Procès des attentats du 13 novembre 2015 - Le Live Tweet - Semaine VINGT ET UNE

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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Retrouvez sur cette page tous les tweets du procès issus des Live tweets de @ChPiret Charlotte Piret et @sophparm Sophie Parmentier ; elles suivent ce procès pour France Inter et nous ont donné l'autorisation de compiler leurs tweets dans un objectif de consultation et archivage.



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Semaine VINGT ET UNE

Jour 78 – Mardi 08 février - Interrogatoire de l’accusé Sofien Ayari

Bonjour à tous, C'est la 21e semaine du procès des attentats du 13 novembre 2015 78e journée d'audience.

Cette semaine sera consacrée aux interrogatoires des accusés : Salah Abdeslam, Ali El Haddad Asufi et aujourd'hui Sofien Ayari, arrêté en même temps que Salah Abdeslam, en mars 2016 à Bruxelles.

Aujourd'hui, alors qu'il refusait d'assister à l'audience depuis le 25 novembre, l'accusé Osama Krayem est de retour dans le box. Les débats peuvent donc reprendre dans la foulée.

L'accusé Sofien Ayari, pull gris, barbe fournie sous le masque, est invité à se lever dans le box. Il indique qu'il s'exprimera en français "mais dans le cas où j'aurais besoin de l'interprète, je m'adresserai à lui, si vous le voulez bien monsieur le président."

Sofien Ayari : "quand on parle de radicalisation, on fait le lien avec la religion dans le sens où ça s'enchaîne : on commence à pratiquer un peu, on devient plus rigoureux et un jour on se réveille et on est prêt à faire le djihad. Pour moi, c'est complètement différent."

Sofien Ayari au sujet de sa pratique religieuse : "moi je faisais mes prières, je faisais le ramadan. Ça m'empêchait pas de transgresser les règles par moment par faiblesse ou envie. C'est dans ce sens que j'avais une pratique normale."

Président : "votre frère a indiqué que vous aviez commencé à changer en 2013 vous n'alliez plus dans les cafés, vous vous êtes fait pousser la barbe." Sofien Ayari : "à cette époque c'est vrai que j'avais une barbe plus longue, je portais le qamis le vendredi pour la prière."

Sofien Ayari : "il y a eu un changement physique, mais pas tant que ça. J'ai gardé les mêmes amis que lorsque j'étais au lycée. Donc je ne sais pas sur quoi mon frère s'est fondé pour faire cette déclaration" [selon laquelle il ne fréquentait plus les cafés notamment, ndlr]

Président : "vous allez quitter la Tunisie le 6 décembre 2014. Vous avez déjà dans l'idée d'aller en Syrie, c'est ça ? Sofien Ayari : "oui, complètement." - c'est parce qu'il y avait le califat ? - non, vous savez très bien ce qu'il s'est passé en Tunisie. La vie a changé.

Sofien Ayari au sujet de la situation en Syrie "cela donne une sensation de colère, de vouloir faire quelque chose" Président : "pour quelle raison vous choisissez l'Etat islamique ?" - ce sont des gens qui étaient là depuis longtemps et ça leur donnait une certaine légitimité.

Président : "vous choisissez l'Etat islamique. Vous aviez vu des vidéos de scène de décapitation etc. avant de partir ?" Sofien Ayari : "ce n'est pas ça qui m'a encouragé à partir. Et il y avait aussi beaucoup de vidéos qui montraient la violence de l'armée de Bachar Al-Assad."

Sofien Ayari : "l'Etat islamique en Syrie est constitué principalement de Syriens. Président : "mais les Syriens voyaient aussi d'u mauvais oeil l'arrivée de combattants étrangers" - il y avait des dépassements et des erreurs. C'est vrai qu'il y en a eu. Mais des deux côtés.

Sofien Ayari : "cela ne veut pas dire que c'était le choix juste, que ce soit clair. Mais c'était mon raisonnement à l'époque." Il poursuit au sujet des victimes : "la moindre des choses c'est d'expliquer ce qui s'est passé. Comme je peux le faire, je le fais."

Président : "votre contact au sein de l'Etat islamique, c'était qui ?" Sofien Ayari : "je n'ai pas très envie de dire son nom, monsieur le président. Mais je crois qu'il est mort depuis. - je ne suis pas très surpris. Et vous êtes entré comment ? - il y avait un passeur

Sofien Ayari : "en arrivant, j'ai attendu dans une maison. Puis je suis parti à Homs, je suis resté plusieurs mois." Président : "vous avez suivi un entraînement ?" - c'était les bases, les bases de la religion. Et pour les combats, pour se défendre.

Président : "vous avez été blessé quand ?" Sofien Ayari : "à Homs. Les combats se sont intensifiés. Il y a eu des attaques contre la ville de Palmyre. Plusieurs mois après ma blessure, je suis allé à Raqqa."

Sofien Ayari : "j'ai subi quatre opérations assez lourdes quand même. J'ai été contraint de rester à Raqqa : un mois à l'hôpital et un mois dans une maison de blessés". Président : vous avez rencontré les membres du commando du Bataclan ? - non, je ne les connaissais pas.

Président : "Oussama Atar, Abdelhamid Abaaoud, vous ne les avez pas rencontrés ? Sofien Ayari : "non. Moi, à Raqqa, j'étais très très mal. J'avais la mâchoire arrachée, j'étais très maigre. La principale partie de ma vie à Raqqa c'était entre l'hôpital et la maison des blessés."

Des photos de Sofien Ayari ont ainsi été retrouvées : il pose dans un jardin, une kalachnikov à ses pieds. Sofien Ayari : "je m'étais mis de profil pour pas que ma famille voit ma blessure. - Et la kalachnikov ? - J'ai même pas fait attention qu'elle était là.

Président : "A qui vous avez vu parmi les accusés ?" Sofien Ayari : "c'était une ville de transit : il y avait les bureaux, les hôpitaux ... il y avait Raqqa en Syrie et Mossoul en Irak. Il y avait beaucoup de monde. Et moi, la plupart du temps j'étais dans la maison des blessés"

Président : "pour quelle raison vous partez ?" Sofien Ayari : "c'est assez difficile à expliquer. Quand on part dans une zone de guerre, on a un imaginaire, après on est confronté à la réalité, ça bouscule pas mal mais on s'adapte."

Sofien Ayari : "quand on voit des gens tomber à côté de nous, au combat, on sait que c'est la conséquence de son choix, de combattre. Mais quand on voit des gens dans la rue paniqués, on se dit : pourquoi ? On voit l'humiliation sur le visage des gens. On se sent impuissant."

Sofien Ayari : "tout ça fait que j'ai pris une décision sous le coup de l'émotion. J'avais 21 ans à l'époque. Et quand on m'a dit : "on aura besoin de vous ailleurs", j'ai accepté. Personne ne m'a imposé quoi que ce soit, c'est important de le dire."

Président : "donc vous avez accepté de partir en mission en France ?" Sofien Ayari : "pas en France non. Moi les éléments que j'avais c'était d'aller en Belgique et en Allemagne. Et la nature de la mission n'était pas précisée."

Sofien Ayari : "peut-être que le fait que je parte sous le coup de l'émotion fait que je ne me suis pas posée toutes les questions qu'il aurait fallu à l'époque." Président :"c'était quand même pas pour faire du tourisme en Belgique." - je n'avais pas toutes les informations.

L'accusé Sofien Ayari au sujet des déclarations de François Hollande à cette même audience : "ce qu'il a dit c'est que l'intervention de la France a été tardive, pas les frappes de la coalition. Et ce sont ses paroles, ça n'engage que lui."

Sofien Ayari, toujours en réponse à François Hollande et à la décision de frapper en Syrie : "il faut être aveugle pour ne pas voir ce qui s'est passé là-bas. A partir du moment où on accepte de frapper des cibles en pleine ville, on accepte le risque de tuer beaucoup de civils."

Président : "est-ce que vous condamnez ces attentats ?" Sofien Ayari : "je condamne ce genre de choses mais il faut que ce soit des deux côtés, monsieur le président. C'est juste là. Quand c'est loin de nous, ce n'est pas moins grave."

Président : "vous le mettez sur le même plan quoi ?" Sofien Ayari : "Non, mais ceux qui ont causé du tort à ces gens [aux civils en Syrie, ndlr], il faut qu'ils assument leurs responsabilités. Nous, qu'on soit liés de près ou de loin, on sera jugés et on assumera."

Sofien Ayari : "même si moi je n'étais pas présent le 13 novembre 2015, je suis quand même dans le box. Et que des politiques prennent des décisions qui sont regrettables, je demande juste de les reconnaître."

Sofien Ayari : "c'est abou quelque chose ..." Président : "Abou Ahmed ? C'est lui qui a rencontré les combattants du 13 Novembre " - ça ne veut pas dire qu'il a rencontré tout le monde. - donc c'est Abou Ahmed ? - je ne sais plus - si, vous vous souvenez, non?

Sofien Ayari raconte son trajet jusqu'en Europe, en bateau avec Osama Krayem, autre accusé et Ahmad Alkhald, artificier des attentats : "on s'est suivi pendant le trajet, parfois on s'est séparés, parfois on s'est retrouvés." Ils arrivent ensemble sur l'île de Leros, en Grèce.

