qui n'est pas le perroquet de ses avocats ni d'ailleurs l'inverse a une parole avec ses défauts, ses trous. Mais au cours de ce procès, Salah Abdeslam a livré la sienne de vérité."

Me Vettes : "Salah Abdeslam a tu certaines choses, refusé d'en incriminer d'autres. Et avec Olivia Ronen, nous l'avons accepté parce que nous savons que pour vivre les longues années de détention qui l'attendent il va devoir, autant que possible, être en paix avec lui-même.

Me Vettes : "on a entendu qu'il avait une défense de petite frappe, de vendeur de shit même. Je connais peu de petite frappe qui assume avec autant d'aplomb que Salah Abdeslam un costume aussi démesuré que celui qu'on lui a enfilé."

Me Vettes : "Salah Abdeslam ne savait pas tout du projet. D'ailleurs peu de gens savaient tout du projet. Parce que, justement, pour que le projet aille jusqu'au bout, il était nécessaire que peu de gens en connaissent les contours exhaustifs."

Me Vettes : "nous pensons que pour Salah Abdeslam le cloisonnement a joué et qu'il ne se serait certainement pas retrouvé avec un gilet explosif s'il avait su, à chaque étape, dans quoi il s'engageait."

Me Vettes : " je sais que c'est parfaitement inaudible de dire d'un terroriste qui était un garçon gentil. C'est inaudible et cet humain. Mais c'est pourtant comme ça que ses proches le décrivent."

Me Vettes : "même son ancienne fiancée, alors que son domicile a été perquisitionné et qu'elle a toutes les raisons de lui en vouloir, ne décrit pas une brute épaisse ou un fanatique mais un jeune fêtard et insouciant. Il ne lui parlait jamais de religion."

Me Vettes : "Salah Abdeslam n'est pas quelqu'un de violent. Il a passé cinq semaines en prison pour une atteinte aux biens. Pas aux personnes."

Me Vettes : "Salah Abdeslam ne s'est absolument pas radicalisé en prison. Pourtant, pour être ici dans ce box, il a bien du se radicaliser quelque part ? Aux Béguines. Les Béguines, je crois que c'est mon chapitre préféré dans ce dossier."

Me Vettes : "alors on va le dire avec force et on va le dire une fois pour toute. Salah Abdeslam ne s'est pas radicalisé aux Béguines. Mais alors où?"

Me Vettes : "A l'audience, Salah Abdeslam vous a raconté une scène avec son frère. Dans sa chambre, il regardait une vidéo de l'Etat islamique. Il a dit : "ça a suscité un sentiment d'impuissance, de voir des innocents se faire massacrer".

Me Vettes : "voilà, vous avez la genèse. Vous avez tout : le frère, la propagande et des vidéos de civiles pour susciter l'empathie et l'envie d'agir."

Me Vettes : "Salah Abeslam vous a dit : "j'ai adhéré à l'Etat islamique parce qu'ils faisaient des choses bien, pas des choses mal. C'était même pas une histoire de religion". Salah Abdeslam n'est pas un sociopathe, même pas un illuminé venu du Moyen-âge."

Me Vettes : "au contraire, en 2015, Salah Abdeslam est un jeune de son époque. Salah Abdeslam est un jeune qui s'indigne. Indignez-vous ! Vous vous souvenez de ce best-seller qui fonctionne très bien sur la génération de Salah Abdeslam qui est aussi la mienne."

Me Vettes : "et cette indignation, l'Etat islamique a su la capter, la cultiver. Ça a fonctionné très bien en Europe, à Molenbeek en particulier."

Me Vettes : "Bien sûr Salah Abdeslam a envisagé d'aller en Syrie. C'était même un rêve, fin 2014. Mais très loin d'être une réalité. Car il en a parlé à sa fiancé qui lui a dit non. Et qu'a-t-il fait? Il est resté à Molenbeek, chez ses parents. Il n'y a même pas eu de débat"

Me Vettes : "vous connaissez les dossiers terroristes bien mieux que moi : il y a des hommes qui ont tout laissé : femme, enfants, amis, travail, tout, pour partir en Syrie. Salah Abdeslam, il a suffit d'une discussion avec sa compagne pour qu'il ne parte pas."