Président : "vous suiviez les instructions de quelqu'un en Syrie ?" Sofien Ayari : "pour arriver à destination, oui. Mais surtout à partir de l'Allemagne. Avant, il fallait juste suivre la foule [des migrants, ndlr]. Il y avait beaucoup de monde, les frontières étaient ouvertes"

Sofien Ayari au sujet de son périple depuis la Syrie vers l'Europe :"c'est quand on est arrivés en Autriche, ou en tous cas vers la fin, qu'on a su que quelqu'un allait venir nous chercher en Allemagne."

1ere assesseure : "vous dites avoir pris la décision de ne pas participer aux attentats du 13 Novembre 2015. On a la possibilité de refuser ?" Sofien Ayari : "ce serait plus facile pour moi de dire qu'on m'a obligé, mais ce n'est pas le cas. Voilà, ce n'est pas le cas."

Sofien Ayari : "je comprends aussi que certains [accusés, ndlr] n'osent pas parler parce qu'on craint qu'on fasse le tri dans nos déclarations, qu'on ne prend que ce qui est à charge et nous accable. C'est instinctif et je peux le comprendre, mais ce n'est pas mon expérience."

Assesseure : "Qu'est-ce qui a déclenché votre décision de partir en Syrie ?" Sofien Ayari : ça commence par de la peine. Il y avait beaucoup de vidéos violentes sur ce qui se passaient dans certaines prisons du régime. J'étais étudiant, j'avais d'autres priorités. Et ça a évolué.

Sofien Ayari : "moi j'étais étudiant, en dernière année, j'avais d'autres projets de vie. Et puis, petit à petit, j'ai changé. J'ai aussi pensé à l'impact que ça aurait sur ma famille. Et ce choix me suivra toute ma vie, comme tous ceux qui ont été en zone de guerre".

Sofien Ayari au sujet des exactions commises par l'Etat islamique, notamment sur les yézidis : "est-ce que ça s'est fait ? Peut-être dans certains endroits, je ne sais pas. Mais ça ne veut pas dire que j'approuve."

Assesseure : "quelle perception vous avez eue de la violence imposée par l'Etat islamique sur zone ?" Sofien Ayari : "je suis contre la violence imposée par qui que ce soit contre qui que ce soit. Je ne suis pas parti dans cet esprit. Je ne suis pas Syrien, je suis Tunisien."

Le président annonce qu'en raison "d'un problème médical", le père de l'accusé Sofien Ayari ne pourra pas être entendu. L'audience est donc suspendue jusqu'à 15h20, annonce le président.

L'audience reprend avec la suite des questions (parquet, parties civiles, défense) à l'accusé Sofien Ayari. Avant cela, le président indique qu'il va lire les auditions devant les enquêteurs du père et du frère de Sofien Ayari, qui ne viendront pas témoigner comme prévu.

Camille Hennetier (avocate générale) : "devant les enquêteurs, vous avez dit que l'Etat islamique s'était créé dans la violence ?" Sofien Ayari : "bien sûr, c'est un groupe qui s'est créé dans la violence, avant il n'y avait pas de guerre en Irak. C'est une réponse à une invasion"

Camille Hennetier (AG) évoque une filière tunisienne via laquelle Sofien Ayari aurait rejoint les rangs de l'Etat islamique. Sofien Ayari réfute : "je n'avais pas besoin de cette filière pour partir. Je suis parti de l'aéroport de Carthage, avec mon argent."

L'avocate générale fait projeter une photo de Sofien Ayari en Syrie, photo sur laquelle il porte un treillis militaire. Sofien Ayari : "dans ce genre d'endroit c'est le type d'habits qu'on porte. Je ne vais pas porter des vêtements noirs dans un désert ou je vais combattre."

Avocate générale : "les enquêteurs de la DGSI ont expliqué ici que ce n'était pas le type de vêtement que portaient tous les combattants de l'Etat islamique" [mais ceux qui appartenaient à un groupe d'élite, ndlr] Sofien Ayari : "et pourtant si, ça se vend même dans les marchés"

Camille Hennetier (AG) : "à votre avis pourquoi vous vous avez été recruté [pour faire partie du commando du 13 Novembre 2015, ndlr] ?" Sofien Ayari : "je ne sais pas. J'ai eu une discussion avec cette personne [son recruteur qu'il refuse de nommer, ndlr] sur une longue durée."

Sofien Ayari : "vous répétez les mêmes questions, je vous redonne les mêmes réponses." Camille Hennetier (AG) : "je fais mon boulot et je suis un peu têtue." - le problème c'est que quand ça ne va pas dans votre sens, vous n'êtes pas très convaincue. Mais bon, c'est comme ça ...

Sofien Ayari : "c'est loin ,on ne se souvient pas de tous les visages. Il y a des gens qui n'ont pas envie d'être reconnu si les choses tournent mal et qui prennent des précautions. Après, je peux concevoir que mes réponses ne vous satisfassent pas. Mais ce sont les miennes."

Camille Hennetier (AG) : "comment vous faisiez pour avoir de l'argent sur le trajet [entre la Syrie et l'Europe, ndlr]?" Sofien Ayari : on m'a donné un peu d'argent avant de partir. - qui? - la personne qui m'a demandé de partir

Me Monot (PC) cite une audition où il est question des attentats "et vous ne manifestez aucune émotion" Sofien Ayari : Comment pouvez-vous dire que je n'ai aucune émotion ? - Ca ne transparait pas - Un texte peut traduire des émotions ? - Oui - Bah je n'ai rien à vous dire.

Alors que le président tente de recadrer le débat, Me Monot (PC) poursuit : "monsieur le président, je suis parfaitement conscient qu'il a déjà répondu. Mais je ne suis pas satisfait de la réponse." Soupirs dans la salle.

Me Maktouf (PC) : "pourquoi autant de jeunes Tunisiens sont partis en Syrie ?" Sogfien Ayari : "avant 2011, je ne m'intéressais pas à la politique. Je ne vais pas vous dire que Ben Ali m'a oppressé. Mais la ressemblance entre la Syrie et ce qui s'est passé en Tunisie m'a touché".

Interrogé sur les déclarations d'un Tunisien aujourd'hui détenu en Tunisie à son sujet, Sofien Ayari rétorque : "je vais vous dire les choses clairement. En prison en Tunisie, s'il lui demande de dire que c'est moi qui ait organisé le 11 septembre, il le dira."

Me Topaloff (PC) : "vous contestez avoir eu une pratique fondamentaliste de la religion ?" Sofien Ayari : "on ne m'a pas posé la question comme ça. On m'a parlé de radicalisation. Et moi, j'ai demandé ce qu'on entendait par radicalisation."

Sofien Ayari : "les raisons qui m’ont poussé à partir étaient principalement politiques. C’est pas la religion qui a fait que j’ai quitté la Tunisie. Mais peut-être que je ne suis pas assez intelligent pour comprendre votre question, Me Topaloff." Président : nous non plus.

Sofien Ayari : "vous me posez des questions, vous écoutez mes réponses. Et si ça ne vous convient pas, vous en posez encore et encore. Moi j'ai mes réponses, mais ça ne sert à rien de me reposer les mêmes questions pour essayer de coller à votre raisonnement."

Me Topaloff : "vous avez des remords par rapport à votre père ?" Sofien Ayari : "oui, de lui avoir menti, de l'avoir trahi dans tous les espoirs qu'il avait de me voir réussir dans la vie... Du jour au lendemain, il a perdu son fils pour des raisons qu'il ne comprend pas."

Me Topaloff : c'est ma dernière question ... Sofien Ayari sourit : "c'était déjà l'autre la dernière, mais je vous en prie ..." - vous auriez envie de vivre dans un pays gouverné par la charia ? - Je ne suis pas contre. Mais je ne suis forcément pour l'imposer à d'autres.

Me Chemla (avocat de parties civiles) se lève pour s'adresser à Sofien Ayari : "monsieur, j'ai des clients dans la salle qui m'ont demandé de vous faire part de leur soulagement sur le fait que vous vous soyez exprimé et ils considèrent ça comme une marque de respect."

Sofien Ayari au sujet des exactions de l'Etat islamique : "ça n'excuse rien mais tous les groupes le font. Certains le cachent mieux que d'autres. " Me Chemla : "L'EI ne l'a pas caché, il en a fait une carte de visite qui a extrêmement bien marché." - et c'est malheureux.

Me Ilyacine Maalaoui : "jusqu'à présent vous ne vous êtes pas beaucoup exprimé. Pourquoi vous avez accepté de parler ici ?" Sofien Ayari : "quand la juge Panou est venue ici, elle a dit : pour Sofien, il faut le comprendre un peu. J'ai eu l'impression qu'elle m'a vraiment écouté."

Sofien Ayari : "et puis, il y a eu 5 semaines de témoignages [de parties civiles, ndlr] et il y a eu une question qui est revenue souvent : qu'est-ce qui se passe dans la tête de quelqu'un qui va rejoindre un pays en guerre ?"

Sofien Ayari : "je ne veux pas faire le tri mais il y a des gens qui nous touchent plus pour des raisons qu'on ignore parfois. Et il y a une femme, qui ressemble à ma mère, et qui a dit qu'elle nous imaginait comme des petits anges et se demandait comment on arrivait ici."

Sofien Ayari : "et je me suis dit : cette femme, qui a perdu sa fille, ce qu'elle veut c'est savoir ce qu'il s'est passé dans ma tête. Et je me suis dit que je lui devais ça. Ca ne lui rendra pas sa fille, ça ne la rendra pas plus heureuse. Mais je lui devais ça."

Me Isa Gultaslar, avocat de Sofien Ayari se lève à son tour : "j'avais prévu de poser quatre questions, mais je ne vais en poser aucune." Sofien Ayari soupire : "franchement, merci Maître".

Me Isa Gultaslar veut cependant confier "son malaise" : "quand vous dites que c'est politique et qu'il ne faudrait pas parler de ça. C'est comme si la cour avait déjà avalisé l'explication selon laquelle la religion serait la seule explication."

Le président lui répond : "pour répondre à vos inquiétudes, il n'y a aucune certitude acquises par la cour. Vous dîtes que vous êtes mal à l'aise, mais moi je suis très à l'aise avec ça. Tout est envisagé."

"Merci monsieur Ayari, vous pouvez vous asseoir", indique le président. "Compte-tenu de ce qu'a dit monsieur Ayari au sujet de monsieur Krayem, est-ce que celui-ci veut s’exprimer ?" Dans le box, Osama Krayem se lève. "Non", indique-t-il dans le micro. - C'est bref mais clair.

Osama Krayem maintient donc son choix d'user de son droit au silence. Fin de cette journée d'audience et suspension jusqu'à demain 12h30 avec l'interrogatoire de Salah Abdeslam. Bonne soirée à tous

Jour 79 – mercredi 09 février - Interrogatoire de l’accusé Salah Abdeslam

Jour 79, semaine 21 au procès des attentats du 13 Novembre Aujourd'hui, la cour doit interroger l'accusé Salah Abdeslam . Il sera interrogé pour la première fois sur la religion, et sa radicalisation, et son parcours jusqu'à l'été 2015 notamment. Il vient d'entrer dans la boîte.

Un gendarme a enlevé les menottes de Salah Abdeslam, qui porte une chemise blanche et un manteau noir. Masque clair sur le nez, barbe brune qui dépasse. Il est en train de discuter avec ses avocats, Martin Vettes et Olivia Ronen.

Au jour 78. L'accusé Sofien Ayari a expliqué son départ en Syrie en 2014. Il a parlé avec une certaine sincérité. Touché par le témoignage d'une maman endeuillée. "Elle ressemble à ma mère" a dit Ayari.

Même si Ayari a refusé de dire quelle était sa mission précise le 13 Novembre et le nom du commanditaire, sa parole semblait en grande partie sincère. Il a répété qu'il "assumait" son choix de partir en Syrie avec EI, malgré des regrets pour ses parents.

La cour ouvre cette audience. Jour 79. Interrogatoire de Salah Abdeslam.

En fait, la sonnerie a retenti, mais "l'audience n'a pas repris, on est dans une phase hybride, un accusé refuse de comparaître, et un autre est en train d'arriver". Audience suspendue.

On envoie l'huissier sommer Krayem de comparaître, mais il est peu probable qu'il accepte. Krayem est revenu dans le box hier écouter l'accusé Ayari. Mais il a continué à exercer son droit au silence quand le président lui a posé une question.

La cour revient. L'audience reprend. Président : "Bien, alors, Monsieur Krayem refuse de comparaître. Je passe outre. Et nous avons une nouvelle interprète en anglais."

Me @NegarHaeri avocate de Mohammed Amri se lève pour dire qu'elle a versé un document aux débats. Elle lit un compte-rendu de la police de Molenbeek. Café Les Béguines. Café des frères Abdeslam. La police relevait surtout le trafic de stupéfiants.

Le président annonce que les témoins attendus aujourd'hui, la mère, la soeur et l'ex-fiancée de Salah Abdeslam "ne viendront pas".

Président : "Bien, Monsieur Salah Abdeslam, veuillez-vous lever s'il vous plaît, mettez-vous devant le micro. Alors, vous avez fait un certain nombre de déclarations à cette audience après 5 ans de silence devant les juges d'instruction, c'était votre droit"

Et le président rappelle ce qu'a dit Salah Abdeslam à cette audience : qu'il avait "délaissé toute profession pour devenir un combattant de EI", s'en remettait "à la justice d'Allah", et avait dit qu'il regrettait les victimes musulmanes.

Avant même la 1ère question, Salah Abdeslam veut prendre la parole. Faire une première déclaration. Abdeslam, debout, chemise blanche, barbe noire qui dépasse du masque clair : "Je vous avoue que j’hésite encore à savoir si le dois répondre aux questions ou pas".

Salah Abdeslam demande à faire une déclaration spontanée, "et après peut-être ça ira mieux". Et il déclare, debout dans son box : "Je tenais à dire aujourd’hui que je n’ai tué personne, et je n’ai blessé personne, même une égratignure je l'ai pas faite"

Et Salah Abdeslam ajoute : "C’était important pour moi de dire ça". Et il cite Voltaire. "Car depuis le début de cette affaire, on n’a cessé de me calomnier. “Calomniez, calomniez" conseillait Voltaire, il en restera toujours quelque chose".

Salah Abdeslam : "Ça pour moi, c’était important de le dire monsieur le président"

Salah Abdeslam : "Ensuite, je constate dans les affaires de terrorisme que les peines qui sont prononcées sont extrêmement sévères à l'égard de personnes qui parfois n’ont pas tué. Je comprends que la justice veuille faire des exemples de moi, d’autres personnes"

Salah Abdeslam poursuit : "Mais on envoie aussi un autre message. A l’avenir, quand il y aura un individu qui va se retrouver dans un métro, un bus ou ailleurs avec une valise d’explosif de 50 kg"... 1/2

Salah Abdeslam : "Quand il y aura un individu avec une valise d’explosif de 50 kg et qu’au dernier moment, il va se dire qu’il veut faire marche ailleurs, cet individu saura qu’il n’aura pas le droit de penser ça parce qu’on va le pourchasser, l’humilier". 2/2

Salah Abdeslam : "Cet individu saura qu'on lui pardonnera pas". A travers ces mots, il sous-entend que lui-même a fait marche arrière le 13 Novembre 2015 Mais l'interrogatoire sur le soir des attentats aura lieu un autre jour, plus tard dans le procès

A propos des "personnes qui ont fait marche arrière", Salah Abdeslam répète : "C’est ça, monsieur le président que je voulais partager avec vous"

Et Salah Abdeslam se met à répondre aux questions du président Périès. Il est debout, mains croisées devant lui, debout, il regarde le président dans les yeux, il répond d'une voix très calme, presque une petite voix.

Le président lui demande s'il est devenu un combattant EI ? Ce que Salah Abdeslam avait clamé haut et fort au premier jour de ce procès 13 Novembre Le président revient sur cette attitude revendicative du début. "J’essayais expliquer, mon adhésion à EI " dit Abdeslam

Salah Abdeslam dit qu'aller en Syrie lui a "traversé l'esprit". Comme "aller en Palestine quand j'avais 20 ans. J’ai eu une idée passagère aider ces gens, et après c’est passé, j’ai pas été en Syrie "

Président : "Quand s’est faite votre adhésion à l’EI ? Salah Abdeslam : "Dès le départ, dès que j’ai entendu parler de l’EI qui combattait."

Salah Abdeslam : "On voit que dans beaucoup de pays arabes, musulmans, les valeurs occidentales prennent le dessus sur les valeurs islamiques. Et pour nous musulmans, c’est une humiliation".

Salah Abdeslam : "L’EI combat dans le sentier d’Allah pour que sa parole soit la plus haute, pour que l’ordre soit rétabli sur la terre. Et moi ce combat-là, je le légitime".

Salah Abdeslam : "Moi je suis pour EI Je vois comment Bachar El Assad traite son peuple Et c’est ça en fait, moi, à partir de ce moment-là, je soutiens EI, je les soutiens, je les aime, ils sacrifient leurs biens et leurs corps"

Et L'Armée Syrienne Libre demande le président ? Salah Abdeslam : "Eux, ils combattent pour la démocratie. Moi je combats pour les valeurs islamiques. L’islam trimophera de gré ou de force avec ou sans nous. Parce que l’islam c’est la religion de Dieu et Dieu va triompher".

Salah Abdeslam : "Au départ, je soutiens l’EI mais je suis à distance, je ne fais rien de spécial pour eux. Et c’est en 2012 ou 2013 que je trouve que la cause de l’EI est légitime"

Président : "A partir de quand avez vous adhéré vraiment ?" Salah Abdeslam : "Quand mon frère a fait le départ. Quand il est revenu de Syrie, il n’a rien dit. Ensuite, il a été arrêté par la police. Et moi, j’ai été convoqué, j’y suis allé spontanément."

Son grand frère, Brahim Abdeslam, est rentré de Syrie en février 2015. Il y resté quelques jours. Le 13Novembre, Brahim Abdeslam a été un kamikaze, comptoir Voltaire, après avoir mitraillé des terrasses parisiennes.