Me Vettes : "à l'été 2015, Salah Abdeslam n'est encore qu'un petit gars de Molenbeek qui devient l'intérimaire de l'Etat islamique. Un intérimaire, pas un soldat car il va effectuer des missions ponctuelles. Sans avoir changé sa pratique religieuse, sans savoir qu'Abaaoud rentre"

Me Vettes : "Salah Abdeslam va louer les voitures qui vont servir à rapatrier les commandos et il va même en conduire lui-même. Mais pour qui roule-t-il? Pour son frère Brahim. C'est lui l'interface entre Daech et Salah Abdeslam."

Me Vettes : "mais pour eux, ces commandos, Salah Abdeslam c'est juste le petit gars qui fait le taxi. Ils ne lui font pas la conversation. Et pour lui, Salah Abdeslam, retour de Syrie et attentats ne sont pas forcément synonymes."

Me Vettes : "à cette époque, Salah Abdeslam se dit que tout ce qu'il risque c'est une condamnation pour une aide pour entrée illégale sur le territoire pour un étranger. C'est dire."

Me Vettes : "si nous contestons parfois pied à pied certains charges retenues contre Salah Abdeslam, il ne faut pas s'y tromper. Ce n'est pas pour vous soutenir que c'est pas le plus grand des hasards qu'il est dans le box, ou par la faute de son frère."

Me Vettes : "en revanche, ce n'est pas non plus, comme le soutient l'accusation, le résultat d'un engagement djihadiste de longue date, soupesé et prémédité."

Me Vettes : "on nous a vanté le dossier d'instruction, d'un million de pages. Un million de pages. Le résultat d'une enquête menées par les meilleurs de France et de Belgique, ce qui fait un peu peur pour la Belgique."

Me Vettes : "ce dossier, il l'a sans doute orienté en ne parlant pas des morts. Alors que lui ne s'est pas fait exploser, n'a tenu aucune kalachnikov, n'a tiré sur aucune des victimes qui s'est présentée à cette barre. Mais il va peut-être payer pour eux."

Me Vettes : "Salah Abdeslam on n'a pas envie de le défendre de loin, de haut, en le traitant comme si c'était un pauvre type, un moins que rien, un attardé. Nous savons qu'il n'est pas tout cela. Ensuite de la distance, il y en a déjà suffisamment entre lui et notre société."

Me Vettes : "monsieur le président, mesdames et messieurs de la cour, nous n'avons pas toujours été d'accord. Mais j'ai du respect pour lui. Parce que pour bien juger, il faut du courage. Pour rappeler que la justice n'a pas a assouvir les bas instincts."

Me Vettes : "vous ne devez pas juger à la hauteur des souffrances incommensurables des victimes, des souffrance abyssales. Il paraît que le châtiment a pour but de rendre meilleur celui qui châtie."

Me Vettes : "alors, quand vous réfléchirez à votre décision, je vous demande de faire l'effort de vous poser une autre question : est-ce que la peine que vous allez prononcer nous rendra meilleur?"

Me Vettes : "nous avons eu un beau procès dans une salle magnifique. Mais tout ce décorum est en réalité accessoire. et ne doit surtout par faire oublier que quel que soit l'endroit, quel que soit l'écrin, la justice n'est belle que lorsqu'elle est bien rendue."

Fin de la plaidoirie de Me Martin Vettes pour Salah Abdeslam. Le président annonce "une suspension avant la dernière plaidoirie de ce procès". A tout à l'heure.

L'audience reprend pour la plaidoirie de Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam : "vous pourrez penser qu'au terme de 146 jours de procès, 29 plaidoiries de la défense et deux heures passées avec mon confrère Martin Vettes, tout aurait été dit."

Me Ronen : "Mais il reste quelques mots à ajouter. Ce fut une audience à la fois bouleversante, complexe et rageante. Bouleversante de part les récits des victimes. Comme tous ici, j'ai été touchée par ces récits."

Me Ronen : "j'ai compris qu'il faudrait composer avec toutes les douleurs, aussi diverses soient-elles et venant de toute part. Complexe parce que 10 mois c'est long, on se demande si on fait bien, assez mais pas trop. Offensif mais pas en rupture."

Me Ronen : "rageante, cette audience l'a été pour plein de raisons, toutes balayées par le raz de marée aveugle des réquisitions. Force est de constater que nous ne sommes plus très loin de cette loi du Talion que nous dénonçons."