Salah Abdeslam : "A ce moment-là, je n’avais aucune connaissance du départ de mon frère vers la Syrie. Je pensais comme tous les autres qu’il était allé en Turquie, qu’il avait fait une petite semaine. Et après quelques mois, il m’a dit qu’il était allé en Syrie"

Le président Périès lui demande qui l'a envoyé là-bas. Salah Abdeslam : "Ah ! Je ne sais pas". Il fait un geste, montre son bras, comme s'il donnait des réponses déjà, et que le président lui en demandait plus, trop.

Salah Abdeslam est très poli avec le président de la cour. Il dit souvent "Monsieur le président". Ou encore : "Ouais je comprends, c’est légitime ce que vous dites monsieur le président, mais c’est pas la vérité"

Salah Abdeslam assure qu'il n'a pas vu de vidéos de décapitation de EI "Moi quand j’allais au café, on jouait aux cartes, aux échecs, je buvais un verre ou deux, et après je partais. Et pendant ce temps-là, je n’ai jamais vu mon frère regarder de vidéo de l’EI".

Salah Abdeslam : "C’est mon humanité qui m’a fait regarder la Syrie. Au départ, c’était pas religieux, j’avais de la compassion pour ces gens-là. J’étais dans le confort, occupé à profiter de la vie alors que les gens se faisaient massacrer"

Salah Abdeslam : "J’ai jamais vu les vidéos EI J’ai vu les bombardements, les humiliations, c’est ça que j’ai vu et c’est ça qui m’a touché"

Président : "Et la vidéo d’Abaaoud, vous l’avez vue ?" Celle où on voit Abaaoud, hilare, tractant des cadavres. Inhumanité de l'image. Salah Abdeslam : "Ce qui est sûr c’est que je l’ai vue. Ça parlait au quartier".

Salah Abdeslam : "Et les gens venaients chez moi et me disaient : tu as vu ce qu’a fait ton pote ? Moi comme je vois les choses c’est que lui c’est un combattant, les gens en face de lui combattent. Et à la fin, cette bataille-là, il a gagné et il était content"

Président : "Mais de là à faire une propagande" … Salah Abdeslam : "Ce n’est pas une propagande, monsieur le président. On lui a volé son téléphone et ça a été diffusé. Ce n’est pas lui qui l’a diffusé".

Président : "Est-ce que vous légitimer les exactions, les décapitations en direct ?" Salah Abdeslam : "J’en sais rien moi ce qu’ils ont fait. Je ne peux pas vous répondre comme ça par oui ou par non".

Salah Abdeslam : "Je peux vous dire que ici en France, avant que le président François Mitterrand abolisse la peine de mort, les gens ils étaient pour, et quand François Mitterrand a voulu abolir, les gens ils étaient contre"

Abdeslam répond à une question sur l'esclavage. Dit qu'il n'a pas été aboli en islam. "Et ça les gens doivent se le mettre dans la tête. On ne va pas changer notre religion pour faire plaisir aux autres. On a le droit de vivre notre religion comme on le souhaite".

Président : "Donc vous adhérez à ces idées ?" Salah Abdeslam : "Evidemment. Comme par exemple, quand l’EI décide de faire des attentats, on peut dire des opérations militaires sur le sol européen, c’est pas dans le but de voir le drapeau noir se lever sur la France"

Salah Abdeslam : "Il y a le djihad offensif et défensif. C’était pour faire cesser les bombardements de la coalition sur le sol de l’EI, c’est dans ce but-là. Président : une opération militaire c’est contre des militaires, non ? Abdeslam : non, pas forcément"

Salah Abdeslam : "Parce que l’EI ne possède pas comme la France des avions, des drones. Imaginez qu’ils possèdent ce genre d’armement et bombardent la France. Vous allez trouver ça plus civilisé ? Je ne pense pas. Donc ils font avec les moyens du bord"

Salah Abdeslam : "Quand ils ont touché des civils, c’était pour marquer les esprits. Je vous explique le point de vue de l’EI parce que moi j’ai tué personne et je n’en ai pas l’intention".

Président : "Donc, c’est oeil pour oeil, dent pour dent ?" Salah Abdeslam : "Oui, oeil pour oeil, dent pour dent"

L'avocate de Salah Abdeslam, Olivia Ronen, intervient, à propos de la chronologie des frappes de la coalition / déclarations de l'ex porte-parole EI Al Adnani. Le président s'irrite. Abdeslam : "Monsieur le président, respirons un petit coup !"

Salah Abdeslam : "Les attentats, ils ont été faits après les frappes de la coalition. Moi je vous dis : c’est à cause de François Hollande qu’on est là. Faut écouter ce qu’ils disent les 3" -il parle des 3 terroristes du Bataclan, qu'on a entendu sur bande audio

Président : "Alors, c’est bien ces discours politico- religieux, mais revenons à vous Monsieur Abdeslam, on est pas là pour juger la France, l’Histoire le fera pour nous"

Le président Périès : "A quel moment vous prêtez allégeance ?" Salah Abdeslam : "48 heures avant les attentats".

Salah Abdeslam qui parle du 13 Novembre comme "un grand projet". "Y avait des gens que je connaissais pas. L'EI quand ils donnent des informations, ils font en sorte de pas tout donner, parce que si l'un se fait arrêter, s'il craque, ben, il a rien à dire, voyez ?"

Salah Abdeslam qui dit que le "projet" est venu de Syrie Il dit qu'il ne connaissait pas Oussama Atar, le commanditaire présumé -jugé en son absence à ce procès, présumé mort en Syrie

Salah Abdeslam parle de son frère en disant : "Abdeslam Brahim"

Salah Abdeslam : "Mon frère n’a pas reçu la même mission que les autres qui ont fait les attentats. Il m’a expliqué, on lui a dit : tu vas rentrer en Belgique, et on te rappellera quand on aura besoin de toi. Et je suis sûr à 2000% qu’il ne savait rien de tout ça"

Président : "Et vous, vous êtes à l’extérieur de tout ça ? Salah Abdeslam : Je ne savais rien Président : Jusqu’à 48h avant les attentats ? Abdeslam : Non, je n’ai pas dit ça. Après, mon frère va me demander certaines choses et je vais faire ces choses-là"

Me Ronen intervient. Président : "Laissez répondre votre client. Dans la prochaine réforme, on interrogera directement les avocats, ça ira plus vite. On a la chance d’avoir des explications de monsieur Abdeslam, je pense que c’est intéressant pour tout le monde".

Cela fait maintenant plus d'une heure que Salah Abdeslam répond d'un ton poli et calme. Choisissant parfois de répondre plus tard, par exemple : "Si Dieu le veut, on parlera de ça plus tard, monsieur le président. Parce que là, c’est le fond du fond"

Le président lui demande s'il connaît l'accusé Krayem. Abdeslam : "Non" Président : "Ayari ?" Salah Abdeslam : "Non plus. C’est comme vous, monsieur le président, je peux vous dire que je vous connais ou je vous connais pas ? "

Le président Périès, ton autoritaire : "Ne nous mettons pas sur le même plan !" Salah Abdeslam : "Bien sûr, vous êtes le président !"

La première assesseure prend le relais des questions. Salah Abdeslam explique que Brahim était respecté en tant que grand frère, assure qu'il n'a pas entendu de propos radicaux de la part de son grand frère.

Et Salah Abdeslam dit, voix forte : "J'ai jamais dit à quelqu'un d'aller en Syrie ! J'en profite pour le placer là..."

Salah Abdeslam dit qu'il n'a jamais vu son frère Brahim regarder des vidéos à la cave, "mon frère c'est pas quelqu'un qui se cache, pourquoi il va aller à la cave ? Mon frère, il est ouvert"

Salah Abdeslam : "Moi, la vision que j'ai de mon frère, Abdeslam Brahim, il est leader. Il est déterminé"

La cour interroge ensuite Salah Abdeslam sur Abaaoud, ami d'enfance à Molenbeek, coordinateur des attentats du 13 Novembre et membre des commandos parisiens visant les terrasses.

Salah Abdeslam : "Moi, Abaaoud Abdelhamid, c'est mon frère, il est plus là, c'est quelqu'un que j'aimais beaucoup et j'espère que bientôt, je vais le rejoindre" On perçoit une émotion dans la voix à ces mots.

Puis Salah Abdeslam explique : "J’étais sûr que j’allais mourir quand j’étais en cavale, juste je savais pas quand" Sa cavale a duré quatre mois après le 13 Novembre 2015, jusqu'à son arrestation à Bruxelles le 18 mars 2016.

Une autre magistrate revient sur son allégeance. Salah Abdeslam dit qu'il a pas prêté allégeance "dans les règles EI mais dans mon cœur" Il dit d'ailleurs qu'il n'a pas pris conscience de son allégeance avant les attentats. "Ah bon ?" demande la juge, "vous avez dit 48h avant"

Salah Abdeslam s'étonne qu'il ait dit qu'il avait prêté allégeance 48h avant les attentats. "Tout le monde peut se tromper, moi j'ai rien à cacher ici"

Salah Abdeslam : "Moi, l’allégeance j’en ai pas pris conscience 48h avant les attentats. J’ai prêté allégeance sans même le savoir, voyez. C’était dans mon cœur".

Le président invite Salah Abdeslam à se rasseoir dans son box. Le magistrat lit les anciens PV de l'ex petite amie, Yasmina, qui ne viendra pas témoigner. Elle avait 15 ans quand elle est tombée amoureuse, Salah Abdeslam, à peine plus. Ils ont pensé se marier.

A l'époque, Salah Adbeslam sortait beaucoup. Les parents de Yasmina ne voulaient pas de cette histoire, qui a pourtant longtemps duré. Ils se sont vus une dernière fois trois jours avant les attentats du 13 Novembre

Trois jours avant le 13 Novembre, Yasmina confiait avoir vu Salah Abdeslam pleurer, alors qu'elle-même pleurait. Elle s'inquiétait pour leur histoire, ne se doutait alors pas que c'était la dernière fois qu'elle le reverrait. Les attentats l'ont horrifiée. "Détruite".

La cour lit maintenant le courrier que la sœur Abdeslam, Myriam, a fait parvenir à la cour. La soeur dit "il n'a ôté aucune vie, pourquoi devrait-il payer pour ce que les autres ont fait, n'est-ce pas le rôle de la justice de juger un individu pour les actes qu'il a commis ?"

Myriam Abdeslam qui regrette que son frère Salah ait été "diabolisé, pour certains, il est devenu le tueur du Bataclan alors qu'il n'a jamais été présent là-bas".

Myriam Abdeslam dit que son frère Salah "a certes pris un chemin, obéi à des ordres, mais derrière la carapace qu'il s'est forgé se cache l'homme le plus sensible que je connaisse"

La mère, Yasmina, elle, avait dit aux policiers que son fils Salah Abdeslam était un homme "serviable, qui faisait les courses"

Puis la première assesseure lit la lettre que la mère Abdeslam a fait parvenir à la cour, s'excusant de ne pas être présente, par respect, mais elle n'en a "pas la force". "J'appréhende de voir mon fils, le fruit de mes entrailles, dans le box des accusés"

La mère de Salah Abdeslam a écrit : "C'est la lettre d'une maman, et si je mesure la gravité des faits, je n'en reste pas moins une mère qui défend ses petits. J'ai élevé mes cinq enfants de la même manière, dans les valeurs de l'islam modéré et à l'école publique"

La mère Abdeslam : "Brahim n’est plus de ce monde et Salah est là devant vous. Six ans après je reste inconsolable, comme vous. Comme vous, je veux que la justice soit rendue"

La mère Abdeslam : "J’aimerais qu’il ne paye pas pour les auteurs directs des tueries. La justice doit passer, mais j’implore votre tribunal d’être le plus objectif possible".

La mère de Salah Abdeslam écrit qu'elle est "effondrée d'avoir perdu un fils, un autre en prison"

Le président de la cour invite Salah Abdeslam à se lever et réagir. "Je prends connaissance de ces courriers comme vous tous ici présents", répond-il, la voix cassée. "Et voilà, vous, vous souffrez et nous aussi on souffre, voilà, c’est tout"

Et après une suspension, l'audience reprend, avec les questions du PNAT, puis ce sera au tour des avocats.

Premières questions précises d'un des trois avocats généraux, auxquelles Salah Abdeslam ne répond pas. On ne sait pas s'il n'a pas les réponses ou ne veut pas les donner.

L'avocat général l'interroge une nouvelle fois sur les décapitations par Daech et lui parle d'enfants jetés dans des puits parce que mécréants. "C'est de la calomnie", dit Abdeslam

Abdeslam qui dit "c'est de la calomnie, moi, j’ai adhéré à l’EI parce qu’ils faisaient des choses bien, pas des choses mal, pas des choses comme ça".

Abdeslam qui dit que quand son frère Brahim est rentré de Syrie, "sa mission, c'était pas les attentats, c'était pas ça sa mission"

Salah Abdeslam : "Ce qu'il a fait mon frère, personne ne l'a forcé" mais il répète qu'au départ, sa mission n'était pas des attentats. Au retour de Syrie, on lui aurait dit "rentre en Belgique, on t'appellera quand on aura besoin"

Une avocate de parties civiles, Me Josserand-Schmidt l'interroge au nom des victimes qu'elle représente et qui veulent comprendre son basculement, et comment à 25 ans, il a choisi le djihad. "La peur, madame", répond Salah Abdeslam

"J’ai peur de Dieu, j’ai peur de l’enfer, j’ai peur du châtiment de Dieu" dit Abdeslam, qui explique que c'est son frère Brahim qui l'a "tiré vers ça", il l'écoutait, son frère qui "ne lui voulait pas de mal"

Me Josserand-Schmidt lui demande ce qu'il savait de la coalition ? Salah Abdeslam répond qu'il aurait pu être du côté de la coalition, les plus forts, "ça aurait été plus judicieux" mais il a préféré "les plus faibles"

Et Salah Abdeslam poursuit, parle d'Allah, "il est notre seigneur, il est aussi votre seigneur", dit-il en regardant l'avocate de victimes droit dans les yeux. "Nous, comment on pense, Allah, sa législation, elle est parfaite"

Salah Abdeslam explique qu'il ne peut pas accepter qu'on applique une autre loi. "Nous on s’accroche à la charia comme vous vous accrochez à la démocratie, on ne lâchera rien"

A ce procès, plusieurs victimes musulmanes sont venues à la barre dire qu'on pouvait croire en Allah sans appliquer la charia, que l'islam était une religion de paix.

Me Josserand-Schmidt lui demande pourquoi il n'est jamais allé en Syrie ? "J'étais dans une impasse" répond Salah Abdeslam, tiraillé entre ses parents et sa fiancée en Belgique, puis "cette idée-là m'est partie de la tête, j'ai essayé d'oublier"

Il dit que s'il n'est pas parti en Syrie, c'était pour "ne pas trahir" sa mère et sa fiancée, "moi dans ma tête je dois y aller, et en même temps, je peux pas y aller", "le soir il m'arrivait de pleurer en pensant à mes frères en Syrie" dit Salah Abdeslam

Salah Abdeslam qui explique que cette "impasse", c'est comme "le droit au silence" : parler ou ne pas parler devant la cour ? Où est la trahison ? Jusqu'au dernier moment, il a hésité à parler, dit-il.

Me Josserand-Schmidt lui pose "une vraie dernière question" : pourquoi EI a "travaillé" avec lui pas allé en Syrie ? "C'est mon frère", "la confiance" répond Abdeslam

Et une deuxième avocate de victimes se lève. Les questions sont posées sur un ton non agressif. Salah Abdeslam répond sans agressivité non plus, et poliment. Une sorte de moment suspendu entre avocates de victimes et accusé numéro 1 de ce procès

Cette avocate lui parle de "repentir", et de sa "marche arrière"

Salah Abdeslam :" Y a beaucoup de gens dans le box qui se sont ravisés. Les gens des terrasses, moi j'étais comme ça, j'allais dans ces cafés, parfumé, y a un moment de doute pour se faire sauter..."

Face à cette avocate, Aurélie Cerceau, Salah Abdeslam explique qu'on ne peut pas juger de la même façon, ceux qui ont fait marche arrière, "les gens qui ont rien fait on peut pas les condamner comme si on avait la tête de l’EI "

Salah Abdeslam : "Quand on est à l'isolement, on se dit en vérité est-ce que j’ai bien fait de faire marche arrière ou est-ce que j’aurais dû aller jusqu’au bout ? On se dit j’aurais dû l’enclencher ce truc" Ce truc : sa ceinture explosive jetée dans une poubelle.

Abdeslam fait part de ses doutes. Tente d'expliquer à cette audience qu'il estime qu'on ne peut pas juger un repenti, tel qu'il se présente en somme, à un kamikaze qui n'a pas renoncé. Me Seban, autre avocat de victimes se lève, en colère.

C'est Me Seban qui dit sa colère, le ton est plus agressif. L'avocat d’Abdeslam,

@MartinVettes semble s'agacer. "Tu te calmes, Martin !" dit Salah Abdeslam.

Et Me Seban s'énerve que Salah Abdeslam ose dire qu'il souffre et comparer sa souffrance aux victimes.

Salah Abdeslam : "Je souffre oui. Je vais pas comparer. Je me suis reconnu dans leurs témoignages" Il cite plusieurs témoignages, dont la maman de Lamia, et il dit qu'il est prêt à rencontrer des proches de victimes.

Les avocats de parties civiles poursuivent leurs questions. Me Chemla l'interroge sur un voyage en Grèce, Patras, été 2015. "Vous êtes parti à quelle heure ?" Salah Abdeslam : "Je sais pas ce que j'ai mangé hier, vous me demandez un horaire il y a six ans !"

Et Me Chemla revient sur des propos de Salah Abdeslam, qui a parlé de "mourir bientôt", précisant "je ne suis pas suicidaire". Me Chemla dit que "ça fait penser à une opération martyr" Abdeslam : "Vous avez l'esprit bien mal tourné !"

Salah Adbeslam se plaint de Me Chemla qui dit que "toute la salle a pensé ça" Salah Abdeslam qui dit que l'avocat exagère

Salah Abdeslam qui se dit "fatigué" au bout de six heures d'interrogatoire, et en même temps, il est à l'aise pour répondre, dit par exemple "silence" pour qu'on entende un avocat de parties civiles.

Et contre l'avis de ses avocats, il accepte de terminer son interrogatoire ce soir. Alors qu'il aurait dû durer deux jours. L'interrogatoire va se poursuivre après la suspension. Reprise vers 19h30.