Me Ronen : "j'entends les critiques d'ici : la défense de Salah Abdeslam s'étonne qu'une sanction lourde soit requise à son encontre. Mais à quoi s'attendait-elle? Ils vivent vraiment dans un autre monde."

Me Ronen : "que l'on soit bien clairs : bien sûr que nous nous attentions à une sanction lourde. Mais qu'une perpétuité incompressible soit requise contre lui, quasiment sans aucun espoir de liberté, j'ai l'impression qu'on a perdu le sens de la mesure."

Me Ronen : "la version la plus simple est toujours celle qui a le plus de chances de prévaloir mais c'est aussi celle qui a le moins de chances d'être exacte"

Me Ronen : "je vous demanderai juste une chose : que vous fassiez attention à ce que Salah Abdeslam vous a dit : en fait, il était prévu pour aller en Syrie."

Me Ronen : "qu'il ait été au courant des attentats le 10 ou le 11 [novembre 2015, ndlr], peu m'importe finalement. Par contre, le dossier nous donne raison sur cette embauche de dernière minute."

Me Ronen : "Salah Abdeslam n'a pas laissé de testament. Il n'a pas de kunya [surnom donné par l'Etat islamique, ndlr], pas de vidéo de revendication et puis c'est le seul membre des commandos qui n'est pas allé en Syrie".

Me Ronen : "moi je dirais qu'il n'était pas prévu pour le 13 Novembre 2015. Et Mohamed Abrini est venu dire qu'il était prévu en remplacement de sa personne."

Me Ronen : " c'est lors de l'ultime interrogatoire de Salah Abdeslam, étalé sur trois jours, que celui-ci a livré un récit très riche, plein de détails inédits. Il a dit ça : une fois déposé les 3 au Stade de France, il s'est rendu dans le 18e, s'est garé est entré dans le café"

Me Ronen : "il y avait des jeunes dans ce café, des très jeunes. Et puis il a dit : "j'ai renoncé par humanité". Peut-être qu'il s'est reconnu dans ces jeunes ? Peut-être qu'il a renoncé par peur de mourir. Je ne l'exclus pas. Car l'humanité commence par soi-même."

Me Ronen : "mais tout ce que celui-ci est suspect, par nature. Il y a, de l'autre côté de la barre, un doute systémique : à chaque fois que Salah Abdeslam ouvre la bouche".

Me Ronen : "en matière terroriste, la charge de la preuve s'est inversée. On laisse l'accusé s'exprimer et puis on dit si ça nous convainc, nous convainc pas. Aussi, je vous demanderai d'être particulièrement vigilants."

Me Ronen : "sur la question du renoncement, l'accusation a dit que sa conviction était faite : la ceinture [explosive de Salah Abdeslam, ndlr] était défectueuse. "

Me Ronen : "mais il y a des consignes qui sont données par l'Etat islamique : si la ceinture ne fonctionne pas, il faut utiliser un briquet. Chaque porteur d'une ceinture [explosive, ndlr] part avec l'hypothèse que celle-ci peut ne pas fonctionner et qu'il y a alors le briquet."

Me Ronen : "vous ne pouvez qu'être convaincus que Salah Abdeslam s'est désisté et cette donnée essentielle ne pourra que peser dans votre décision."

Me Ronen : "sur le tajet du retour, je vous demanderai de retenir ces choses : que Salah Abdeslam n'est pas menaçant et qu'il est manifestement bouleversé"

Me Ronen : " ensuite il y a l'arrivée dans la planque. C'est la première fois que Salah Abdeslam entre dans une planque belge et y reste. A partir de cette date, Salah Abdeslam s'est retrouvé en immersion totale".

Me Ronen : "Après le 13 novembre 2015, il y a eu la fusillade de la rue du Dries. Salah Abdeslam aurait pu mourir les armes à la main. Et s'il est toujours de ce monde aujourd'hui, manifestement c'est par choix."

Me Ronen : "le parquet vous propose la notion d'interchangeabilité. C'est l'idée que parce qu'on aurait pu être ailleurs, on vous condamne comme si vous aviez été là. On sait que vous n'avez pas été là, mais vous auriez pu".

Me Ronen : "le parquet vous parle pour cela de "scène unique de crime". Mais Salah Abdeslam n'était pas aux terrasses, pas au Bataclan. Des scènes de crimes éloignées de plusieurs kilomètres, on vous fait passer ça pour une scène unique de crime."