L'audience a repris avec des questions d'avocats de la défense. Dont @NoguerasXavier

Salah Abdeslam dit dans ses réponses, "mon frère à la base, c'est pas quelqu'un de violent"

Me @NegarHaeri autre avocate de Mohammed Amri note qu'il distingue "l'idéologie" du "passage à l'acte" Salah Abdeslam : "Je suis pas trop d'accord avec l'idéologie"... le terme. "Plutôt la charia alors", dit-elle, il est d'accord.

Me @NegarHaeri note le "paradoxe" entre "adhésion à la charia" et le "mode de vie, casinos... Salah Abdeslam : "Y a pas que les jeux, au casino, y avait aussi un bon restaurant"

Me Olivia Ronen, avocate de Salah Abdeslam, arrive à la barre, pour interroger son client : "Bon, Salah... Il est tard... " Elle note qu'il y a des désavantages à parler si tard ce soir, il y en aurait eu à attendre demain, elle pose ses questions.

Me Ronen tient à dire qu'au début de son procès, Salah Abdeslam avait fait des déclarations sur Allah, mais jamais dit "qu'il ne reconnaissait pas la justice française". Elle déplore qu'on le répète. En réalité, il avait dit : "Je ne cautionne pas votre justice".

Elle demande s'il a accompagné Brahim Abdeslam à l'aéroport quand il est parti en Syrie Salah Abdeslam : "Non"

Salah Abdeslam qui précise qu'il avait "à la maison" d'autres frères et sœur "pas d'accord avec ça"

Me Ronen lui demande s'il ne part pas en Syrie en pensant à sa fiancée. Salah Abdeslam acquiesce.

Me Olivia Ronen parle du voyage en Grèce, Patras, été 2015, censé préparer la route pour les commandos. Salah Abdeslam a parlé d'un "road trip" dans les îles. On le soupçonne de ne pas avoir été en vacances. Elle l'invite à dire que "la route fait partie du voyage".

Me Olivia Ronen tente une autre question. Salah Abdeslam ne sait pas répondre : "Maître, aidez-moi !" Elle tente. Président : "Euh, question ou réponse ?!" L'accusé et son avocate se font face. "Je suis désolé, je suis fatigué" dit Salah Abdeslam, regard doux pour Me Ronen.

Salah Abdeslam qui redit que s'il a adhéré à EI, c'est parce qu'il a été "touché" par "le massacre des innocents"

Me Ronen lui demande s'il est un combattant de EI "pour créer le chaos partout, anéantir l'occident, c'est ça qui vous anime, Salah ?" Salah Abdeslam : "Non, pas du tout" "C'est plutôt "l'occident qui fait ça. Je sais que vous vous attendiez pas à cette réponse"

Me @MartinVettes autre avocat de Salah Abdeslam vient aussi à la barre. Lui demande de brosser son autoportrait avant 2015. Abdeslam a du mal, "je suis fatigué" mais rappelle qu'avant il avait "des amis non musulmans"

Me @MartinVettes l 'interroge sur son grand frère Brahim. Salah Abdeslam : "Il obligeait pas les gens" Me Martin Vettes : "Il avait une autorité naturelle" Salah Abdeslam : "Voilà"

Me @MartinVettes revient sur ces propos écrits par des policiers belges, l'accusé Oulkadi aurait dit que "Salah Abdeslam a radicalisé son grand frère" Salah Abdeslam dit que non, que ce n'est pas la bonne version.

Et a-t-il regardé des vidéos de EI dans des "nuages de fumée" au café Les Béguines avec Brahim Abdeslam Salah Abdeslam : "Déjà, j'avais un grand respect pour mon grand frère, je fumais jamais devant lui"

Me @MartinVettes: "Vous avez dit tout à l'heure, c'est pas la violence qui vous attirait ?" Salah Abdeslam : "Exactement, non, moi, c'est mon humanité qui m'a conduit ..."

Et son interrogatoire, le premier sur le fond, s'achève ainsi. Il aurait dû durer deux jours, mais avec trois témoins, sa mère, sa soeur, son ex-fiancée, qui ne sont pas venues. Salah Abdeslam aura répondu aux questions de la cour pendant plus 7 heures.

Debout dans son box, Salah Abdeslam a remis sa veste noire sur sa chemise blanche et il parle avec une avocate de la défense, @HaeriNegar

La salle d'audience se vide, la salle de retransmission aussi. Cette journée aura attiré une foule de victimes et journalistes.

Il y avait des dizaines de journalistes que l'on n'avait plus vus depuis le témoignage de François Hollande.

Le procès reprendra vendredi, avec l'interrogatoire de Ali El Haddad Asufi. Pas de procès ce jeudi. Fin du LT mais l'audience continue à être racontée sur les ondes @franceinter

Jour 80 – Vendredi 11 février - Audition de l’accusé Ali El Haddad Asufi

Jour 80 au procès des attentats du 13 Novembre L'audience va reprendre, après une pause d'un jour. Avant-hier, la cour a interrogé l'accusé Salah Abdeslam, durant un jour au lieu de deux prévus initialement. Abdeslam a été interrogé plus de sept heures, et a parlé.

Lors de cet interrogatoire, Salah Abdeslam a clamé qu'il avait "tué personne, blessé personne, même une égratignure je l'ai pas faite", et il a affirmé qu'il avait renoncé à "enclencher le truc..." Le truc : la ceinture explosive qu'il a jetée dans une poubelle le 13 Novembre

Aujourd'hui, la cour doit entendre l'accusé Ali El Haddad Asufi.

La cour arrive, mais l'accusé Krayem refuse toujours de comparaître. On envoie l'huissier pour les sommations à comparaître. L'audience est suspendue aussitôt et reprendra dans un instant.

L'audience reprend, sans l'accusé Krayem, représenté par ses avocats.

Elle reprend avec de nouvelles demandes de constitution de parties civiles. Parmi ces demandes, une femme blonde qui s'approche de la barre, elle était secouriste le 13 Novembre au Stade de France.

Cette femme a été témoin de l'explosion du 2e kamikaze, puis du 3e. "Jusqu’à y a pas longtemps, je ne pensais pas être victime puisque je suis secouriste Je suis suivie depuis 2020 pour ces événements-là", dit-elle au bord des larmes.

Et elle quitte la salle d'audience, encadrée de psys. Elle n'a pas encore d'avocats.

Et la cour se connecte avec depuis Bruxelles, en visio, un témoin pour l'accusé Ali El Haddad Asufi. C'est sa sœur, pull ivoire, longs cheveux lâchés, elle veut préserver son anonymat.

La sœur de Ali El Haddad Asufi : "Je voudrais dire que je compatis à la douleur des familles des victimes, que je soutiens mon frère, que je l'aime"

La sœur de Ali El Haddad Asufi n'a rien d'autre à ajouter spontanément. Le président lui demande ce qu'elle peut dire du caractère de son frère ? "Jovial, qui aime les gens, qui aime rire, généreux aussi" répond-elle.

La sœur de Ali El Haddad Asufi ne connaissait pas les amitiés de son frère, à part un ami qu'elle cite, Nabil, qui n'est pas à ce procès. Elle ne connaît pas les accusés du box

Elle répète qu'elle ne connaissait pas ses amis. Et "je le voyais tous les jours". Président : "Est-ce qu'il vous est arrivé de parler politique avec lui ?" La sœur : "Non" Président : "La Syrie ?" Elle : "Non". Président : "Ça vous intéressait pas" "Pas du tout"

Président : "Bon... Qu'est-ce que vous avez d'autre à nous dire" La sœur de Ali El Haddad Asufi : "Je fais confiance à la justice, et je compatis" Et les avocats de la défense qui ont demandé ce témoignage, l'interrogent.

Me @MeJonathanDeTa1 demande si elle se souvient de l'arrestation de son frère en mars 2016 ? "Comment oublier ce jour ? On est resté menottés par terre dans les froid pendant des heures, c’est un traumatisme qui est encore présent", dit-elle.

Me @MartinMechin l'autre avocat de Ali El Haddad Asufi l'interroge sur la religion. Elle répond qu'ils sont tous musulmans dans la famille, que l'islam "est une religion de paix", que son frère avait la même vision qu'elle.

Me @MeArabtigrine 3e avocat de l'accusé El Haddad Asufi se lève, rappelle que la soeur était "la confidente" de son frère. Questions sur la prière. Elle dit "je pense pas qu'il était constant tous les jours, faut être honnête personne n'est constant dans la prière"

La deuxième témoin arrive à la barre. Elle aussi, pull ivoire, cheveux longs lâchés, 30 ans, puéricultrice à Bruxelles. Elle est la compagne de Ali El Haddad Asufi.

La compagne de Ali El Haddad Asufi : "Je voudrais dire mes sincères condoléances et qu'on est totalement contre ces atrocités qu'on était faites. Moi je soutiens totalement Ali, je sais qu'il a rien à voir avec tout ça"

La compagne de Ali El Haddad Asufi : "C'est une personne serviable, généreux, qui aime bien rendre service aux personnes, pas du tout impulsif, plutôt calme"

La compagne de Ali El Haddad Asufi dit qu'il n'est pas du genre influençable. Elle aussi dit qu'elle connaît un ami, Nabil, le même que la sœur a cité. Elle ne connaît pas les co-accusés du box.

La compagne de Ali El Haddad Asufi : "Moi je pense que ce que vous pensez de lui, vous vous trompez totalement..." Président : "On n'a rien dit pour l'instant"

La compagne de Ali El Haddad Asufi : "Oui mais s'il est dans cette affaire, vous pensez qu'il est présumé de quelque chose !" Président : "Il est présumé innocent !"

Me @MeArabtigrine souligne que Ali El Haddad Asufi et sa compagne se sont connus au travail, à l'aéroport de Zaventem. "Il vous fait la cour en 2015", leur histoire commence en 2016. Il a toujours clamé son innocence elle veut le soutenir comme il l'a soutenue avant.

Me @MeArabtigrine veut insister sur le côté joyeux luron de Ali El Haddad Asufi. La compagne : "Il adore faire des blagues, amuser la galerie" Me

@MeArabtigrine : "Il aime la vie ?" La compagne : "Oui"

La compagne de Ali El Haddad Asufi : "J'ai douté à aucun moment qu'il était innocent"

Me @MartinMechin lui demande si elle est de religion musulmane. La compagne de Ali El Haddad Asufi : "Oui"

@MartinMechin: "Est-ce que vous en parliez entre vous ?" Elle : "Non, c'était pas un sujet, il me laissait totalement faire ce que je voulais par rapport à ça"

On coupe la liaison avec Bruxelles. Le président invite Ali El Haddad Asufi à se lever dans son box. Il est debout, chemise claire, masque FFP2, pas de barbe, yeux tout ronds, joues un peu rebondies.

Le président commence à l'interroger sur la religion. Ali El Haddad Asufi : "Bah, pratique normale, ça peut s'intensifier à la perte d'un proche, c'est tout, normal"

Président : "Votre vision de EI ?" Ali El Haddad Asufi : "Aujourd'hui j'en pense un peu la même chose que vous, comme tout le monde, c'est un peu une pratique rigoriste de l'islam, c'est pas comme ça qu'on m'a éduqué sur la pratique religieuse, tout ça, voilà quoi"

Le président lui rappelle ses anciens propos, sur PV : "Je ne suis pas d'accord de trancher des gorges". -"C'est bien ça ? -Oui, oui", répond Ali El Haddad Asufi

Ali El Haddad Asufi : "En fait, c'était tellement violent, je me disais c'est pas possible que y ait des êtres humains qui réagissent comme ça". Président : "Dans votre quartier, des gens partis ?" L'accusé : "Non. Mon quartier c'était Schaerbeek, pas Molenbeek.

Ali El Haddad Asufi explique qu'il connaissait son co-accusé Yassine Atar, mais pas son frère, le commanditaire présumé, Oussama Atar.

Président : "Vous saviez qu'il était allé en Irak en 2003 ?"(Oussama Atar, vétéran du djihad) Ali El Haddad Asufi : "Oui, oui, je le savais !"

Et le président l'interroge sur les cousins des frères Atar : les frères El Bakraoui, Khalid et Ibrahim (logisticiens en chef du 13 Novembre). Ali El Haddad Asufi est souçonné d'avoir accompagné Ibrahim El Bakraoui à l'aéroport pour la Syrie

On l'interroge sur une clé USB retrouvée dans sa voiture. Dessus, un fichier intitulé "Coran anasheed". Ali El Haddad Asufi : "Ben j'ai pas grand chose à dire, jamais vu, y avait plein de gens qui utilisaient ma voiture"

Ali El Haddad Asufi dit que c'est quelqu'un d'autre qui a dû laisser cette clé dans son véhicule, qu'il avait depuis environ un an. Président, ton pas convaincu : "Mmmh !" "Y en avait d'autres des clés ?" Ali El Haddad Asufi : "Ouais, une quinzaine !"

Le président lit d'anciens PV sur lesquels Ali El Haddad Asufi disait en mars 2016 que Ibrahim El Bakraoui était pour EI ? Donc il le savait radicalisé ? Ali El Haddad Asufi se justifie ainsi : "Y avait eu les attentats du 22 mars" (les frères El Bakraoui kamikazes)

Ali El Haddad Asufi raconte que les policiers de Bruxelles l'ont interpellé alors qu'il était en voiture, "j'allais chez le psychiatre, y avait eu les attentats, j'étais choqué, les policiers m'ont bandé les yeux", et il aurait dit le 24 mars, stressé, que El Bakraoui radicalisé.

Ali El Haddad Asufi prétend qu'il a dit aux policiers belges "ce qu'ils voulaient entendre", pour pouvoir se libérer et se détacher de Ibrahim El Bakraoui. "Mais vous avez redit la même chose le 9 juin !" note le président. Ali El Haddad Asufi, bredouillant un peu.

Et dans son box, à ce procès 13 Novembre Ali El Haddad Asufi assure que Ibrahim El Bakraoui, "physiquement, il montrait rien du tout" de sa radicalisation, "il faisait des brushings même, c'était une coiffeuse en fait !"

Ali El Haddad Asufi répète aujourd'hui, contrairement avec ce qu'il avait déclaré sur PV, qu'il n'a pas perçu de "changement" chez Ibrahim El Bakraoui. Juste, "plus mature, il voulait se marier quoi !"

Et Ali El Haddad Asufi répète qu'il ne savait pas que Ibrahim El Bakraoui partait en Syrie, croyait qu'il allait "se cacher en Turquie après son passé criminel, puis y a des gens qui partaient en Turquie en vacances, surtout fin juin, j'ai pas eu raison de douter "

Le président lui rappelle de précédents PV (juin 2016), Ali El Haddad Asufi expliquait alors qu'au bout d'une semaine après avoir déposé son ami à l'aéroport, il s'est mis à douter qu'il était bien en Turquie et se demande alors s'il n'est pas en Syrie

La cour cherche à savoir si l'accusé Ali El Haddad Asufi a perçu la radicalisation de son ami El Bakraoui, et le président s'étonne que Ibrahim El Bakraoui n'ait pas confié qu'il allait en Syrie, puisqu'il était son ami. Ali El Haddad Asufi : "Ouais, c'est vrai..."

Ali El Haddad Asufi raconte que Ibrahim El Bakraoui lui a raconté qu'il était dans un parc en Turquie, quand il aurait été arrêté et placé dans un centre de rétention. Ce qu'il aurait dit. Puis il rentre, par les Pays-Bas, "et qu'est-ce qu'il vous dit ?" demande le président.

Ali El Haddad Asufi pense qu'il passe par la route et les Pays-Bas "à cause de son passé criminel", c'est tout. Jure qu'il ne se doute toujours pas du séjour en Syrie

Ali El Haddad Asufi explique que Ibrahim El Bakraoui rentre en Belgique, mais lui dit aussitôt qu'il veut repartir "se planquer", Turquie ou Grèce, dit-il.

Président : "Pourquoi il vous demande de l'accompagner ?" Ali El Haddad Asufi : "Parce qu'il a une fausse carte, ça se voyait, alors ça passait mieux avec un Belge, moi j'avais une carte belge"

Le président enchaîne des questions sur ce nouveau départ d'Ibrahim El Bakraoui, en Turquie, censé mettre la puce à l'oreille de Ali El Haddad Asufi. Il répète qu'il a pas su qu'il voulait aller en Syrie, croyait que c'était pour se planquer après un braquage.

Le président lit un PV dans lequel Ali El Haddad Asufi a dit qu'il était avec le co-accusé Yassine Atar pour accompagner le frère El Bakraoui vers la Turquie (destination finale Syrie ?)

Le président : "Bon, vous accompagnez Ibrahim El Bakraoui en Turquie en toute innocence ? Pourquoi pas profiter plus de jours là-bas ?" Ali El Haddad Asufi : "Ouais, j'aurais aimé rester plus de temps, visiter Athènes" Mais il est reparti le lendemain de son arrivée.

Ce voyage express suspect aux yeux du président, d'autant que coïncide avec le moment où Abdelhamid Abaaoud (un des organisateurs et kamikaze du 13 Novembre ) sur place. Président : "Vous avez pas vu des Belges là-bas ?" Ali El Haddad Asufi : "Non, non"

Ali El Haddad Asufi dit qu'il est reparti au bout de 24h, "on est arrivés très tôt le matin, dormi une bonne partie de la journée, on est restés un peu le soir, et le lendemain on a repris l’avion très tôt".

Ali El Haddad Asufi dit qu'il devait filer au Maroc pour le mariage de son frère, "j'avais encore des emplettes à faire, mon costume"

Suspension

L'audience reprend avec des questions de la première assesseure. La cour cherche toujours à savoir si l'accusé El Haddad Asufi a mesuré qu'Ibrahim El Bakraoui, au parcours criminel de droit commun, devenait un islamiste radical.

11Et l'accusé Ali El Haddad Asufi, en boucle : "J'ai jamais rien vu de rigoriste en lui"

La 1ère assesseure montre une photo, 2 femmes voilées, index levés vers le ciel -symbolisant l'unicité d'Allah, souvent les djihadistes se photographient ainsi : "Pourquoi avoir posté cette photo sur votre mur Facebook?"