Me Ronen : "l'intention du parquet ce n'est pas de sanctionner Salah Abdeslam en fonction de ce qu'il a fait ou pas. C'est de le sanctionner comme un symbole."

Me Ronen : "et puis le parquet vous dit que Salah Abdeslam se revendique comme co-auteur dans ces courriers. Je ne savais pas qu'on laissait aux mis en cause le soin de choisir leur qualification juridique."

Me Ronen : "mais surtout, cela veut dire qu'on laisse le soin de la qualification à l'Etat islamique. Complicité ? Non, l'Etat islamique a dit co-auteur. Ok, alors ce sera co-auteur. C'est quand même drôlement inquiétant."

Me Ronen : "Salah Abdeslam a été arrêté le 18 mars 2016 et depuis il subit des conditions carcérales inédites. Un régime que l'administration pénitentiaire elle-même a dénoncé."

Me Ronen : "l'homme est un animal social, vous lui enlever le social, il n'est plus qu'un animal. Lui enlever toute activité, que son esprit macère bien. L'empêcher de respirer toute bouffée d'air. Et, grâce à une norme adoptée spécialement pour lui, lui retirer toute intimité."

Me Ronen : "lui mettre deux caméras dans sa cellule en permanence sur lui. Imaginez-vous, quelques secondes, juste quelques secondes, dans vos moments les plus intimes, d'être filmé."

Me Ronen : "tout ça pour quoi ? Pour empêcher que le survivant se donner la mort. Pour qu'il arrive vivant à ce procès. Dans quel état ? Peu importe."

Me Ronen : "oui, je suis virulente. Et je sais bien que les propos que je tiens ne sont pas faciles à entendre. Mais notre rôle, c'est de nous extraire de se penchant naturel qui voudrait que l'autre souffre à hauteur de ce qu'on a pu souffrir."

Me Ronen : "quand tout va bien, les principes c'est bien. Mais c'est précisément au moment où on voudrait s'en dispenser que ces principes sont essentiels."

Me Ronen : "l'accusation a requis à l'encontre de Salah Abdeslam la plus lourde de peine du code pénal. Salah Abdeslam serait irrécupérable."

Me Ronen : "c'est parce que c'est ce qu'on aurait aimé demandé contre les auteurs du Bataclan. Mais force est de constater qu'ils ne sont pas là. Qu'on en a un autre sous la main qui, par ironie du sort, est là parce qu'il s'est désisté."

Me Ronen : "madame et messieurs les avocats généraux, c'est à croire que ces 10 mois de procès n'auront servi à rien ! Mais où étiez-vous depuis septembre ? Est-ce que vous n'avez pas vu cette armure se fendiller ?"

Me Ronen : "êtes-vous donc si las et désabusés de la justice que vous ne voyez plus aucune vertu à ce procès ? La dimension émotionnelle que vous avez vécue depuis ses débuts vous empêcherait-elle de vous laisser emporter par l’audience ?"

Me Ronen : "Et puis, à cette audience, son regard s'est voilé, un tic à la paupière, une émotion que je ne lui avais jamais vue. Salah Abdeslam a présenté ses condoléances, ses excuses. "

Me Ronen : "celui qui ces six dernières années n'avait à sa disposition qu'un seul costume dans son placard a finalement trouvé, à cette audience, de quoi s'habiller autrement."

Me Ronen : "lorsque j'ai rencontré Salah Abdeslam en 2018, je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire, qu'il y avait quelque chose d'enfoui, mais qui méritait de se battre. Mais on partait de loin."

Me Ronen : "la peine d'incompressibilité est une peine terrible. Contrairement à la peine capitale, cette mort blanche est vécue dans l'indifférence. En 1981, lors de la suppression de la peine de mort, il n'était pas question de remplacer un supplice par un autre."

Me Ronen : "aujourd'hui, on vous la requiert cette peine cruelle. La justice, ce n'est pas un mouvement de foule. Si vous suivez le parquet, c'est le terrorisme qui a gagné et nous n'auront plus qu'à comprendre qu'en réalité, tout ceci n'était qu'une farce."

Fin de la dernière plaidoirie de la défense. "Nous avons terminé une bonne partie de ce procès, ce soir, annonce le président, mais on va continuer lundi à 9h30 avec la parole aux accusés et on se retirera pour délibérer".

L'audience est donc suspendue jusqu'à lundi 9h30. Bonne soirée et bon week-end à tous