Ali El Haddad Asufi : "Jamais rien posté moi !"

Ali El Haddad Asufi : "Y a des choses sur Facebook, je contrôle pas !"

L'avocat général Braconnay lui sort des post de 2015, des échanges entre El Haddad Asufi et Ibrahim El Bakraoui autour de la musique.

Bakraoui étant contre, comme EI

El Haddad Asufi : "Y a beaucoup de gens qu'écoutent pas de musique, hein !"

El Haddad Asufi qui justifient certains propos qu'on lui met sous le nez, "c'était de l'humour". Le PNAT pense : "Vous partagez l'avis d'Ibrahim sur la religion".

L'accusé El Haddad Asufi : "J'sais pas, c'est vous qui interprétez"

L'avocat général Braconnay revient sur la 1ère réponse de l'accusé sur #EI : "islam trop rigoriste".

L'accusé El Haddad Asufi : "Ben, ils massacrent des gens..."

PNAT : "Donc, il y a pas d'ambiguïté ?"

L'accusé : "Non, ils ont commis des génocides, c'est sûr !"

L'avocat général note les appels vers un frère El Bakraoui, vers la Turquie, "vous parlez de quoi ?"

El Haddad Asufi : "On parle de son arrestation, du centre de rétention"...

Le ton de El Haddad Asufi est embarrassé dans ses réponses.

Le PNAT cherche à empêtrer l'accusé El Haddad Asufi face à des bornages téléphoniques de juillet 2015, il borne au même endroit qu'un frère Bakraoui et l'accusé Yassine Atar

·Feb 11

L'accusé El Haddad Asufi donne une version.

L'avocat général : "Ah, c'est une nouvelle version ?!"

C'est au tour des parties civiles.

Me Topaloff se lève.

Ali El Haddad Asufi, voix presque mielleuse : "Bonjour, maître Topaloff"

Elle lui parle de son enfance chez ses parents.

"J'ai perdu mon père à 6 ans" la coupe l'accusé El Haddad Asufi.

"Ah oui, pardon", s'excuse l'avocate, "j'avais cet élément de votre biographie"

Me Topaloff qui veut poser une question, elle se lance dans un long raisonnement, le président lui demande de poser sa question, rires, "j'ai oublié", elle la retrouve. Plusieurs fois, Me Topaloff a fait réagir les accusés et amené des réponses intéressantes.

Il a répété tout l'après-midi qu'il n'avait pas repéré la radicalisation d'Ibrahim El Bakraoui.

Me Topaloff : "Vous considérez avoir été trahi ?"

Ali El Haddad Asufi : "Oui, j’ai été trahi. C’était un ami. Je l’appréciais, je pensais à une amitié sincère."

Ali El Haddad Asufi : "Je pensais à une amitié sincère. Et quand on voit après ce qui s’est passé, bien sûr qu’on est trahi. On se sent un peu humilié. On se sent bête, voilà".

Me Topaloff se rassied.

Me @HChristidis enchaîne sur une autre question, peu convaincue par les réponses de El Haddad Asufi qui en boucle, ne se serait rendu compte de rien.

Me Truong, autre avocate de parties civiles arrive avec une autre question. A côté. Pas le bon moment dans le calendrier. Le président lui fait remarquer. Elle s'agace, revient avec des questions. Protestations d'avocats. Président : "Vous me laissez gérer ça !"

Président : "Si vous voulez devenir président d'assises, vous pourrez, bientôt ! Mais faut choisir son camp !"

Le président Périès qui a derrière lui une longue carrière.

Me Truong finit péniblement par poser une question.

Le président à l'accusé El Haddad Asufi : "Bon, allez répondez... si vous pouvez !"

On passe sur les bancs des avocats de la défense.

Me @ChStPalais avocat de Yassine Atar : "Je vais reposer des questions avec des commentaires, monsieur le président !"

Président : "Comme pour les parties civiles, je vais intervenir, sinon il va y avoir rupture !"

Me @ChStPalais à l'avocat général Braconnay : "Monsieur l'avocat général, méfiez-vous, vous ressemblez de plus en plus à un avocat, vous êtes de mauvaise foi !"

Me @raphkempf autre avocat de Yassine Atar demande à l'accusé El Haddad Asufi s'il a déjà rencontré Oussama Atar ?

L'accusé : "Non"

Me Kempf ressort des PV devant le juge d'instruction, il disait qu'il avait rencontré Oussama Atar sous bracelet chez un frère El Bakraoui.

Silence.

Me @MeJonathanDeTa1, avocat de Ali El Haddad Asufi, veut prouver que son client ne s'intéressait pas à la politique. "Vous connaissiez le nom du 1er Ministre en Belgique en 2016 ?"

Rires.

L'avocat : "Si, si, y en avait un !"

L'accusé : "Non", il le connaissait pas.

Me @MeJonathanDeTa1, avocat de Ali El Haddad Asufi : "Et aujourd'hui ?"

L'accusé : "Encore moins"

Avocat : "Vous avez déjà voté ?"

Accusé : "Non, j'ai même pris une amende"

Me @MeJonathanDeTa1 conclut qu'il ne pouvait pas "s'intéresser à quelques barbus à des milliers de kilomètres" parce qu'il ne s'intéressait pas à la politique dans son pays, la Belgique...

Me @MeJonathanDeTa1 note que des dizaines de fichiers / clés ont été saisis, et "on vous interroge sur une seule clé avec un fichier effacé !"

Me @MeJonathanDeTa1 : "Avez-vous déjà eu les cheveux mi-longs ?"

Accusé : "Non"

Or, la dame de l'agence de voyage (billet acheté pour un frère El Bakraoui) disait que l'acheteur avait les cheveux mi-longs, donc pas possible que ce soit El Haddad Asufi veut convaincre l'avocat.

@MeJonathanDeTa1 qui a beaucoup d'humour, est très sympathique, vient du barreau de Bruxelles, tient à dire ici des choses qui lui semblent aberrantes, comme ces bornages, qui accusent son client mais ne prouvent rien à ses yeux.

@MeJonathanDeTa1 : "Le droit pénal belge a 20 ans de retard sur le droit français, on fait ce qu'on veut sur interpellation". Il souligne que El Haddad Asufi n'a pas été interrogé dans les règles. Pas toujours avec avocat. D'ailleurs, il a refusé de signer un PV.

@MeJonathanDeTa1 regrette que Ali El Haddad Asufi aient subi "un coup de Trafalgar, dégueulasse", il devait être sous bracelet électronique en Belgique, et incarcéré finalement et envoyé ainsi en France.

@MeJonathanDeTa1 : "Est-ce que vous avez repris confiance en la justice ?"

Ali El Haddad Asufi : "Y en a peut-être qui n’attendent rien de ce procès, mais moi j’en attends tout, parce que ça fait 5 ans que je ne suis pas écouté, et j’espère qu’ici on va m’écouter".

@MeArabtigrine autre avocate de Ali El Haddad Asufi : "Est-ce que vous comprenez pourquoi les questions sont importantes ?" (sur les interrogatoires en Belgique)

L'accusé : "Oui ! Pour comprendre les réponses !"

@MeArabtigrine lui fait dire que Ibrahim El Bakraoui était "plus pratiquant" à sa sortie de prison ?

"Oui", convient l'accusé El Haddad. "Avant, il pratiquait pas". Après oui, il a mis la pratique nouvelle sur le compte de la prison.

@MeArabtigrine le questionne sur la radicalité.

"Ben, un mot qu'on connaissait pas avant" répond l'accusé El Haddad Asufi.

@MeArabtigrine rappelle qu'il a été interpellé le 24 mars 2016, après les attentats du 22 mars à Bruxelles commis par la même cellule que celle du 13 Novembre

"J'allais chez le psychiatre" dit El Haddad Asufi, "j'étais choqué par l'attentat à l'aéroport" (où il travaillait)

@MeArabtigrine lui tend une perche.

Sur ce frère El Bakraoui, un des kamikazes du 22 mars 2016.

"Vous vous dites quoi de lui ?"

El Haddad Asufi : "Il a détruit ma vie. C’est une personne que j’aurais préféré ne jamais connaître".

@MeArabtigrine tend une autre perche.

"C’est quoi pour vous ce qu’il a fait ?

En plus vous avez été un témoin des explosions de l’aéroport ?"

Ali El Haddad Asufi, pas spontané, a du mal à répondre, finit par dire : "Ben, c'est écœurant"

N'ajoute rien.

Me @MartinMechin enchaîne sur une question sur les homosexuels (que EI jetait des immeubles), "vous en pensez quoi des homosexuels ?"

Ali El Haddad Asufi : "Ben, chacun fait ce qu'il veut tant qu'il y a le consentement"

Me @MartinMechin cherche à prouver que la présence d'Ali El Haddad Asufi en Grèce avec un frère El Bakraoui ne servait à rien.

"Ben oui", dit son client.

"Donc vous êtes innocent !" conclut l'avocat.

Ainsi s'achève cette 21e semaine de procès

Les trois avocats de Ali El Haddad Asufi ont bien bataillé pour leur client, pas forcément convaincant dans ses réponses.

Compte-rendu web @franceinter à suivre

Le procès reprendra mardi, avec le retour des enquêteurs.

Fin de cette phase d'interrogatoires d'accusés.